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27/02/2014 | FRANCE | N°13LY02360

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 février 2014, 13LY02360


Vu la requête, enregistrée le 28 août 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A...B..., épouseD..., domiciliée ... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301627 du 28 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 6 février 2013 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de

ce délai ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de l...

Vu la requête, enregistrée le 28 août 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A...B..., épouseD..., domiciliée ... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301627 du 28 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 6 février 2013 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; qu'elle méconnaît les dispositions des articles 7 quater de l'accord franco-tunisien et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- que la décision d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale et méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que 3-1 et 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 11 décembre 2013, fixant la clôture d'instruction au 27 décembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé ; il demande la condamnation de Mme D...à lui verser la somme de cent euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 26 décembre 2013, reportant la clôture d'instruction au 10 janvier 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 18 juillet 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord passé entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail le 17 mars 1988, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de M. Meillier, conseiller,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Robin, avocat de Mme D... ;

1. Considérant que Mme A...B..., épouseD..., ressortissante tunisienne née le 1er juin 1979, est entrée en France le 18 septembre 2009, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires allemandes ; que, par courrier en date du 7 septembre 2012, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 7 quater de l'accord franco-tunisien et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 6 février 2013, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que, par jugement du 28 mai 2013, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de ces décisions ; que Mme D...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger ou de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par les mesures de refus de séjour et d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a épousé le 4 août 2007 à Zarzis (Tunisie) un ressortissant tunisien titulaire d'une carte de résident de dix ans, valable jusqu'au 5 mars 2016 ; qu'un enfant est né le 1er septembre 2009 à Zarzis de cette union ; que Mme D...est entrée en France, avec cet enfant, dès le 18 septembre 2009 ; que le couple a eu un second enfant, né à Vaulx-en-Velin le 21 juin 2012 ; que si les parents de Mme D...et trois de ses frères vivent en Tunisie, un autre de ses frères réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire ; qu'il n'est pas contesté que son époux, dont les parents et les trois frères sont soit titulaires d'une carte de résident, soit de nationalité française, est durablement installé en France, où il vit depuis juillet 1998 ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et de la stabilité du mariage entre M. et MmeD..., de la présence de deux enfants en bas âge dans leur foyer, de la durée de séjour en France de l'intéressée, de la durée et de la régularité du séjour de son époux en France et du fait que l'essentiel des attaches familiales de ce dernier y réside également, les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ont, alors même que Mme D...est entrée en France sans respecter la procédure de regroupement familial, porté, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, ces décisions ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, lesdites décisions, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination sont illégales ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 6 février 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

7. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 6 février 2013, implique nécessairement la délivrance à Mme D...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à l'intéressée un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Robin, avocat de Mme D...d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Robin renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

10. Considérant que les conclusions de l'Etat tendant à ce qu'une somme de cent euros soit mise à la charge de Mme D...doivent être rejetées dès lors que l'Etat est la partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301627 du 28 mai 2013 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les décisions du 6 février 2013 du préfet du Rhône refusant de délivrer à Mme D... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Robin une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Robin renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseD..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, présidente,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2014.

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N° 13LY02360

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02360
Date de la décision : 27/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-27;13ly02360 ?
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