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06/03/2014 | FRANCE | N°13LY01273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 mars 2014, 13LY01273


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour Mme C...B..., épouse E...D..., domiciliée... ;

Mme E...D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300573 du 10 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 octobre 2012 par lesquelles le préfet de l'Ardèche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ainsi que la décision implicite

par laquelle le préfet de l'Ardèche a rejeté le recours gracieux qu'elle a formé par let...

Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour Mme C...B..., épouse E...D..., domiciliée... ;

Mme E...D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300573 du 10 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 octobre 2012 par lesquelles le préfet de l'Ardèche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de l'Ardèche a rejeté le recours gracieux qu'elle a formé par lettre du 7 janvier 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail valable trois mois renouvelable et, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de la violation du principe général du droit de l'Union européenne tiré du droit d'être entendu, qu'elle a soulevé dans le mémoire enregistré devant le tribunal administratif, le 21 mars 2013 ; que, n'ayant pas été informée de la possibilité qu'un refus soit opposé à sa demande, la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration tiré du droit d'être entendu ; que son époux portugais travaille depuis deux ans en France et perçoit un revenu suffisant pour lui permettre de remplir les conditions d'obtention d'un titre de séjour en qualité de conjointe de ressortissant de l'Union européenne ; qu'ainsi, la décision de refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposée est entachée d'un défaut d'examen préalable de sa situation personnelle et d'erreur de fait et méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 121-3 du même code ; que, n'ayant pas été informée de la possibilité qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre et invitée à formuler ses observations sur ce point, l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration tiré du droit d'être entendu ; que, pouvant prétendre à un titre de séjour de plein droit en sa qualité de conjointe d'un citoyen de l'Union européenne, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est entachée d'erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 septembre 2013, présenté par le préfet de l'Ardèche, qui conclut au rejet de la requête ;

Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, d'une part, que le bulletin de paye du conjoint de la requérante, produit devant la Cour, est postérieur à l'arrêté en litige et, d'autre part, que la requérante s'est séparée de son conjoint dès le mois d'août 2012 ;

Vu la décision du 28 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme E...D... ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme E...D..., de nationalité marocaine, a épousé un ressortissant portugais au Maroc, en 2011 ; qu'elle est entrée régulièrement en France le 27 février 2012, sous couvert d'un visa " familleA... ", et a sollicité, le 5 juin 2012, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne ; que, par arrêté du 29 octobre 2012, le préfet de l'Ardèche a refusé la délivrance de ce titre de séjour à Mme E...D...et lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours en désignant le Maroc comme pays de renvoi ; qu'elle a contesté ces décisions devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par jugement du 10 avril 2013, a rejeté sa demande ; que Mme E... D...fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, lorsque, après la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une des parties, il lui appartient d'en prendre connaissance ainsi que de le viser dans son jugement ; que, s'il a toujours la faculté d'en tenir compte après l'avoir analysé et avoir rouvert l'instruction, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de son jugement, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder son jugement sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, par un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Lyon le 21 mars 2013, postérieurement à la clôture d'instruction de l'affaire intervenue le 6 mars 2013, Mme E...D...a soulevé un moyen nouveau tiré de la violation, par le refus de délivrance de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, du principe général du droit de l'Union européenne tiré du droit d'être entendu préalablement à une décision défavorable ; que les premiers juges ont visé ce mémoire complémentaire dans le jugement, sans l'analyser ni statuer sur ce nouveau moyen qu'il contenait ; que, toutefois, en l'absence d'une circonstance de droit nouvelle, les premiers juges n'étaient pas tenus de rouvrir l'instruction et de communiquer le mémoire enregistré après la clôture de l'instruction comportant ce moyen nouveau, touchant à la régularité de la procédure administrative, invoqué après l'expiration du délai de recours contentieux, et procédant d'une cause juridique distincte de celle des moyens de légalité interne, seuls soulevés dans le mémoire introductif de première instance et, par suite, irrecevable ; qu'ils n'étaient pas davantage tenus de répondre à ce moyen ; qu'en conséquence, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité ;

Sur la légalité du refus de délivrance de titre de séjour :

4. Considérant, ainsi qu'il l'a déjà été dit, que Mme E...D...n'a invoqué que des moyens de légalité interne dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, et pour les motifs énoncés au point 3, elle n'est pas recevable à soutenir devant la Cour que la décision par laquelle le préfet de l'Ardèche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en violation du principe général du droit de l'Union tiré du droit d'être entendu préalablement à une décision administrative défavorable ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. " et qu'aux termes de l'article R. 121-8 dudit code : " Les ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3, admis au séjour en leur qualité de membre de famille, conservent leur droit au séjour : / 1° En cas de décès du ressortissant accompagné ou rejoint et à condition d'avoir établi leur résidence en France en tant que membre de sa famille depuis plus d'un an avant ce décès ; / 2° En cas de divorce ou d'annulation du mariage avec le ressortissant accompagné ou rejoint : / a) Lorsque le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d'annulation, dont un an au moins en France ; / b) Lorsque la garde des enfants du ressortissant accompagné ou rejoint leur est confiée en qualité de conjoint, par accord entre les conjoints ou par décision de justice ; / c) Lorsque des situations particulièrement difficiles l'exigent, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative du membre de famille en raison de violences conjugales qu'il a subies ; / d) Lorsque le conjoint bénéficie, par accord entre les époux ou par décision de justice, d'un droit de visite à l'enfant mineur, à condition que ce droit s'exerce en France et pour la durée nécessaire à son exercice. / Avant l'acquisition du droit de séjour permanent prévu au deuxième alinéa de l'article L. 122-1, ils doivent entrer à titre individuel dans l'une des catégories définies aux 1°, 2°, 4° ou 5° de l'article L. 121-1. " ;

6. Considérant que si Mme E...D...soutient qu'à la date de l'arrêté en litige, et contrairement à ce qui est indiqué dans ledit arrêté, son époux, citoyen de l'Union européenne, exerçait une activité professionnelle lui procurant des ressources stables et suffisantes, le préfet de l'Ardèche fait valoir, sans être contredit, que l'intéressée n'en avait pas justifié à l'appui de sa demande ; qu'ainsi, eu égard aux informations portées à sa connaissance lorsqu'il a statué sur la demande dont il était saisi, la requérante ne peut soutenir que le préfet de l'Ardèche n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation, ni qu'il a commis une erreur de fait susceptible d'entacher d'illégalité sa décision ;

7. Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêté du 29 octobre 2012 en litige que, pour rejeter la demande de délivrance de titre de séjour formulée auprès de lui par Mme E...D...en sa qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne, le préfet de l'Ardèche s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne démontrait pas que son époux exerçait une activité professionnelle en France ou disposait pour lui et son épouse de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale français et donc qu'il entrait dans le champ d'application du 1° ou du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a également précisé, eu égard aux violences conjugales invoquées pour justifier la séparation des époux, que, n'ayant pas déjà été admise au séjour en sa qualité de conjointe d'un citoyen de l'Union, Mme E...D...ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article R. 121-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi que l'ont constaté les premiers juges, la requérante n'a pas démontré, par les pièces produites, dont certaines sont d'ailleurs postérieures à la date de la décision en litige, à laquelle, au demeurant, Mme E...D...avait engagé une procédure de divorce à l'encontre de son époux dont elle était séparée, et sollicité une pension alimentaire, que son conjoint exerçait une activité professionnelle ou disposait de ressources suffisantes ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait dont procèderait le refus de séjour sur ce point et de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que, pour les raisons exposées au point 4, Mme E...D...n'est pas recevable à soutenir devant la Cour que la décision par laquelle le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en violation du principe général du droit de l'Union tiré du droit d'être entendu avant une décision administrative défavorable ;

9. Considérant que, pour les motifs énoncés au point 7, Mme E...D...ne pouvait pas prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit en sa qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne ; que, par suite, le préfet de l'Ardèche n'a pas commis d'erreur de droit en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Ardèche a rejeté le recours gracieux formé, par courrier du 7 janvier 2013, à l'encontre de l'arrêté du 29 octobre 2012, au demeurant nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., épouse E...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 13 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2014.

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N° 13LY01273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01273
Date de la décision : 06/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-06;13ly01273 ?
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