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04/03/2014 | FRANCE | N°12LY21146

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 mars 2014, 12LY21146


Vu l'ordonnance n° 372825 du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a attribué le jugement de la requête du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu le recours, enregistré à la cour administrative de Marseille par télécopie le 20 mars 2012 et régularisé le 23 mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territor

iales et de l'immigration ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-m...

Vu l'ordonnance n° 372825 du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a attribué le jugement de la requête du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu le recours, enregistré à la cour administrative de Marseille par télécopie le 20 mars 2012 et régularisé le 23 mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001118 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à verser à la commune de Pertuis, une somme 30 265 euros, à titre de dommages et intérêts, sous déduction d'une provision de 25 895 euros déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2009 et capitalisation de ces intérêts ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes par la commune de Pertuis ;

il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il considère que les dépenses exposées par la commune de Pertuis pour le fonctionnement de la régie de recettes mise en place par l'Etat pour l'encaissement des amendes qui peuvent résulter des procès-verbaux établis par les agents de police municipale ouvre droit à indemnisation par l'Etat au motif que la mise à la charge des communes de telles dépenses n'est prévue par aucune disposition législative ;

- l'article 86 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 qui procède au transfert de l'Etat aux communes, dispose que les communes ne peuvent se prévaloir de l'incompétence du pouvoir réglementaire à prévoir un tel transfert, pour obtenir la réparation d'un préjudice résultant de la charge des dépenses correspondantes et prévoit une dotation exceptionnelle pour les indemniser de ces charges ;

- au titre de cet article, la commune de Pertuis doit percevoir une dotation exceptionnelle de 0,50 euros par amende effectivement recouvrée par sa régie de recettes ; par conséquent, elle n'est plus fondée à se prévaloir d'aucune illégalité du transfert de la mission de recouvrement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de police municipale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2012, présenté pour la commune de Pertuis, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet du recours et, le cas échéant, à ce qu'il soit sursis à statuer pour engager une procédure de question prioritaire de constitutionnalité ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le ministre doit rapporter la preuve que son recours a été signé par une personne compétente ;

- l'article 86 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ne s'applique pas aux actions actuellement pendantes devant les juridictions administratives et qui ne bénéficient pas des effets de la force de chose jugée ;

- la dotation exceptionnelle qui est prévue par le III de l'article 86, ne bénéficie pas aux communes qui ont, antérieurement à ladite loi, introduit un recours devant les juridictions administratives ;

- la loi du 28 décembre 2011 est une loi de validation qui repose uniquement sur un intérêt financier qui n'est pas suffisant ; il n'est pas démontré que la dotation exceptionnelle prévue par la loi serait suffisante pour indemniser toutes les communes concernées alors qu'auparavant seules les communes ayant décidé d'initier un recours pouvaient prétendre à être indemnisées de leur préjudice ; l'indemnisation prévue par la dotation est inférieure à celle accordée par les juridictions administratives tant au regard de la période que du montant ;

- le motif d'intérêt général impérieux n'est pas démontré ; le Tribunal a rendu sa décision postérieurement à la date du 28 décembre 2011 et écarté l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 comme ne trouvant pas à s'appliquer aux situations pendantes devant les juridictions administratives ;

- les collectivités peuvent invoquer à leur profit l'applicabilité de l'article 6 alinéa 1 de la convention européenne des droits de l'homme ; le Conseil d'Etat a écarté l'application d'une loi de validation qui présentait une portée rétroactive au motif de son incompatibilité avec ces dispositions en l'absence d'impérieux motifs d'intérêt général ; dans le cas présent, cette validation législative ne peut être justifiée par des considérations impérieuses d'intérêt général, mais pour un motif d'ordre financier ;

- si la Cour devait ne pas sanctionner l'interprétation erronée de l'article 86, il conviendrait de surseoir à statuer afin d'engager une procédure de question prioritaire de constitutionnalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, notamment son article 86 ;

Vu l'ordonnance n° 1001073 de référé provision du 29 juin 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2014 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à verser à la commune de Pertuis la somme de 30 265 euros, sous déduction d'une provision de 25 895 euros déjà versée, assortie des intérêts, et de la capitalisation de ses intérêts en réparation des préjudices résultant du coût de fonctionnement de la régie de recettes mise en place pour l'encaissement des amendes forfaitaires émises par les agents de la police municipale ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Pertuis :

2. Considérant que par une décision du 9 décembre 2011 portant délégation de signature du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, publiée au Journal officiel de la République française du 14 décembre 2011, une délégation de signature a été donnée, au nom du ministre chargé de l'intérieur, de signer notamment les recours devant les juridictions à l'exception de ceux présentés devant le Tribunal des conflits et le Conseil d'Etat, à Mme B...A..., chef du bureau du contentieux indemnitaire et des affaires financières ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du recours en appel ne peut qu'être rejeté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " I. - L'article L. 1611-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé : " Art. L. 1611-2-1.-Dans le cadre des missions confiées aux maires en tant qu'agents de l'Etat, les communes assurent : " 1° La réception et la saisie des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que la remise aux intéressés de ces titres ; 2° L'encaissement des amendes forfaitaires résultant des contraventions réprimées par le code de la route et établies par les agents de police municipale." II . - Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 3 mai 2002, de l'exercice par les maires des missions d'encaissement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de police municipale, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. III. - En contrepartie de l'application du II, une dotation exceptionnelle est attribuée aux communes au titre de l'indemnisation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2011, de l'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 3 mai 2002 relative à l'encaissement des amendes forfaitaires et des consignations émises par les agents de police municipale. / Cette dotation, d'un montant de 0,5 € par amende encaissée dans la limite de 9,87 millions d'euros, est répartie entre les communes en fonction du nombre d'amendes qu'elles ont effectivement recouvrées entre 2008 et 2011. Si le nombre total d'amendes recouvrées ces quatre années est supérieur à 19,74 millions d'euros, la somme de 9,87 millions d'euros est répartie entre les communes proportionnellement au nombre d'amendes qu'elles ont recouvrées de 2008 à 2011. Les communes qui ont engagé un contentieux indemnitaire fondé sur l'illégalité de la circulaire du 3 mai 2002 précitée ne sont éligibles à cette dotation exceptionnelle qu'à la condition que cette instance soit close par une décision passée en force de chose jugée et excluant toute condamnation de l'Etat. " ;

4. Considérant que les dispositions précitées de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 sont entrées en vigueur antérieurement à la date de lecture du jugement attaqué ; qu'elles font obstacle, dans les conditions et sous les réserves qu'elles fixent, à ce que les communes demandent au juge administratif à être indemnisées du préjudice subi au titre de la prise en charge des dépenses correspondant aux missions d'encaissement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de police municipale, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire ; que contrairement aux allégations de la commune de Pertuis, ces dispositions, dont le caractère rétroactif ne peut être contesté et que le ministre peut invoquer pour la première fois en appel, sont applicables au présent litige, dès lors qu'aucune décision passée en force de chose jugée n'est intervenue ; que la collectivité dès lors qu'elle ne peut prétendre à aucune décision passée en force de chose jugée, percevra une dotation exceptionnelle de 0,50 euros par amende effectivement recouvrée par sa régie de recettes ; que, par suite, la commune de Pertuis, n'est plus fondée à se prévaloir de l'illégalité du transfert, opéré au cours de l'année 2002, des missions d'encaissement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de police municipale ;

5. Considérant que si la commune de Pertuis soutient que les dispositions de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2008 susvisée ne répondent pas à un motif d'intérêt général, ne sont pas proportionnées à ce motif et reposent uniquement sur un intérêt financier, le Conseil d'Etat dans sa décision n° 356688 du 22 juin 2012, dans le cadre de l'examen de la question prioritaire de constitutionnalité dont il avait été saisi, a précisé notamment que les dispositions contestées, eu égard aux relations financières qui existent entre l'Etat et les collectivités territoriales répondaient à un but d'intérêt général suffisant, et qu'il n'a pas été institué de restrictions disproportionnées par rapport aux objectifs d'intérêt général assignés ; que par suite, les moyens de même nature invoqués par la commune de Pertuis dans la présente instance ne peuvent qu'être écartés ;

6. Considérant que les stipulations de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inapplicable dans un litige relatif à la répartition des ressources financières publiques entre personnes publiques ; que, dès lors, la commune de Pertuis, ne peut utilement soutenir en défense que les dispositions des paragraphes de l'article 86 de la loi précitée du 28 décembre 2011 ne seraient pas compatibles avec les stipulations conventionnelles précitées ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors qu'en tout état de cause il n'appartient pas au juge administratif d'engager une procédure de question prioritaire de constitutionnalité, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à verser à la commune de Pertuis la somme précitée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Pertuis de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001118 du tribunal administratif de Nîmes du 19 janvier 2012 est annulé.

Article 2 : La demande ainsi que les conclusions présentées en appel par la commune de Pertuis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la commune de Pertuis.

Délibéré après l'audience du 11 février 2014, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président,

Mme Courret, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mars 2014.

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N° 12LY21146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY21146
Date de la décision : 04/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions financières.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : VEDESI SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-04;12ly21146 ?
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