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24/04/2014 | FRANCE | N°12LY21601

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2014, 12LY21601


Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA01601 ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 avril 2012, présentée pour la SARL Canoë 2000, dont le siège est Route du Point Sublime, Cauquenas, à La Malène (48210) ;

La SARL Canoë 2000 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement

n° 1101491 du 13 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ...

Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA01601 ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 avril 2012, présentée pour la SARL Canoë 2000, dont le siège est Route du Point Sublime, Cauquenas, à La Malène (48210) ;

La SARL Canoë 2000 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101491 du 13 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010, par un avis de mise en recouvrement du 23 décembre 2010, ainsi qu'au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 368 euros au titre du mois de mai 2010 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement attaqué est irrégulier ; qu'en effet, ce jugement n'est pas suffisamment motivé, notamment en ce qui concerne la situation de l'entreprise au regard de la prise de position formelle en date du 22 octobre 2008 de la direction des services fiscaux de la Dordogne ; qu'en outre, les premiers juges, qui ont éludé la question du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations de transport, ont méconnu le droit à un procès équitable, avec égalité des armes, au sens des articles 6 et suivants de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que la procédure d'imposition est irrégulière ; qu'en effet, la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont imprécises et, par suite, insuffisamment motivées, notamment en ce qui concerne le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, de telle sorte que la proposition de rectification n'a pas pu avoir d'effet interruptif de prescription ; que l'administration aurait dû la mettre en mesure de procéder à une régularisation volontaire en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée en application de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales ; que le service ne pouvait refuser de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, compétente afin de se prononcer sur les questions de fait relatives à la décomposition du prix de ses prestations et au taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

- que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés ; qu'en effet, l'administration ne pouvait remettre en cause la déduction de la taxe afférente aux véhicules utilisés pour transporter ses clients, alors que cette prestation de transport est l'accessoire indissociable de l'activité de location de canoës et que les prestations de location et de transport ont fait l'objet d'une facturation globale ;

- qu'il existe un excédent de taxe sur la valeur ajoutée collectée, déclaré par la société, dans la mesure où les prestations de transport auraient dû être soumises au taux réduit de 5,5 % en application du b quater de l'article 279 du code général des impôts ; que la direction des services fiscaux de la Dordogne a d'ailleurs formellement pris position en ce sens le 22 octobre 2008 ; qu'en application des principes de " parallélisme des formes " et de confiance légitime, le trop versé d'un montant de 26 220 euros devra être remboursé ou, tout au moins, compensé avec les rappels opérés ;

- que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 368 euros dont elle a demandé le remboursement le 18 juin 2010 n'ayant jamais été expressément rejeté, il doit également être compensé avec les rappels effectués ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 30 octobre 2012, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir :

- que la proposition de rectification est suffisamment motivée ; qu'il ne peut être reproché au service de ne pas avoir examiné dans la réponse aux observations du contribuable le courrier du 22 octobre 2008 de la direction des services fiscaux de la Dordogne, lequel n'avait pas été évoqué dans ces observations ; que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible ;

- qu'en application des 6° et 7° du 2. du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, les véhicules de transports utilisés par la SARL Canoë 2000 ne pouvaient ouvrir droit à déduction ;

- qu'aucune compensation avec un excédent de taxe sur la valeur ajoutée collectée ne peut être envisagée ; qu'en effet, la société a facturé à ses clients une prestation globale à un taux de 19,60 % ; qu'alors qu'elle n'a pas non plus comptabilisé distinctement des prestations de location et de transport, elle ne peut invoquer la correspondance de la direction des services fiscaux de la Dordogne ;

- que la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée a fait l'objet d'une décision de rejet spécifique en date du 21 octobre 2010, clairement annoncée dans la proposition de rectification ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre en date du 5 mars 2014 par laquelle la Cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'inapplicabilité de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts pour la sous-période du 1er janvier au 31 décembre 2007 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales :

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2014 :

- le rapport de M. Meillier, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Canoë 2000, qui exerce une activité de location de canoës sur le site de La Malène dans les Gorges du Tarn, a sollicité le 18 juin 2010 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 368 euros au titre du mois de mai 2010 ; qu'elle a fait l'objet du 4 août au 28 septembre 2010 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, d'une part, cette demande de remboursement a été rejetée et, d'autre part, la société a été assujettie à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 13 949 euros, outre intérêts de retard, mis en recouvrement le 23 décembre 2010 ; que, par jugement du 13 mars 2012, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la SARL Canoë 2000 tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010 ainsi qu'au remboursement du crédit de taxe susmentionné ; que, la SARL Canoë 2000 relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Nîmes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande de la SARL Canoë 2000 ; qu'en particulier, il n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que, par une prise de position formelle en date du 22 octobre 2008, opposable à l'administration fiscale en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, la direction des services fiscaux de la Dordogne a indiqué qu'une entreprise de location de canoës transportant ses clients sur les lieux de départ des descentes devait " facturer distinctement le transport qui bénéficie du taux réduit et la location de canoë qui relève du taux normal " ; qu'en indiquant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la société aurait procédé à la facturation distincte de ces deux types de prestations, laquelle ne saurait se déduire de la seule attestation établie le 17 janvier 2010 par le cabinet d'expertise comptable Fiducial Expertise, certifiant au titre des années 2007 à 2010 que le chiffre d'affaires se compose à 40 % de prestations de transport, les premiers juges ont suffisamment explicité les raisons pour lesquelles ils ont estimé que la SARL Canoë 2000 ne pouvait se prévaloir de cette prise de position ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une " absence de motivation " doit être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; que ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les premiers juges, en ignorant au cours de l'instruction le débat relatif au taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au transport des clients, auraient méconnu le droit à un procès équitable, avec égalité des armes, au sens desdites stipulations est inopérant ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition et l'interruption de la prescription :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales : " Au cours d'une vérification de comptabilité et pour les impôts sur lesquels porte cette vérification, le contribuable peut régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, moyennant le paiement d'un intérêt de retard égal à 70 % de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. / Cette procédure de régularisation spontanée ne peut être appliquée que si : / 1° Le contribuable en fait la demande avant toute proposition de rectification ; / 2° La régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ; / 3° Le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les trente jours de sa demande et acquitte l'intégralité des suppléments de droits simples et des intérêts de retard au moment du dépôt de la déclaration, ou à la date limite de paiement portée sur l'avis d'imposition en cas de mise en recouvrement par voie de rôle. " ;

5. Considérant, d'une part, que si ces dispositions permettent au contribuable faisant l'objet d'une vérification de comptabilité de demander, de façon spontanée et avant l'envoi de la proposition de rectification, la régularisation des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances figurant dans ses déclarations, elles n'imposent pas en revanche au service vérificateur d'inviter, pendant le contrôle, le contribuable à présenter une telle demande de régularisation ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que la SARL Canoë 2000 n'a sollicité la régularisation du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a collectée que dans ses observations, formulées le 27 octobre 2010, en réponse à la proposition de rectification ; que, dès lors, l'administration n'était pas tenue de tenir compte de cette demande, présentée postérieurement à la proposition de rectification ;

7. Considérant, dès lors, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales ne peut être accueilli ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ; que seule une proposition de rectification suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales peut interrompre la prescription du droit de reprise de l'administration ;

9. Considérant que la proposition de rectification du 30 septembre 2010 se borne, d'une part, à remettre en cause la déduction de la taxe ayant grevé les dépenses engagées pour l'achat, la réparation, l'entretien et le carburant des véhicules utilisés par la SARL Canoë 2000 pour transporter sa clientèle et, d'autre part, à retrancher de la taxe sur la valeur ajoutée collectée la taxe facturée à tort lors de la cession de trois véhicules de transport ; que cette proposition, qui comporte la désignation de l'impôt concerné, de la période d'imposition et de la base d'imposition, énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier ces rectifications ; qu'en l'absence d'autre rectification relative à la taxe sur la valeur ajoutée collectée, et notamment au taux applicable, la proposition du 30 septembre 2010 n'avait pas à analyser la situation concrète de l'entreprise au regard d'une éventuelle ventilation du chiffre d'affaires entre l'activité de location de canoës et l'activité de transport ;

10. Considérant, par ailleurs, que ni les articles L. 55 à L. 61 A du livre des procédures fiscales, relatifs à la procédure de rectification contradictoire, ni aucun autre texte législatif ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'obligent l'administration à se prononcer, avant la mise en recouvrement, sur une demande de compensation formulée par le contribuable au cours de la procédure de contrôle ; qu'il suit de là que la SARL Canoë 2000 ne peut utilement se plaindre de ce que l'administration fiscale n'aurait pas répondu, dans sa réponse, en date du 16 novembre 2010, à ses observations tendant, en cas de maintien de la rectification opérée en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible, à la mise en oeuvre de la procédure de régularisation de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales afin de " neutraliser " la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort sur les prestations de transport ; qu'en tout état de cause, la réponse, en date du 16 novembre 2010, aux observations du contribuable rappelle que la société n'a pas sollicité, au cours du contrôle, la mise en oeuvre de cette procédure de régularisation ; qu'en outre, il ne saurait être reproché au vérificateur de ne pas avoir apprécié la situation de la société au regard du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, alors que le contribuable n'avait pas demandé dans ses observations en date du 27 octobre 2010 l'application du taux réduit de 5,5 % à la partie du chiffre d'affaires relative aux prestations de transport ; qu'enfin, l'administration fiscale a répondu, dans la réponse, en date du 16 novembre 2010, aux observations de la société selon lesquelles la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux véhicules utilisés pour transporter ses clients ne pourrait être remise en cause alors que la prestation facturée à ceux-ci présentait un caractère global et forfaitaire ;

11. Considérant, dès lors, que la SARL Canoë 2000 n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable seraient insuffisamment motivées, ni, par suite, que la première n'aurait pas eu d'effet interruptif de prescription ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 59 du code général des impôts " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 59 A du même code : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du (...) chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, si elle est compétente lorsque le désaccord porte sur le montant du chiffre d'affaires taxable, ne l'est pas lorsque ce désaccord porte sur le taux de la taxe applicable à ce chiffre d'affaires ou sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible ;

13. Considérant qu'en l'espèce le litige opposant la SARL Canoë 2000 et l'administration fiscale porte, à titre principal, sur la déductibilité de la taxe ayant grevé des dépenses afférentes à des véhicules de transport, qui a seule donné lieu à rectification, et, à titre subsidiaire, sur la ventilation du chiffre d'affaires entre les prestations de location de canoës et de transport, qui a été sollicitée au cours de la procédure de rectification par le contribuable, aux fins de l'exonération ou de la soumission d'une partie du chiffre d'affaires au taux réduit de 5,5 % ; qu'ainsi, ce litige n'est pas au nombre des différends dont il appartient à la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires de connaître ; qu'au demeurant, l'administration n'avait pas à soumettre à cette commission la demande de compensation formulée par la contribuable au cours de la procédure de rectification ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le litige n'a pas été soumis à cette instance, en dépit de la demande exprimée par la société, doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la SARL Canoë 2000 consiste à louer des canoës sur le site touristique de La Malène (Gorges du Tarn) ; que dans le cadre de son exercice, elle est amenée à rapatrier par la voie routière les embarcations mises à disposition de ses clients dont elle assure également, par ailleurs, le transport au retour des excursions ;

En ce qui concerne la rectification effectuée en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible :

15. Considérant qu'aux termes du 1. du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " ; qu'aux termes de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / (...) 2. Ces décrets peuvent édicter des exclusions ou des restrictions et définir des règles particulières, soit pour certains biens ou certains services, soit pour certaines catégories d'entreprises (...) " ; qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II audit code, dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. " ; qu'aux termes de l'article 206 de cette même annexe, dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2008 : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / (...) IV. (...) 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : / a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; / b. Donnés en location ; / c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; / d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; / e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, dès lors qu'ils ont été certifiés par le service technique des remontées mécaniques et des transports guidés, dans des conditions fixées par décret / f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports ; / 7° Pour les éléments constitutifs, pièces détachées et accessoires des véhicules et engins mentionnés au premier alinéa du 6° (...) " ; que pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens des dispositions de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné ;

16. Considérant que l'administration fiscale a remis en cause, sur le fondement des dispositions des 6° et 7° de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé différentes dépenses engagées pour l'achat, la réparation, l'entretien et le carburant des véhicules utilisés par la SARL Canoë 2000 pour transporter sa clientèle au motif que la société ne se livrait pas à une activité de transport public de voyageurs et que ces véhicules, à savoir des autocars, n'étaient en aucun cas affectés exclusivement à l'exercice d'une telle activité ;

17. Considérant, d'une part, que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause, sur le fondement des dispositions des 6° et 7° de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, applicables à compter du 1er janvier 2008 seulement, la déduction de la taxe, d'un montant de 1 310 euros, ayant grevé des dépenses exposées au titre de la sous-période du 1er janvier au 31 décembre 2007 ; que le ministre de l'économie et des finances n'a sollicité aucune substitution de base légale s'agissant de cette rectification ;

18. Considérant, d'autre part, que la SARL Canoë 2000, qui ne soutient pas exercer une activité de transport public de voyageurs au sens du e. du 6° de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, ne conteste pas que les dispositions des 6° et 7° dudit article faisaient obstacle à ce qu'elle déduisît la taxe exposée à raison de ses véhicules de transport ; que les circonstances que ces véhicules soient utilisés afin d'assurer une prestation de transport qui constitue l'accessoire indissociable de son activité de location de canoës et que les prestations de location et de transport fassent l'objet d'une facturation globale sont à cet égard sans incidence, dès lors que l'exclusion du droit à déduction ne s'apprécie pas en fonction de l'utilisation qui est faite du véhicule mais de l'usage auquel, compte tenu de ses caractéristiques, il est normalement destiné ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé différentes dépenses relatives aux véhicules de transport utilisés par la SARL Canoë 2000 au titre de la sous période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2010 ;

En ce qui concerne les demandes de compensation :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. " ; qu'aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. " ;

S'agissant du montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

20. Considérant qu'en soutenant qu'il existe un excédent de taxe sur la valeur ajoutée collectée, déclaré par elle, la SARL Canoë 2000 doit être regardée comme sollicitant une compensation avec les rectifications effectuées en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible ;

Quant à la loi fiscale :

21. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 278 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % " ; qu'aux termes de l'article 279 du même code, dans sa version alors applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : / (...) b quater. les transports de voyageurs (...) " ;

22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la SARL Canoë 2000 consiste avant tout à louer des canoës à une clientèle désireuse de descendre le cours du Tarn à l'aide de ces embarcations ; que ce n'est qu'à titre accessoire qu'elle assure le transport par voie routière de ses clients au retour de leurs excursions ; que, d'ailleurs, elle-même indique que cette prestation de transport constitue l'accessoire indissociable de son activité de location de canoës ; qu'en raison du mode de facturation globale pratiqué, il n'apparaît pas que les clients puissent choisir de n'acquérir qu'une seule des prestations de location de canoë ou de transport ; qu'ainsi, la prestation consistant à assurer le retour par la route de ses clients se rattache à l'activité de loisirs exercée par la société et ne constitue pas une prestation de transport de voyageurs au sens du b. quater de l'article 279 du code général des impôts ;

23. Considérant, au demeurant, que lorsqu'un redevable réalise des affaires passibles de la taxe sur la valeur ajoutée selon des taux différents et tient une comptabilité qui ne permet pas de distinguer entre ces différentes catégories d'affaires, il est passible de la taxe au taux le plus élevé sur la totalité des affaires ; qu'en l'espèce, la SARL Canoë 2000 a facturé globalement à ses clients la location des embarcations et le transfert par la route à La Malène ; qu'en produisant une simple attestation de son expert-comptable évaluant à 40 % la part représentative de la prestation de transport des clients et calculant, selon cette clé de répartition et en fonction des taux revendiqués, le montant de la taxe collectée, elle ne justifie pas avoir distingué en comptabilité les recettes issues des prestations de transport de celles des prestations de location de canoës ; que, dans ces conditions, l'intégralité du chiffre d'affaires ne pouvait, en tout état de cause, être soumis qu'au taux le plus élevé, à savoir le taux normal de 19,6 % applicable à l'activité de location de canoës ;

24. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la SARL Canoë 2000, ni le principe de confiance légitime, ni un prétendu principe de " parallélisme des formes ", ni aucun autre principe du droit de l'Union européenne n'impliquent qu'en cas de remise en cause du droit à déduction de la taxe ayant grevé les véhicules utilisés par elle pour transporter ses clients, le chiffre d'affaires correspondant aux prestations de transport soit soumis au taux réduit de 5,50 % et que la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort, en l'espèce d'un montant de 26 220 euros, lui soit remboursée ou soit, tout au moins, compensée avec les rappels opérés ;

Quant à la doctrine administrative :

25. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même code : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ; que peuvent seuls se prévaloir de cette dernière disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité ;

26. Considérant que la SARL Canoë 2000 produit un courrier adressé le 22 octobre 2008 au " cabinet Sarlandie " par la direction des services fiscaux de la Dordogne, selon lequel une entreprise de location de canoës transportant ses clients sur les lieux de départ des descentes, désireuse d'appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la prestation de transport et le taux normal à la prestation de location des canoës, devait " facturer distinctement le transport qui bénéficie du taux réduit et la location de canoë qui relève du taux normal " et comptabiliser de façon séparée ces prestations ; que la société requérante ne peut toutefois utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une prise de position formelle de l'administration fiscale définie à l'égard d'un autre contribuable et d'une situation de fait à laquelle elle est étrangère ; qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit plus haut que la société n'a ni facturé de façon distincte ni comptabilisé de façon séparée les prestations de location et de transport qu'elle a réalisées, ainsi que l'exige le courrier du 22 octobre 2008 dont elle se prévaut ;

S'agissant de l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée :

27. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable, que la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée formulée le 18 juin 2010 a, du fait des rectifications effectuées, été rejetée dans sa totalité ; que dans ces conditions, et quand bien même le ministre de l'économie et des finances n'a pas produit la décision du 21 octobre 2010 qui aurait selon lui expressément rejeté la demande de remboursement, la SARL Canoë 2000 n'est pas fondée à invoquer l'existence, au titre du mois de mai 2010, d'un crédit de taxe d'un montant de 11 368 euros et à demander, soit son remboursement, soit, tout au moins, une " compensation ", en réalité déjà effectuée, entre ce crédit de taxe et les rectifications opérées ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Canoë 2000 est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a refusé de prononcer, à hauteur de 1 310 euros, la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

29. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à la SARL Canoë 2000 d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La SARL Canoë 2000 est déchargée, à concurrence de 1 310 euros, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2010.

Article 2 : Le jugement n° 1101491 du 13 mars 2012 du Tribunal administratif de Nîmes est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Canoë 2000 une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la SARL Canoë 2000 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Canoë 2000 et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2014, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2014.

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N° 12LY21601

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