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27/02/2014 | FRANCE | N°13LY01751

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 février 2014, 13LY01751


Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2013, présentée pour Mme D...F..., Mme J...F..., Mme E...F..., Mme C...F..., M. et Mme L...A...et M. K...B...;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n°1200287 du 7 mai 2013 rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision du conseil municipal de la commune d'Ormoy en date du 2 décembre 2011 confirmant l'autorisation donnée au maire de vendre à la SCI " The Tor Tier " la parcelle de chemin rural cadastrée AC 482 moyennant un prix comptant de 2 euros le mètr

e ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal d'Ormoy du 2 décem...

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2013, présentée pour Mme D...F..., Mme J...F..., Mme E...F..., Mme C...F..., M. et Mme L...A...et M. K...B...;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n°1200287 du 7 mai 2013 rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision du conseil municipal de la commune d'Ormoy en date du 2 décembre 2011 confirmant l'autorisation donnée au maire de vendre à la SCI " The Tor Tier " la parcelle de chemin rural cadastrée AC 482 moyennant un prix comptant de 2 euros le mètre ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal d'Ormoy du 2 décembre 2011 ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Ormoy, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut d'entente avec la SCI " The Tor Tier ", de saisir le juge du contrat afin qu'il règle les modalités de la résolution du contrat de vente s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée ;

4°) d'enjoindre à la commune d'Ormoy dans un délai de trente jours à compter de la notification à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour retard, d'enlever les obstacles existants sur la portion litigieuse du chemin rural des Grands Champs ;

5°) de condamner in solidum la commune d'Ormoy et la SCI " The Tor Tier " à leur verser la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 35 euros de contribution à l'aide juridictionnelle ;

Ils font valoir que la désaffectation de la partie litigieuse du chemin rural des Grands Champs aurait dû avoir lieu antérieurement à la délibération du 4 octobre 2011 ; que cette désaffectation ne résulte pas d'un état de fait mais du refus par la commune d'Ormoy d'exécuter une décision de justice ; que ce chemin n'a pas cessé d'être à la disposition du public qui n'a pas cessé de l'utiliser ; que le projet comporte la mise en place d'un chemin de remplacement ; que les propriétaires riverains n'ont pas tous été mis en demeure d'acheter la partie de chemin rural aliénable ; que la mise en demeure est irrégulière ; que le prix de vente est inférieur à sa valeur réelle et constitue une aide directe ; que l'entreprise ne respecte pas la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; que la délibération du 30 juin 2011 est irrégulière et entraîne, par la voie de l'exception d'illégalité, l'irrégularité de la délibération du 4 décembre 2001 ; que cette dernière montre un détournement de pouvoir afin régulariser la situation d'une seule entreprise aux intérêts particuliers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2013 pour la commune d'Ormoy qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune d'Ormoy soutient que la désaffectation du chemin rural résulte d'un état de fait que se contente de constater le conseil municipal, de façon superfétatoire dans la délibération du 2 décembre 2011 ; que les requérants ne démontrent pas que ce chemin rural serait utilisé de façon régulière ; que les requérants ne sont pas riverains de la portion concernée et n'avaient pas à être mis en demeure d'acquérir le chemin ; que le prix convenu en 2008 doit se situer dans le contexte de l'échange entre des terrains appartenant à la SCI et des terrains lui appartenant ; qu'elle peut vendre un terrain à un prix inférieur au prix du marché pour un motif d'intérêt général s'il y a des contreparties ; que les requérants ne sont pas recevables à exciper de l'illégalité de la délibération du 30 juin 2011 ; que la voie à créer ne fait pas partie de celles dont la création et l'entretien a été transféré à la communauté de communes du Seignelois ; que la délibération n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

Vu, enregistré le 22 octobre 2013, le mémoire en réplique des requérants qui confirment leurs précédentes écritures ;

Vu, enregistré le 23 octobre 2013, le mémoire présenté pour la SCI " The Tor Tier " qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait à la commune de constater la désaffection du chemin rural avant de décider de son aliénation ; que le chemin est désaffecté depuis sa prise de possession le 18 juin 2008 et l'installation d'une trémie qui l'obstrue entièrement ; que la parcelle de Mme F...n'étant pas riveraine au sens de l'article L. 161-10 du code rural, elle n'avait pas à être mise en demeure de l'acheter ; que le prix de vente convenu préserve les intérêts de la commune qui acquiert une surface de 20 ares 8 centiares pour le prix de un euro ; que la cession est justifiée par plusieurs motifs d'intérêt général ; que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des nuisances générées par l'entreprise H...dont la menuiserie intègre la portion de chemin rural en litige ; que les requérants ne sont pas recevables à exciper de l'illégalité de la délibération du 30 juin 2011 ; que la délibération n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, par lequel la commune d'Ormoy conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2013 par lequel Mme F...et autres ont confirmé leurs précédentes écritures ;

Vu la décision du 25 octobre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 7 novembre 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de M. Gazagnes, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de Me I... pour Mme F...et autres, de Me G...pour la commune d'Ormoy et de Me M...pour la SCI " The Tor Tier " ;

1. Considérant que la Société Nouvelle d'Exploitation des Etablissements H...(SNEM), qui exploite à Ormoy une menuiserie, chemin des Grands Champs, a souhaité étendre son activité sur des terrains appartenant à la SCI The Tor Tier, dont le gérant est M.H..., également gérant de la menuiserie, situés de l'autre côté du chemin ; qu'afin de permettre ce projet, le conseil municipal d'Ormoy a, par délibération du 9 janvier 2008, décidé d'échanger la partie du chemin séparant les deux parcelles, contre des terrains appartenant à la SCI ; que Mme D...F..., propriétaire indivise de la maison d'habitation et d'un terrain situés 20 rue du Sergent Loger et qui dispose d'un accès au chemin rural des Grands Champs, a déposé un recours en annulation à l'encontre de la délibération du 9 janvier 2008 ; que sa requête a été rejetée par jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 31 mars 2009 ; que, par un arrêt du 3 février 2011, la Cour administrative de Lyon a annulé le jugement du Tribunal administratif et la délibération du 9 janvier 2008 au motif que les communes ne pouvaient, pour l'aliénation des chemins ruraux, avoir recours à une autre procédure que celle de la vente dans les conditions posées par le code rural ; que, par une délibération du 30 juin 2011, le conseil municipal d'Ormoy a décidé de relancer le projet de suppression d'une partie du chemin rural des Grands Champs en vue de son aliénation, de classer en voie communale ledit chemin sur une longueur de 200 mètres à partir du carrefour qu'il forme avec la rue du Sergent Loger et de porter sa largeur à 6 mètres au droit de la parcelle AC 56, de créer une voie nouvelle de 12 mètres d'emprise sur la parcelle ZD 2 afin d'assurer une liaison entre la route du Mont Saint Sulpice et l'actuel chemin des Grands Champs et autorisé le maire à lancer une enquête publique relative à ces projets ; que l'enquête publique, ouverte par arrêté du maire en date du 26 juillet 2011, s'est déroulée du 17 au 31 août 2011 ; que le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet ; que, par délibération en date du 4 octobre 2011, le conseil municipal d'Ormoy a décidé de désaffecter le chemin rural des Grands Champs en vue de sa cession, de fixer le prix de vente dudit chemin à deux euros le m², de mettre en demeure les propriétaires riverains d'acquérir les terrains attenants à leur propriété et de mettre en oeuvre le chemin de substitution ; que la légalité de cette délibération a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de Dijon du 7 mai 2013 devenu définitif ; que, par une nouvelle délibération en date du 2 décembre 2011, le conseil municipal a d'une part confirmé les pouvoirs donnés au maire pour vendre à la SCI The Tor Tier la parcelle cadastrée section AC n° 482 moyennant le prix payable comptant de deux euros le m², d'autre part décidé d'acquérir de la SCI The Tor Tier les parcelles cadastrées section AC n° 468, 471, 474, 477 et 480, nécessaires à la modification du tracé du chemin des Grands Champs, pour assurer sa continuité et ses fonctions de desserte des riverains ainsi que les parcelles cadastrées section ZD n° 166, 167, 168, 169, 170 et 171 permettant la création d'une voie nouvelle entre la route de Mont Saint Sulpice et le chemin des Grands Champs moyennant le prix total de un euro ; que la demande présentée par les requérants tendant à obtenir l'annulation de cette délibération du 2 décembre 2011 a été rejetée par un second jugement du Tribunal administratif de Dijon du 7 mai 2013 ; que Mme D...F..., Mme J...F..., Mme E...F..., Mme C...F..., M. et Mme L...A...et M. K...B...relèvent appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-10 du code rural : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenants à leurs propriétés. Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales " ;

3. Considérant en premier lieu que le moyen tiré de ce que la désaffectation de la partie litigieuse du chemin rural des Grands Champs aurait dû avoir lieu antérieurement à la délibération du 4 octobre 2011 doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants font valoir que le dossier de l'enquête publique ne comprenait pas d'appréciation sommaire de dépenses à effectuer pour créer une nouvelle voirie, ce moyen est inopérant dès lors qu'aucune disposition applicable n'impose la réalisation d'une enquête publique avant l'acquisition amiable d'une parcelle par une collectivité publique ;

5. Considérant en troisième lieu qu'il résulte de l'instruction que la portion du chemin rural cadastrée AC 482 a cessé d'être utilisée par le public depuis 2008, en raison de l'installation à cette date par l'entreprise H...d'une trémie industrielle qui occupe toute cette portion du chemin rural et empêche tout passage ; que la circonstance que le terrain sur lequel est installée la trémie serait redevenu propriété de la commune par l'effet de l'arrêt précité de la Cour administrative d'appel du 3 février 2011, est sans incidence sur la réalité de cette désaffectation qui ne résulte que d'un état de fait ;

6. Considérant en quatrième lieu qu'ainsi qu'il a été dit, le conseil municipal d'Ormoy a décidé l'aliénation du chemin rural par délibération du 4 octobre 2011, antérieure à la mise en demeure des riverains d'acquérir les terrains d'emprise du chemin rural ;

7. Considérant en cinquième lieu que les requérants prétendent que la commune d'Ormoy aurait dû les mettre en demeure d'acquérir la parcelle litigieuse en raison de leur qualité de propriétaires riverains ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et notamment des plans parcellaires, que la propriété de la famille F...ne touche la portion du chemin rural en litige que par un angle de son terrain et n'a aucune limite commune avec cette portion ; que, par suite, ils ne sauraient être regardés comme riverains au sens des dispositions de l'article L. 161-10 du code rural et n'avaient pas à être mis en demeure d'acquérir la parcelle AC 482 ;

8. Considérant en sixième lieu que les requérants prétendent que la commune d'Ormoy a vendu la portion du chemin rural à un prix inférieur à sa valeur ; que, toutefois, s'ils allèguent que ce terrain aurait une valeur supérieure à deux euros le mètre, ils ne l'établissent pas par la seule référence au prix convenu à l'occasion de l'opération d'échange de 2008, dans un contexte juridique différent ; qu'au demeurant, à supposer même que la valeur de la parcelle en cause serait supérieure au prix retenu, la commune d'Ormoy fait valoir à bon droit d'une part qu'elle a pu en contrepartie acquérir des parcelles appartenant à la SCI " The Tor Tier " au prix d'un euro le m² et d'autre part que la vente du terrain était justifiée par la nécessité de permettre le maintien et le développement de la principale entreprise d'Ormoy ; que le moyen ne peut par suite qu'être écarté ;

9. Considérant en septième lieu que les requérants font valoir que l'entreprise industrielle susceptible d'acheter la portion du chemin rural en cause ne respecte par la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'à supposer même qu'il en fut ainsi, ce moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté litigieux ;

10. Considérant en huitième lieu qu'à supposer même que la compétence pour créer une voie nouvelle ait été transférée à la communauté de communes du Seignelois et que la délibération du 30 juin 2012 fut sur ce point illégale, la délibération du 2 décembre 2012 en litige prévoit seulement l'acquisition de terrains et non la réalisation de voirie ; que le moyen est donc en tout état de cause inopérant ;

11. Considérant en dernier lieu que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

12. Considérant qu'il résulte de qui précède que les requérants ne sont pas fondés à prétendre que c'est à tort que le Tribunal a rejeté leur demande tendant à obtenir l'annulation de la délibération du conseil municipal d'Ormoy du 2 décembre 2011 ; que dès lors, leurs conclusions à fins d'injonction doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Ormoy et la SCI " The Tor Tier " soient condamnées à leur verser la somme que demandent les requérants au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens, qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner les requérants à verser à la commune d'Ormoy la somme de 1 000 euros et la même somme à la SCI " The Tor Tier " ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...F..., Mme J...F..., Mme E...F..., Mme C...F..., M. et Mme L...A...et M. K...B...est rejetée.

Article 2 : Mme D...F..., Mme J...F..., Mme E...F..., Mme C...F..., M. et Mme L...A...et M. K...B...sont condamnés solidairement à verser à la commune d'Ormoy et à la SCI " The Tor Tier " la somme de 1 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...F..., Mme J...F..., Mme E...F..., Mme C...F..., M. et Mme L...A..., M. K...B..., à la commune d'Ormoy et à la SCI " The Tor Tier ".

Délibéré après l'audience du 6 février 2014, où siégeaient :

- M. Wyss, président,

- M. Gazagnes, président assesseur,

- M. Mesmin d'Estienne, président assesseur.

Lu en audience publique, le 27 février 2014.

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N° 13LY01751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01751
Date de la décision : 27/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-01-04 Voirie. Régime juridique de la voirie. Entretien de la voirie. Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DUPARC CURTIL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-27;13ly01751 ?
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