Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour Mme A... B..., domiciliée ... ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200267 du 25 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du Val-de-Loire (CCVal) à lui verser une somme de 11 000 euros, assortie des intérêts à compter du jour de la demande, en réparation du préjudice résultant pour elle de l'accident survenu le 9 juin 2008 sur le site de la déchetterie de Digoin ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
Elle soutient que :
- le préposé de la déchetterie ne l'a pas aidée à décharger ses gravats ;
- les objets déchargés étaient dangereux ;
- la communauté de communes aurait dû mettre en place un dispositif de protection efficace ;
- cette collectivité ne peut se décharger de ses responsabilités sur la société SITA Centre-est ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 12 février 2013, admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu l'ordonnance du 10 avril 2013, prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, qui fixe au 17 mai 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2013, présenté pour la communauté de communes du Val-de-Loire (CCVal), représentée par son président en exercice, dont le siège est 14 place de l'Hôtel de Ville à Digoin, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête, faute de comporter une critique du jugement, est insuffisamment motivée ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- la présence d'une chaîne n'était pas imposée et les lieux étaient sécurisés ;
- l'accident n'est dû qu'à la seule négligence de Mme B...;
- elle ne peut être tenue responsable du comportement du gardien, employé d'une société privée ;
- aucune faute ne lui est imputable ;
- la présence de déchets dangereux n'est pas établie ;
- le préjudice est incertain ;
- le lien de causalité n'est pas établi, rien ne permettant de démontrer que la pose de dispositifs de sécurité devant la benne aurait permis d'éviter la survenance du dommage ;
- Mme B...ayant été déséquilibrée par le poids important du bloc de béton qu'elle portait, sa propre négligence est à l'origine de sa chute ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2013, présenté par Mme B...et régularisé le 25 avril suivant, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, à ce que l'indemnité initialement réclamée soit portée à 15 000 euros et que les dépens soient mis à la charge de la CCVal ;
Elle soutient en outre que :
- il existe maintenant un grillage dans lequel une ouverture a été ménagée pour le déversement des gravats ;
- elle n'a commis aucune imprudence ;
- la protection mise en place prouve la faute commise par la déchetterie ;
- elle subit des souffrances physiques et morales ;
Vu l'ordonnance du 30 mai 2013, prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, qui reporte au 17 juin 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le courrier du 30 mai 2013 demandant à Mme B...et à la CCVal de produire le jugement du Tribunal de grande instance de Mâcon du 23 mai 2011 et de préciser si ce jugement est devenu définitif ;
Vu le courrier du 30 mai 2013 demandant à la CCVal d'indiquer le mode financement du service des ordures ménagères en 2008 ;
Vu le courrier du 7 juin 2013 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la juridiction administrative ne paraît pas compétente pour connaitre des conséquences de l'accident dont a été victime Mme B...dans l'utilisation de la déchetterie, qui relève d'un service public de nature industrielle et commerciale d'élimination des déchets ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2013, présenté pour la CCVal en réponse au courrier du 7 juin 2013, qui persiste dans ses précédentes conclusions ;
Elle soutient que :
- Mme B...met en cause, en qualité d'usager, le caractère défectueux d'un ouvrage public, litige relevant de la compétence du juge administratif ;
- le dommage est un dommage de travaux publics ;
- l'intéressée, qui s'est bornée à utiliser l'ouvrage, ne démontre pas s'être acquittée de la redevance et ne justifie donc pas de sa qualité d'usager d'un service public industriel et commercial ;
- le Tribunal de grande instance de Mâcon s'est, de manière définitive, déclaré incompétent pour connaître du litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du Tribunal des conflits ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Gardien, avocat de la communauté de communes du Val-de-Loire ;
1. Considérant que le 9 juin 2008, Mme B...a chuté dans une benne de la déchetterie intercommunale de la communauté de communes du Val-de-Loire (CCVal), alors que, avec l'aide d'un voisin, elle cherchait à se débarrasser d'un bloc de béton ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Dijon de condamner la CCVal à l'indemniser des préjudices qui en ont résulté pour elle ; qu'elle fait appel du jugement du 25 octobre 2012 par lequel le Tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la CCVal, la requête de Mme B..., qui est suffisamment motivée, est recevable ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2224-13 du même code : " Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, l'élimination des déchets des ménages. Les communes peuvent transférer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte soit l'ensemble de la compétence d'élimination et de valorisation des déchets des ménages, soit la partie de cette compétence comprenant le traitement, la mise en décharge des déchets ultimes ainsi que les opérations de transport, de tri ou de stockage qui s'y rapportent. Les opérations de transport, de tri ou de stockage qui se situent à la jonction de la collecte et du traitement peuvent être intégrées à l'une ou l'autre de ces deux missions. (...) " ;
4. Considérant que présente un caractère industriel et commercial le service d'enlèvement des ordures ménagères dont la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte décide d'assurer le financement par la redevance mentionnée à L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, calculée en fonction de l'importance du service rendu ; qu'eu égard aux rapports de droit privé qui lient ce service à l'usager, seules les juridictions judiciaires peuvent connaître des dommages dont ce dernier peut être victime à l'occasion de la prestation fournie par ce service ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service public d'élimination des déchets ménagers assuré par la CCVal est financé par une redevance, dont ne sont redevables que les usagers de ce service, qui comporte des éléments de proportionnalité en fonction du volume de déchets, calculé d'après le litrage installé ou le nombre de personnes concernées ; qu'il présente ainsi un caractère industriel et commercial ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-1 du code de justice administrative : " La saisine du Tribunal des conflits par les juridictions administratives en prévention des conflits négatifs obéit aux règles définies par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ci-après reproduit : "Art. 34. - Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridictions primitivement saisi, doit par un jugement motivé qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce Tribunal." " ;
7. Considérant que MmeB..., qui a été victime d'un accident alors qu'elle utilisait, afin de se débarrasser de gravats, les installations de la déchetterie intercommunale de la CCVal, lesquelles relèvent du service public d'élimination des déchets ménagers assuré par cet établissement, présentait la qualité d'usager de ces installations, même en l'absence de contrat avec ce service, de paiement de la redevance instituée pour son financement ou d'aide reçue par des agents du service pour le transport desdits gravats ; qu'en raison des liens existant entre ce service, de nature industrielle et commerciale, et ses usagers, lesquels sont des liens de droit privé, il apparaît, qu'en l'état des pièces du dossier, il appartient aux seuls tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître de l'action en réparation formée par Mme B...contre la CCVal ;
8. Considérant toutefois que par un jugement du 23 mai 2011, le Tribunal de grande instance de Mâcon a décliné la compétence de la juridiction judicaire pour connaître du présent litige ; que ce jugement, dont aucune des parties n'a relevé appel, a acquis un caractère définitif ; qu'il convient, dès lors, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce Tribunal ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme B...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la communauté de communes du Val-de-Loire, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2013, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2013.
''
''
''
''
N° 12LY03088 2