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20/02/2014 | FRANCE | N°11LY01548

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 20 février 2014, 11LY01548


Vu l'arrêt du 28 juin 2012 par lequel la Cour, après avoir estimé que le jugement attaqué est suffisamment motivé, que les conclusions dirigées contre la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) relèvent de la compétence de la juridiction administrative et que l'infection post-chirurgicale par staphylocoque dorée dont Mme F...a été victime lors de son séjour au centre hospitalier de Montbrison présente un caractère nosocomial révélant une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement et de la SHAM, a décidé, avant de statuer sur le surplus d

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Vu l'arrêt du 28 juin 2012 par lequel la Cour, après avoir estimé que le jugement attaqué est suffisamment motivé, que les conclusions dirigées contre la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) relèvent de la compétence de la juridiction administrative et que l'infection post-chirurgicale par staphylocoque dorée dont Mme F...a été victime lors de son séjour au centre hospitalier de Montbrison présente un caractère nosocomial révélant une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement et de la SHAM, a décidé, avant de statuer sur le surplus des conclusions des parties, de procéder à une expertise aux fins de déterminer si les troubles visuels dont Mme F...s'est trouvée affectée à la suite de son séjour dans ce centre hospitalier ont pour origine son état d'anémie à la suite de l'opération du 21 février 2003 ou de l'infection nosocomiale qu'elle y a contractée ;

Vu l'ordonnance du 16 août 2012, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désigné en qualité d'expert Mme le docteur Nicole I...;

Vu l'ordonnance du 16 août 2012, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désigné en qualité de sapiteur M. le docteur Michel A...;

Vu l'ordonnance du 27 août 2012, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-12 du code de justice administrative, accordé à Mme le docteur Nicole I...une allocation provisionnelle de 800 euros et à M. le docteur Michel A...une allocation provisionnelle de 700 euros ;

Vu, enregistré le 21 juin 2013, le rapport établi par l'expert et le sapiteur désignés ;

Vu l'ordonnance du 28 juin 2013, par laquelle le président de la Cour a, en application des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 2 135 euros HT, comprenant l'allocation provisionnelle, pour Mme le docteur NicoleI..., expert ;

Vu l'ordonnance du 28 juin 2013, par laquelle le président de la Cour a, en application des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 700 euros HT, comprenant l'allocation provisionnelle, pour M. le docteur MichelA..., sapiteur ;

Vu les ordonnances en date du 26 juin 2013 fixant la clôture d'instruction dans les deux instances n°s 11LY01548 et 11LY01569 au 19 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour le centre hospitalier de Montbrison et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures ;

Ils soutiennent qu'il résulte du rapport d'expertise que l'infection nosocomiale à staphylocoque doré multirésistant consécutive à la première intervention au centre hospitalier de Montbrison n'est pas la cause directe de la neuropathie optique ischémique antérieure aiguë dont a été victime Mme F...et des troubles visuels dont elle souffre ; qu'aucune faute lors de la seconde intervention ne peut être retenue à... ; que les conséquences indemnitaires des troubles de la vision de Mme F...ne sauraient ainsi être pris en charge par le centre hospitalier de Montbrison et par la SHAM ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- l'infection contractée est nosocomiale ce que ne conteste plus en appel le centre hospitalier de Montbrison ;

- le rapport de l'expertise réalisée en appel établit l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct entre l'infection et les troubles visuels de Mme F...dès lors que sans l'infection et le sepsis il n'y aurait pas eu de reprise chirurgicale et qu'il n'y aurait pas ainsi eu de neuropathie optique ischémique antérieure aiguë ;

- c'est à bon droit que le Tribunal lui a alloué une somme de 25 339,13 euros en remboursement des sommes versées à Mme F...pour les préjudices subis ;

- le Tribunal a omis de lui octroyer, dans le dispositif de son jugement, une somme de 900 euros au titre des frais et honoraires d'expertise devant la CRCI ;

- la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique doit être portée à 15 % au lieu de celle de 10% retenue par le Tribunal compte tenu de l'attitude du centre hospitalier de Montbrison qui a refusé, sans justification, d'indemniser la victime ;

Vu les ordonnances en date du 14 août 2013 reportant la clôture d'instruction dans les deux instances n°s 11LY01548 et 11LY01569 au 27 septembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 août 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour le centre hospitalier de Montbrison et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures ;

Ils soutiennent en outre que la somme de 21 288 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme F...et résultant d'une IPP de 14% est excessive, que le préjudice d'agrément n'est pas établi, et que la pénalité de 15% prévue à l'article L. 1142-15 ne saurait être infligée dès lors que le fait que la Cour a dû ordonner une expertise aux fins de connaître les séquelles liées à l'infection démontre que le centre hospitalier avait toutes les raisons de penser qu'aucune somme ne devait être mise à sa charge ;

Vu les ordonnances en date du 1er octobre 2013 reportant la clôture d'instruction dans les deux instances au 23 octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que les montants des indemnités accordées par le Tribunal sont justifiées eu égard aux éléments contenus dans le rapport de M.E..., expert désigné par la CRCI de Rhône-Alpes, qui a évalué les préjudices définitifs de Mme F...;

Vu les ordonnances en date du 22 octobre 2013 reportant la clôture d'instruction dans ces deux instances au 15 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2013 sous les nos 11LY01548 et 11LY01569, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 10 décembre 2013 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que, selon l'arrêt susvisé du 28 juin 2012, MmeF..., née le 10 mai 1946, a été victime d'un accident de ski le 21 février 2003 ayant entraîné une facture du fémur droit ; qu'elle a été opérée le jour même au centre hospitalier de Montbrison où elle a subi une ostéosynthèse par enclouage centro-médullaire ; qu'ayant conservé des séquelles de son séjour à l'hôpital, elle a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes qui, après avoir ordonné successivement deux expertises effectuées par les Docteurs Dumontier etE..., respectivement chirurgien orthopédique et traumatologue et médecin légal, a estimé, dans un avis rendu le 12 octobre 2005, que l'intéressée avait été victime d'une infection nosocomiale en rapport direct avec l'intervention du 21 février 2003 et qu'en l'absence de cause étrangère, le centre hospitalier de Montbrison devait être condamné, en application des dispositions de l'article L. 1142­1­I du code de la santé publique, à réparer les conséquences dommageables de cette infection ; que la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier, ayant refusé de faire une offre d'indemnisation, l'ONIAM a indemnisé Mme F... de ses préjudices en lui allouant une somme totale de 25 339,13 euros et pris en charge pour un montant global de 900 euros les frais des expertises ordonnées par la CRCI ; que sur la demande de l'ONIAM, le Tribunal a, par un jugement du 12 avril 2011, condamné solidairement le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM à verser à l'office et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire des indemnités de respectivement, 25 339,13 euros et 19 149,73 euros ; qu'il a également condamné l'établissement hospitalier et son assureur à payer à l'office une pénalité de 2 533,91 euros en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; que, par ce même arrêt, la Cour, après avoir estimé que ce jugement est suffisamment motivé, que les conclusions dirigées contre la SHAM relèvent de la compétence de la juridiction administrative et que l'infection post-chirurgicale par staphylocoque dorée dont Mme F...a été victime lors de son séjour au centre hospitalier de Montbrison présente un caractère nosocomial révélant une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement et de la SHAM, a décidé, avant de statuer sur le surplus des conclusions des parties, de procéder à une expertise aux fins de déterminer si les troubles visuels dont Mme F...s'est trouvée affectée à la suite de son séjour dans ce centre hospitalier ont pour origine son état d'anémie à la suite de l'opération du 21 février 2003 ou de l'infection nosocomiale qu'elle y a contractée ; que l'expert et le sapiteur ont remis leur rapport le 21 juin 2013 ;

Sur le lien de causalité entre les troubles de Mme F...et l'infection nosocomiale contractée au centre hospitalier de Montbrison :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la Cour, qu'au décours de la fracture du fémur et de l'ostéosynthèse subie par Mme F...lors de l'intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier de Montbrison le 21 février 2003, cette dernière a perdu du sang dont une partie a été remplacée par une transfusion de deux culots globulaires ; que Mme F...est sortie le 26 février 2003 avec une tension artérielle normale ; qu'elle a été de nouveau hospitalisée le 5 mars 2003 à la clinique du Renaison à Roanne, l'intéressée souffrant de douleurs importantes au genou droit avec de la fièvre, son médecin traitant ayant en outre constaté un écoulement important au niveau de la cicatrice ainsi qu'une hypotension et une pâleur conjonctivale importante ; que les analyses et examens effectués ont révélé que Mme F...a été victime d'une infection par staphylocoque doré au décours de l'intervention chirurgicale du 21 février 2003 réalisée au centre hospitalier de Montbrison ; que, du fait de cette infection, qui présente un caractère nosocomial révélant une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, comme l'a jugé la Cour par l'arrêt susvisé, une seconde intervention s'est avérée nécessaire pour évacuer l'abcès ; que cette intervention a été réalisée par la clinique du Renaison le 7 mars 2003 ; que l'hypotension préopératoire, puis l'anémie, l'hypotension et la tachycardie prolongées en post-opératoire après cette intervention du 7 mars 2003 ont déséquilibré l'état vasculaire irrigant le nerf optique et provoqué la survenue de perturbations vasculaires ischémiques au niveau des petites artères cilaires postérieures et de leurs branches qui vascularisent la tête du nerf optique et ont été responsables d'une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) ; que Mme F..., qui n'a pas d'antécédents ophtalmique particulier, en conserve des séquelles sous la forme de troubles visuels, son état se stabilisant à 8/10 pour son oeil droit et à 3/10 pour son oeil gauche avec altération du champ visuel gauche ;

3. Considérant que si, selon l'expert et le sapiteur désignés par la Cour, la neuropathie optique ischémique antérieure aiguë dont a été victime Mme F...résulte de l'anémie et de l'hypotension dont elle souffrait au moment de la seconde intervention chirurgicale, son état vasculaire s'étant alors déséquilibré avec déclenchement de la NOIAA, ils relèvent également que l'infection nosocomiale par staphylocoque doré multirésistant consécutive à la première intervention chirurgicale réalisée par le centre hospitalier de Montbrison, associée à l'hypertension, a motivé cette deuxième intervention chirurgicale et que " sans l'infection, il n'y aurait pas eu ainsi reprise chirurgicale et il n'y aurait pas eu de neuropathie optique ischémique antérieure aiguë " ; qu'ainsi, cette seconde intervention chirurgicale ayant été rendue nécessaire par la présence d'un foyer d'infection par le staphylocoque doré à l'endroit où le fémur a été encloué, se manifestant par la présence d'un abcès collecté en partie haute de la cuisse qui devait être évacué, et alors qu'aucune faute n'a été relevée dans l'indication et la réalisation de cette seconde intervention, les troubles visuels dont a été victime Mme F...doivent être regardés, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM, comme étant la conséquence directe et certaine de cette infection nosocomiale par le staphylocoque doré contractée audit centre hospitalier ; que, par suite la responsabilité du centre hospitalier de Montbrison et de son assureur, la SHAM, est engagée à raison de ces troubles ;

4. Considérant, que par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme F...a conservé également des séquelles orthopédiques résultant directement et certainement de l'infection nosocomiale contractée, qui constitue une faute du centre hospitalier de Montbrison de nature à engager la responsabilité de cet établissement et de son assureur, la SHAM ;

Sur les droits de l'ONIAM :

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme F...indemnisés par l'ONIAM :

5. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la réparation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins incombe aux professionnels et établissements de santé lorsque leur responsabilité est engagée en raison d'une faute et notamment d'une infection nosocomiale et à l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, lorsque le dommage n'engage pas la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé et que certaines conditions se trouvent remplies ; que les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 du même code organisent une procédure de règlement amiable confiée à la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) ; que les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 prévoient que, lorsque la CRCI estime que la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée, l'assureur de celui-ci adresse une offre d'indemnisation à la victime ou à ses ayants droit, que, si l'assureur s'abstient de faire une offre, l'ONIAM lui est substitué, que l'acceptation d'une offre de l'office vaut transaction et, enfin, que l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées par lui, dans les droits de la victime ou de ses ayants droit contre la personne responsable du dommage ou son assureur ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en application de ces mêmes dispositions, lorsque la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée, il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office ; que pour procéder à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime ;

7. Considérant que le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM soutiennent que le montant des sommes allouées à l'ONIAM par le Tribunal est excessif ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les dépenses de santé portant sur des frais de lunetterie restées à la charge de Mme F...et qui ont été remboursées par l'ONIAM se sont élevées à un montant de 495,13 euros ; que ces dépenses sont en lien direct avec l'infection nosocomiale et sont justifiées par l'ONIAM ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports établis par les deux experts désignés par la CRCI de Rhône-Alpes et de l'avis de cette commission, que si Mme F...a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 21 février 2003 jusqu'au 21 décembre 2004, le déficit temporaire total imputable aux conséquences de l'infection nosocomiale doit être réduit de 4 mois et demi compte tenu de l'incapacité temporaire prévisible imputable à la fracture diaphysaire fémorale non compliquée ; que l'ONIAM n'a pas fait une évaluation excessive de ce chef de préjudice en indemnisant Mme F...d'une somme de 6 981 euros ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte également de l'instruction et de ces mêmes rapports d'expertise que Mme F...subit, après consolidation fixée à la date du 31 décembre 2004, un déficit fonctionnel permanent s'élevant à un taux d'incapacité de 19 %, dont un taux de 5 % relatif aux séquelles orthopédiques pour douleur du membre atteint et légère boiterie imputable à la fracture du fémur et non à l'infection nosocomiale, un taux de 13 % correspondant au préjudice fonctionnel ophtalmique lié à la perte de champ visuel et à la baisse d'acuité visuelle bilatérale imputable à l'infection nosocomiale et un taux de 1 % correspondant aux séquelles orthopédiques d'ordre fonctionnel imputables également à l'infection nosocomiale ; qu'ainsi, compte tenu de l'âge de Mme F...à la date de consolidation, soit 58 ans, et du seul taux d'incapacité de 14 % sur 19 % imputable à l'infection nosocomiale et contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier et son assureur, l'ONIAM n'a pas fait une appréciation excessive de l'indemnité à allouer à Mme F... au titre du déficit fonctionnel permanent en l'évaluant à la somme de 14 307 euros ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte de ces mêmes rapports d'expertise que l'état de santé de Mme F...imputable aux seules complications liées à l'infection nosocomiale est caractérisé par des souffrances endurées de 1,5 sur une échelle de 7, un préjudice esthétique évalué à 1 sur la même échelle et, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier et la SHAM, par un préjudice d'agrément lié à la perte de champ visuel et à la baisse d'acuité visuelle bilatérale, se manifestant par une gêne lors de la pratique informatique, pour voir la télévision ou à la lecture ; que, compte tenu de ces éléments, l'ONIAM n'a pas fait une appréciation excessive de ces différents chefs de préjudice en les évaluant à 1 181 euros pour les souffrances endurées, 655 euros pour le préjudice esthétique et 1 720 euros pour le préjudice d'agrément ;

12. Considérant qu'il s'ensuit que les premiers juges ne se sont pas livrés à une évaluation excessive de l'ensemble de ces préjudices en condamnant solidairement le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM à rembourser à l'ONIAM la somme totale de 25 339,13 euros qu'il a versée à Mme F...en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale qu'elle a subie, l'office établissant être subrogé, à concurrence de cette somme, dans les droits de la victime ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal les a condamnés solidairement à verser la somme de 25 339,13 euros à l'ONIAM, outre intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2009 ;

En ce qui concerne les frais d'expertise exposés devant la CRCI de Rhône Alpes :

14. Considérant que l'ONIAM justifie du paiement des frais et honoraires relatifs aux expertises ordonnées par la CRCI de Rhône-Alpes pour un montant de 900 euros ; que, comme le soutient l'ONIAM, le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM doivent être condamnés solidairement à lui rembourser cette somme de 900 euros en vertu des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, outre les intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2009, date de réception de sa réclamation préalable ; que, le Tribunal n'ayant pas prononcé une telle condamnation dans le dispositif du jugement attaqué, il y a donc lieu pour la Cour, comme le demande l'ONIAM dans ses conclusions incidentes, de prononcer cette condamnation et de réformer le jugement sur ce point ;

En ce qui concerne la majoration prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :

15. Considérant qu'aux termes du 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " (...) En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue (..) " ;

16. Considérant que, comme le fait valoir l'ONIAM, l'infection nosocomiale ressortait à l'évidence des rapports des expertises diligentées par la CRCI de Rhône-Alpes et la SHAM, assureur du centre hospitalier de Montbrison, a expressément refusé de présenter une offre d'indemnisation à MmeF... ; que si le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM soutiennent que l'existence d'un lien de causalité direct entre l'infection nosocomiale et les troubles visuels subis par Mme F...n'a été mise en évidence que lors de l'expertise diligentée par la Cour de céans, il résulte de l'instruction que Mme F...a aussi subi des séquelles orthopédiques d'ordre fonctionnel, également imputables à l'infection nosocomiale, que les rapports des expertises diligentées par la CRCI de Rhône-Alpes avaient déjà mises en évidence ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu, comme le demande l'ONIAM, de condamner le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM à lui verser une somme égale à 15 % de l'indemnité ci-dessus accordée, et non de 10 % seulement, soit un montant de 3 800,87 euros au lieu de 2 533,91 euros ;

17. Considérant qu'il s'ensuit que, d'une part, le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal les a condamnés solidairement à verser une indemnité en application de ces dispositions et que, d'autre part, l'ONIAM est fondé à soutenir, dans ses conclusions incidentes, que cette indemnité doit être portée à un montant de 3 800,87 euros au lieu de 2 533,91 euros ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire :

18. Considérant que le Tribunal a estimé que la caisse était seulement fondée à demander le remboursement d'une somme de 19 149,73 euros correspondant à des dépenses relatives à l'hospitalisation de Mme F...à la clinique du Renaison du 5 mars 2003 au 20 mars 2003 et au centre hospitalier de Roanne du 30 mars 2003 au 19 avril 2003 ;

19. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment de l'attestation du médecin conseil et des bulletins d'hospitalisation produits en appel par la caisse, que les dépenses d'hospitalisation du 25 avril 2003 au 29 décembre 2004 correspondent à des frais d'hospitalisation de jour au centre hospitalier de Roanne pour une surveillance clinique et thérapeutique décrite dans les deux rapports établis par les deux experts désignés par la CRCI de Rhône-Alpes, ces dépenses résultant directement de l'infection contractée ; qu'il ressort des documents produits devant les premiers juges et en appel par la caisse que ces dépenses d'hospitalisation de jour s'élèvent à un montant de 5 289,64 euros pour la période du 25 avril 2003 au 20 juin 2003, de 6 502,72 euros pour la période du 4 juillet 2003 au 23 décembre 2003 et de 5 333,91 euros pour la période du 14 janvier 2004 au 29 décembre 2004 ; que, par suite, il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, ces sommes en remboursement des dépenses de santé qu'elle a engagées en raison de l'infection contractée par Mme F...;

20. Considérant que, par ailleurs, il résulte de ces mêmes documents et notamment de l'attestation du médecin conseil produite en appel, ainsi que des rapports des deux experts désignés par la CRCI de Rhône-Alpes, que les frais médicaux et pharmaceutiques d'un montant de 640,51 euros exposés par la caisse correspondent à des visites du médecin généraliste les 1er mars et 5 mars 2003 qui a constaté les premières manifestations d'une infection et décidé l'hospitalisation de MmeF..., à des consultations spécialisées auprès d'un chirurgien orthopédique et d'un ophtalmologiste effectuées entre le 23 mai 2003 et le 29 octobre 2003, à des examens de biologie remboursés les 27 octobre 2003, 10 novembre 2003 et 30 septembre 2004, et à des dépenses de médicaments concernant la période du 22 avril 2003 au 9 octobre 2009, qui sont également liés directement à l'infection nosocomiale dont a été victime l'intéressée ; qu'enfin, selon le relevé de prestations et l'attestation du médecin conseil produits par la caisse, les frais de transports exposés par cette dernière pour un montant de 230,13 euros, portent sur la période du 5 mars 2003 au 2 mai 2003 correspondant aux périodes au cours de laquelle Mme F...a été hospitalisée à la clinique du Renaison puis au centre hospitalier de Roanne, et en hospitalisation de jour à cet hôpital, en raison de l'infection contractée au centre hospitalier de Montbrison ; qu'il y a lieu d'admettre l'ensemble de ces frais, liés à la faute imputable au centre hospitalier de Montbrison et qui n'auraient pas été exposés en l'absence de cette faute ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CPAM de la Loire est fondée à demander la condamnation solidairement du centre hospitalier de Montbrison et de la SHAM à lui rembourser une somme de 37 146,64 euros au lieu de celle de 19 149,73 euros retenue par le Tribunal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2010, date d'enregistrement de ses conclusions indemnitaires au greffe du tribunal administratif ;

Sur les frais d'expertise :

22. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par la Cour, liquidés et taxés aux sommes de 2 135 euros et 700 euros, doivent être mis à la charge solidairement du centre hospitalier de Montbrison et de la SHAM ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidairement du centre hospitalier de Montbrison et de la SHAM une somme de 1 000 euros à verser à la CPAM de la Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ONIAM présentées sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE

Article 1er : Le montant de la pénalité que le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM ont été condamnés solidairement à verser à l'ONIAM par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2011 est porté de 2 533,91 euros à 3 800,87 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM sont condamnés à verser à l'ONIAM une indemnité de 900 euros correspondant aux frais d'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes que cet office a acquittés, avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2009.

Article 3 : Le montant de l'indemnité que le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM ont été condamnés solidairement à verser à la CPAM de la Loire est porté de 19 149,73 euros à 37 146,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2010.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée devant la Cour, liquidés et taxés à 2 135 euros et 700 euros, sont mis à la charge solidairement du centre hospitalier de Montbrison et de la SHAM.

Article 6 : Le centre hospitalier de Montbrison et la SHAM verseront solidairement à la CPAM de la Loire une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Montbrison, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et à la MGEN. Il en sera adressé copie pour information à Mme C...F..., à Mme C...I..., expert et à M. B...A..., sapiteur.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. G...et M.D..., présidents-assesseurs,

M. Segado et M.H..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 20 février 2014.

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N° 11LY01548-11LY01569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 11LY01548
Date de la décision : 20/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-20;11ly01548 ?
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