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24/04/2014 | FRANCE | N°13LY01614

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 avril 2014, 13LY01614


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2013, présentée pour M. A... B..., domicilié ...;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300157 du 28 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon :

- a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 13 septembre 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

- a mis à sa charge le paiement à l'Etat de la somme de 100 euros au titre de l

'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2013, présentée pour M. A... B..., domicilié ...;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300157 du 28 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon :

- a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 13 septembre 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

- a mis à sa charge le paiement à l'Etat de la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de rejeter les conclusions du préfet du Rhône tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors qu'il a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle et compte tenu de sa situation économique ; que les décisions contestées portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de cette convention, dès lors qu'il encourt des risques dans son pays d'origine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2014, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu la décision du 28 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2014:

- le rapport de M. Clot, président,

- et les conclusions de M. Segado, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant mongole, entré en France le 13 novembre 2011, a sollicité l'asile le 16 novembre 2011 auprès du préfet du Rhône ; que le relevé de ses empreintes digitales en vue des vérifications auprès du système EURODAC ayant révélé que l'intéressé avait déjà demandé l'asile aux autorités néerlandaises en janvier 2009, le préfet du Rhône a considéré que son dossier relevait des dispositions du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 janvier 2003 et a engagé une procédure de reprise en charge auprès des Pays-Bas ; que, par une décision du 14 décembre 2011, le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour ; qu'il a pris à son encontre un arrêté de remise aux autorités néerlandaises le 21 mai 2012 ; que le 23 mai 2012, M. B..., placé en rétention sur le fondement de cet arrêté de remise, a présenté son passeport revêtu des tampons et visas attestant de ce qu'il avait quitté le territoire des Etats membres de l'Union européenne pendant plus de trois mois ; que le préfet du Rhône a considéré que la France était, en conséquence, l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... et a abrogé l'arrêté de remise susmentionné ; qu'il a cependant refusé une nouvelle fois de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour par une décision 8 juin 2012 prise sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la demande d'asile de M. B..., examinée dans le cadre de la procédure prioritaire, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 juillet 2012 ; que le 13 septembre 2012, le préfet a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que l'intéressé fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces dernières décisions et, faisant droit aux conclusions du préfet, a mis à sa charge le paiement à l'Etat d'une somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'à la date de la décision contestée par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance du titre de séjour, M. B... résidait sur le territoire français depuis dix mois seulement ; qu'il ne justifie d'aucune intégration particulière en France où il est sans attache, hormis sa compagne, de même nationalité, qui est en situation irrégulière et qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement et leurs deux enfants ; qu'en se bornant à produire copie de son récit présenté devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'acte de décès d'une personne présentée comme son frère et une attestation rédigée postérieurement à la date de la décision contestée selon laquelle il aurait été hospitalisé au centre de santé mentale entre 2001 et 2004, M. B... n'établit pas la réalité des risques qu'il encourt dans son pays d'origine et qui feraient obstacle à ce qu'il puisse y mener une vie privée et familiale normale avec sa compagne et leurs deux enfants ; que, dès lors, eu égard notamment aux conditions d'entrée et de séjour en France du requérant, la décision en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant que M. B... ne peut pas utilement se prévaloir d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui ne désigne pas le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que M. B..., de nationalité mongole, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 13 septembre 2012 ; qu'ainsi, à cette date, il était dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

6. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

8. Considérant que M. B... soutient qu'il encourt des risques dans son pays d'origine où il a été interné d'office et torturé par les services de police en raison de l'enquête menée en 1998 par son père sur l'assassinat d'un ministre mongol ; que les pièces qu'il produit, soit la copie d'un acte de décès d'une personne présentée comme son frère et une attestation rédigée postérieurement à la date de la décision contestée, selon laquelle il aurait été hospitalisé au centre de santé mentale entre 2001 et 2004 et faisant état de son incapacité mentale, ne permettent pas d'établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son retour sans ce pays porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 13 septembre 2012 ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur la mise à la charge de M. B... d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ;

11. Considérant qu'au soutien de ses conclusions de première instance tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préfet du Rhône a fait état de la " charge contentieuse " pesant sur ses services, ayant nécessité l'affectation de 5,8 agents " équivalent temps plein " et la passation d'un marché public de prestations de conseil, d'assistance juridique et de représentation en justice ; que toutefois, il n'a pas justifié de frais spécifiquement exposés à l'occasion de l'instance ; que, dès lors, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a mis à sa charge le paiement à l'Etat d'une somme au titre de ces dispositions ;

Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 28 mars 2013 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet du Rhône devant le Tribunal administratif de Lyon, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Il en sera adressé copie au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2014.

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N° 13LY01614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01614
Date de la décision : 24/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. SEGADO
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-24;13ly01614 ?
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