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03/04/2014 | FRANCE | N°12LY20007

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 03 avril 2014, 12LY20007


Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. A... B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nîmes n° 1001310 du 3 novembre 2011 en tant, d'une part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise ou une contre-expertise et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes à lui verser en réparation d

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Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. A... B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nîmes n° 1001310 du 3 novembre 2011 en tant, d'une part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise ou une contre-expertise et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes à lui verser en réparation de préjudices qu'il impute aux fautes commises par cet établissement lors de sa prise en charge, notamment à l'infection qu'il a contractée consécutivement à l'opération qu'il y a subie en janvier 2008 ;

2°) à titre principal, d'ordonner un complément d'expertise ou une contre-expertise et, à titre subsidiaire, de condamner le CHU de Nîmes à lui verser une somme de 7 600 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Nîmes une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- ses préjudices ont été évalués par le Tribunal sur la base d'un rapport d'expertise qui n'était pas complet ;

- plusieurs pièces médicales adressées par télécopie à l'expert le 19 janvier 2009 semblent ne pas figurer dans son rapport, alors que ces pièces démontrent que l'infection qu'il a présentée est plus sérieuse que celle décrite dans ce rapport ;

- le CHU de Nîmes, qui a commis des fautes lors de sa prise en charge, est également responsable de l'infection nosocomiale dont il a été victime ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 août 2013, présenté pour le CHU de Nîmes qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les arguments que le requérant fait valoir à l'appui de ses conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise ou une contre-expertise sont les mêmes que ceux qui ont été invoqués devant les premiers juges et qui ont donné lieu au rejet par le juge des référés de sa demande de complément d'expertise ; par suite, ces demandes devront être rejetées pour les mêmes raisons par la Cour ;

- l'expert et le sapiteur ont à juste titre considéré que les préjudices en lien avec l'infection dont il s'agit correspondent à l'incapacité temporaire du 10 au 23 janvier 2008 ainsi qu'aux souffrances endurées, évaluées à 1 sur une échelle de 1 à 7 ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2013, présenté pour M. B... qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 21 février 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Marseille (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à M. B... ;

Vu l'ordonnance n° 372825 du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la Cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu l'ordonnance du 17 décembre 2013 fixant au 17 janvier 2014 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2014 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., né le 16 octobre 1942, souffrant d'une dysplasie de la hanche droite, a été opéré en 1979 d'une ostéotomie à cette même hanche nécessitant la mise en place d'une plaque ; qu'en 2006, eu égard à l'intensification de la douleur ressentie par l'intéressé à la hanche droite, il a été préconisé un enlèvement du matériel d'ostéosynthèse existant en vue de mettre en place une prothèse totale de la hanche ; que cette opération, réalisée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes, a, compte tenu des difficultés rencontrées pour dévisser la plaque, nécessité trois interventions, la dernière ayant été effectuée au début du mois de janvier 2008, sans pose de prothèse totale de la hanche ; que quelques jours après cette intervention, le patient a dû être à nouveau hospitalisé en raison d'une tuméfaction au niveau de la cicatrice du site opératoire ; qu'il a été procédé à un nettoyage de la plaie qui s'est révélée infectée superficiellement par de rares leucocytes et quelques colonies de staphylocoques dorés ; que le patient a quitté le CHU de Nîmes le 23 janvier 2008 et a bénéficié d'un traitement à base d'antibiotiques jusqu'au 21 février suivant ; que M. B...a dû être à nouveau hospitalisé pour un abcès à la cuisse droite ; qu'à cette occasion a été posé le diagnostic d'une infection chronique sur des séquestres osseux et prescrit une antibiothérapie pour une durée de trois mois qui a été renouvelée pour la même durée en décembre 2008 ; qu'à la suite de ce traitement, si la cicatrice ne présente plus d'écoulement, l'intéressé fait néanmoins l'objet d'un traitement antibiotique au long cours, sans que puisse être exclue une reprise évolutive du sepsis ; que M. B...fait appel du jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 3 novembre 2011, en tant, d'une part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise ou une contre-expertise et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le CHU de Nîmes à lui verser en réparation de ses préjudices, qu'il impute aux fautes commises par cet établissement ;

Sur la régularité de l'expertise :

2. Considérant que sur la demande de M.B..., le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes a, par ordonnance du 17 octobre 2008, prescrit une expertise médicale ; que l'expert a déposé son rapport, incluant celui d'un sapiteur, au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2009 ;

3. Considérant que M. B...soutient que plusieurs pièces médicales qu'il aurait adressées par télécopie à l'expert le 19 janvier 2009, qui seraient selon lui de nature à démontrer qu'il a souffert d'une infection plus sérieuse que celle décrite dans le rapport d'expertise, qui ne sont pas mentionnées dans ce rapport, n'auraient pas été prises en compte par l'expert ; que, toutefois, le requérant ne désignant pas les pièces dont s'agit, le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert, qui a réuni les parties le 15 janvier 2009, a demandé la prorogation jusqu'au 30 avril 2009 du délai initialement imparti pour déposer son rapport ; qu'il a rédigé son rapport le 26 mars 2009 et l'a déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2009 ; que le requérant fait valoir que l'expert n'a donc pas pu tenir compte des pièces que son conseil lui a adressées par lettre du 7 avril 2009 ; que, toutefois, la circonstance que l'expert a disposé, pour déposer son rapport, d'un délai expirant le 30 avril 2009, ne faisait pas obstacle à ce qu'il rédige et dépose ce rapport avant cette date, alors qu'il n'est ni établi, ni même n'allégué, que les parties se seraient trouvées, du fait de l'expert, dans l'impossibilité de lui transmettre en temps voulu les documents utiles ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nîmes :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. /Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " ;

6. Considérant que selon l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes, aucune faute n'a été commise lors des soins prodigués à M. B...au CHU de Nîmes, qu'il s'agisse des gestes orthopédiques qui ont été réalisés ou du traitement médical par antibiothérapie qui a été conduit ; que le requérant, qui se borne à soutenir que le CHU a commis des fautes lors des opérations qu'il a successivement subies, ne l'établit pas ;

7. Considérant que si les dispositions précitées du deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert qu'à la suite de la troisième opération subie au CHU de Nîmes le 2 janvier 2008 par M. B..., une infection s'est déclarée au niveau de la cicatrice du site opératoire ; que les prélèvements alors effectués ont révélé la présence de quelques colonies de staphylocoque doré ; que l'expert ne relève aucune infection au début de la prise en charge du patient ; que, selon lui, la cause de l'infection réside dans la proximité de la cicatrice de la hanche par rapport au périnée, qu'il présente comme une " zone fréquemment colonisée par du staphylococcus aureus " en indiquant à cet égard qu' " une colonisation d'un hématome sur cicatrice peut entraîner une infection des tissus adjacents par contiguïté" ; que, alors que, selon l'expert, l'infection ne présente par le caractère d'une infection nosocomiale, il résulte de ses constatations que le patient n'était porteur d'aucune infection lors de sa prise en charge et que c'est à l'occasion de l'opération qu'il a subie que l'infection par staphylocoque doré s'est déclarée ; que le CHU de Nîmes ne fait état d'aucune cause étrangère propre à expliquer la survenance de l'infection ; que, dès lors, celle-ci revêt le caractère d'une infection nosocomiale ; que, par suite, la responsabilité du CHU de Nîmes se trouve engagée à l'égard de M. B...à raison de l'infection survenue en janvier 2008 à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 2 janvier 2008 ;

9. Considérant toutefois qu'il résulte également de l'instruction qu'il a été constaté en août 2008 un nouvel écoulement au niveau de la cicatrice du site opératoire ; que si l'expert note que le résultat bactériologique du prélèvement réalisé a mis en évidence " quelques colonies de staphylococcus aureus ", il n'a cependant pas estimé que ce second épisode infectieux présentait un caractère nosocomial alors même, d'une part, qu'il a relevé que la protéine C réactive (CRP), qui est un marqueur biologique de l'inflammation reste légèrement élevé et que, d'autre part, à la suite de cet épisode infectieux, M. B...a été suivi par un praticien du service des maladies infectieuses de l'hôpital de la Conception, dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, qui lui a prescrit, à raison de cette infection par staphylocoque doré, un traitement antibiotique pendant six mois ; que le même praticien a indiqué, dans un certificat médical établi le 31 mars 2010, que M. B...continue à suivre un traitement et qu'une reprise évolutive de son sepsis ne peut être exclue à terme ; qu'un compte-rendu de scintigraphie osseuse du 4 octobre 2013 évoque la persistance d'un sepsis ;

10. Considérant que la Cour ne dispose pas, en l'état de l'instruction, des éléments d'information nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause, d'une part, sur la ou les causes du second épisode infectieux dont M. B...a souffert à partir d'août 2008 et, d'autre part, sur les préjudices qui auraient pu en résulter pour lui ; qu'il y a lieu, dès lors, avant plus amplement dire droit, d'ordonner un supplément d'instruction, aux fins et selon les modalités définies dans le dispositif du présent arrêt ;

DECIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur la requête de M.B..., il sera procédé à une expertise médicale.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour administrative d'appel et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : L'expert aura pour mission :

- de préciser la nature de tous les actes médicaux et soins qui ont été prodigués à M. B... à partir de l'apparition, à compter du mois d'août 2008, d'un nouvel épisode infectieux ;

- de fournir tous éléments relatifs à la nature des germes identifiés et à l'origine de cet épisode infectieux ;

- de préciser s'il est en lien avec l'intervention subie par M. B...en janvier 2008, ayant eu pour objet l'ablation du matériel situé sur sa hanche droite, qui est à l'origine du premier épisode infectieux ;

- de donner tous les éléments utiles permettant au juge d'apprécier l'existence d'un éventuel manquement, au sein de l'établissement de soins concerné, aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ;

- de dire si l'état de M. B...est susceptible d'une amélioration ou d'une aggravation et de fixer, le cas échéant, la date de consolidation ;

- de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les préjudices subis par M. B..., en distinguant ceux qui seraient en relation directe avec le second épisode infectieux survenu en août 2008 et ceux qui seraient liés à d'autres pathologies, notamment à l'état antérieur à l'hospitalisation et à l'évolution de cet état ;

- de préciser, à la date de consolidation s'il y a lieu, en distinguant les séquelles du second épisode infectieux et celles qui seraient imputables à d'autres pathologies et notamment à l'état antérieur du patient, la durée de la période de déficit fonctionnel temporaire total, la durée de la ou des périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel, le taux du déficit fonctionnel permanent, de déterminer, en la chiffrant sur une échelle de 1 à 7, l'importance des souffrances physiques et psychiques endurées, des préjudices esthétique, d'agrément et sexuel et d'indiquer si l'état de santé de M. B...nécessite l'assistance d'une tierce personne.

Article 4 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera M.B..., se fera remettre l'ensemble de ses dossiers médicaux, les rapports de l'expert et du sapiteur désignés par le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes ainsi que tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants.

Il communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier universitaire de Nîmes et à la caisse de mutualité sociale agricole du Gard.

Délibéré après l'audience du 27 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 avril 2014.

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N° 12LY20007 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12LY20007
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : VIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-03;12ly20007 ?
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