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24/04/2014 | FRANCE | N°13LY02758

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2014, 13LY02758


Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. A... F...D..., domicilié ...;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303290 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 janvier 2013 du préfet du Rhône refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il é

tablirait être légalement admissible ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'e...

Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. A... F...D..., domicilié ...;

M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303290 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 janvier 2013 du préfet du Rhône refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ou, en cas d'annulation de la seule obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer, dans un délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 9 de la convention franco-congolaise ; qu'elle méconnaît également celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 février 2014, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à la mise à la charge de M. D...d'une somme de cent euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le préfet du Rhône fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les ordonnances en date des 7 et 28 février 2014, ayant respectivement pour objet de fixer la clôture d'instruction au 24 février 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, et de rouvrir l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 6 septembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Brazzaville le 31 juillet 1993 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2014 :

- le rapport de M. Meillier, conseiller ;

- et les observations de MeC..., pour M. D...;

1. Considérant que M. A...F...D..., ressortissant congolais (République du Congo - Congo-Brazzaville), né en 1987, est entré en France le 2 novembre 2010, muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour, portant la mention " étudiant " et valable du 28 octobre 2010 au 28 octobre 2011 ; qu'il a ensuite bénéficié, sur le fondement de l'article 9 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", valable du 29 octobre 2011 au 28 octobre 2012 ; qu'il a sollicité le 23 octobre 2012 le renouvellement de son titre de séjour ; que, par décisions du 25 janvier 2013, le préfet du Rhône a refusé de procéder à ce renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible ; que, par jugement du 16 juillet 2013, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de ces décisions ; que M. D... relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la convention franco-congolaise susvisée : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. " ; que, pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'administration saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement en France des études ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...s'est inscrit, au titre de l'année universitaire 2010/2011 en première année de master " management et gestion d'entreprise ", option " affaires internationales ", auprès de l'Institut européen des affaires de Neuilly-sur-Seine ; qu'il a validé cette année avec une moyenne de 10,5/20 ; qu'au titre de l'année universitaire 2011/2012, il s'est inscrit à une formation non diplômante auprès d'Europa Formation afin de suivre des cours en langue anglaise à raison de vingt heures par semaine ; qu'il ne produit toutefois aucun relevé de notes ou attestation d'assiduité relatifs à cette formation ; qu'à l'issue de cette formation, il s'est présenté le 2 octobre 2012 au Test of English for International Communication (TOEIC), pour lequel il n'a obtenu que des scores très modestes de 155/495 en compréhension orale et de 55/495 en compréhension écrite ; qu'au titre de l'année universitaire 2012/2013, il s'est inscrit à une préparation par correspondance de chef comptable d'une durée de dix huit mois dispensée par l'Ecole française de comptabilité ; qu'une telle formation à distance ne nécessite toutefois pas le séjour en France de l'étranger qui désire la suivre ; que si l'intéressé a également conclu le 17 septembre 2012 un contrat de professionnalisation en qualité d'employé de commerce, ce contrat de travail, à temps complet et d'une durée de six mois, ne prévoyait que cent quatre vingt sept heures d'actions d'évaluation et d'enseignements et ne pouvait, par conséquent, constituer des études supérieures ou un stage de formation de niveau supérieur, conférant à l'intéressé la qualité d'étudiant ; qu'ainsi, dès lors que ni l'enseignement à distance ni les contrats de professionnalisation n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 9 de la convention franco-congolaise susvisée, M. D... ne pouvait plus, à la date de la décision attaquée, être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études en France ; que si le requérant indique qu'il a été éprouvé par le décès de son père et qu'il a ensuite dû abandonner sa formation de master suivie à Neuilly-sur-Seine lorsque sa petite amie, résidant à Lyon, est " tombée enceinte " puis a accouché le 26 mars 2012, ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, d'expliquer ses changements d'orientation, ses faibles résultats et l'arrêt de toutes études suivies sur place en France ; que, dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas méconnu ledit article 9 en refusant de délivrer à M. D...un titre de séjour ;

4. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré d'une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester un refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...n'est entré en France qu'en novembre 2010, soit à peine plus de deux ans avant l'édiction de la décision attaquée ; que s'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant, il ne suit plus qu'une formation par correspondance et travaille à temps complet sans être titulaire d'une autorisation de travail ; que son père, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en 2003 et a acquis la nationalité française en 2007, est décédé avant que lui-même n'entre en France ; que Mme E...B...avec qui il a eu une fille, Roxanne Eduarda, née le 26 mars 2012, n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour que le 31 janvier 2013, soit postérieurement à la décision attaquée ; qu'en tout état de cause, M. D...ne justifie ni d'une vie commune avec MmeB..., qui vit à une autre adresse que lui, ni, par la seule production de récépissés de demandes de virements bancaires ne mentionnant pas l'identité de l'émetteur, de la contribution qu'il apporterait à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; que s'il soutient que plusieurs autres membres de sa famille, dont ses frères et sa soeur ainsi que des oncles, séjournent régulièrement en France, il ne démontre toutefois pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales en République du Congo, son pays d'origine, qu'il n'a quitté qu'à l'âge de vingt quatre ans et où MmeB..., de même nationalité que lui, peut l'accompagner, avec leur fille, afin d'y reconstituer une cellule familiale ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, et alors même que son père est décédé avant que lui-même parvienne à l'y rejoindre, la décision refusant à M. D...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, M. D...ne justifie ni du rôle qu'il joue auprès de sa fille, ni, en tout état de cause, de l'impossibilité de reconstituer en République du Congo, avec sa compagne et sa fille, une cellule familiale ; que, dès lors, il n'apparaît pas que l'intérêt supérieur de sa fille n'ait pas été suffisamment pris en compte par la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 précité de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

8. Considérant, en dernier lieu, que M. D...peut poursuivre depuis le Congo sa formation par correspondance de chef comptable ; qu'ainsi, son éloignement du territoire n'a pas pour effet de mettre fin à ses études, mais seulement à son contrat de professionnalisation conclu dans des conditions irrégulières ; que, dans ces conditions, compte tenu également de ce qui a été dit ci-dessus relativement à sa vie privée et familiale et à l'intérêt de son enfant, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

En ce qui concerne le choix du pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant qu'en se bornant à invoquer le statut de réfugié accordé en 2003 à son père, aujourd'hui décédé, M.D..., n'établit pas être lui-même personnellement exposé à des " menaces et risques d'atteinte à son intégrité physique " en cas de retour dans son pays d'origine ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D...doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. D...doivent, dès lors, être rejetées ;

14. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par le préfet du Rhône doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2014, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2014.

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N° 13LY02758

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02758
Date de la décision : 24/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-24;13ly02758 ?
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