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28/01/2014 | FRANCE | N°13LY00240

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2014, 13LY00240


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 janvier 2013, présentée pour la SA Ceccon, dont le siège social est situé avenue des Iles, BP 12 à Cran-Gevrier (74961) ;

La SA Ceccon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901148-0901149 du 28 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction, ainsi que des intérêts y afférents, auxquelles elle a été assujettie au titre

des années 2005 et 2006 ;

2°) de la décharger desdites cotisations ;

3°) de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 janvier 2013, présentée pour la SA Ceccon, dont le siège social est situé avenue des Iles, BP 12 à Cran-Gevrier (74961) ;

La SA Ceccon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901148-0901149 du 28 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction, ainsi que des intérêts y afférents, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de la décharger desdites cotisations ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction ne peuvent faire l'objet d'une vérification de comptabilité ; qu'en effet, la base d'imposition n'est, pour ces taxes, pas déterminée à partir de la comptabilité de l'entreprise, mais repose sur le seul montant des rémunérations versées, lesquelles sont portées sur un document non comptable, à savoir la déclaration annuelle des salaires ; qu'elle avait pour seule obligation de faire figurer dans sa déclaration annuelle de salaires les sommes payées à ses salariés, et non celles versées à ceux-ci par la caisse de congés payés ; qu'il n'y a eu aucun débat oral et contradictoire sur ces taxes, en méconnaissance des principes posés par la jurisprudence et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; qu'elle n'a pas à inclure les indemnités de congés payés dans l'assiette de sa taxe d'apprentissage dans la mesure où elle n'est elle-même redevable d'aucune cotisation de sécurité sociale à raison des indemnités versées par les caisses du BTP ; que la circulaire DSS/SDAAF/A1 n° 70 du 28 juillet 1993 et le guide Acoss du recouvrement prévoient expressément que, dans les professions relevant des caisses de congés payés, l'employeur n'a pas à tenir compte, dans l'assiette des cotisations, de l'indemnité de congés payés versée aux salariés ; que la loi du 4 février 1995 avait pour objet d'aligner l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction ; que la méthode forfaitaire de détermination de l'assiette de la taxe d'apprentissage est illégale ; que la charge de la preuve incombe en l'espèce à l'administration ; que la méthode retenue par l'administration, qui ne repose sur aucun texte, est radicalement viciée dans son principe ; qu'elle peut invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle A...du 14 avril 1976, qui n'a pas été frappée de caducité du fait de l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 1995 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'administration est en droit de contrôler l'assiette de l'ensemble des impôts ou taxes dus par le contribuable qu'elle vérifie ; que la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction pouvaient faire l'objet d'une vérification de comptabilité ; que les opérations de contrôle s'étant déroulées sur place, le débat oral et contradictoire est présumé avoir eu lieu ; que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 1995, l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction est alignée sur celle des cotisations sociales ; qu'elle inclut, dès lors, en application de l'article L. 241-1 du code de la sécurité sociale, les indemnités de congés payés ; que la requérante ne peut se prévaloir de la circulaire DSS/SDAAF/A1 n° 70 du 28 juillet 1993 et du guide Acoss du recouvrement ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour le compte de la société par une caisse de congés payés à laquelle elle est affiliée est sans incidence sur l'assiette de la taxe et l'assujettissement de l'employeur ; que, pour déterminer le montant de la base imposable, il convient toutefois de ne retenir ni le montant des cotisations versées par l'employeur à la caisse de congés payés, dès lors qu'elles couvrent également les frais de fonctionnement des caisses, ni les indemnités versées par les caisses aux salariés au cours de la période, dès lors que les sommes versées à un salarié peuvent correspondre à des droits de congés payés acquis auprès de plusieurs employeurs ; que le taux de 13,14 % retenu par l'administration est fondé sur le nombre de jours de congés payés rapporté à la masse salariale des entreprises du bâtiment ; qu'il appartient à la requérante de reconstituer le montant exact des indemnités de congés payés dues à ses salariés pour prouver que le taux retenu est excessif ; que la réponse ministérielle A...a été frappée de caducité par la promulgation de la loi du 4 février 1995 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2013, présenté pour la SA Ceccon, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que la réponse ministérielle A...n'a pu être rendue caduque par l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 1995, dès lors que les indemnités de congés payés entraient déjà, avant cette date, dans l'assiette des taxes et participations assises sur les salaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben-Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA Ceccon a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2005 et 2006, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction ont été mises à sa charge, suite à la prise en compte, dans l'assiette de ces taxes, des indemnités de congés payés, que l'administration a forfaitairement fixées à 13,14 % des rémunérations brutes ; qu'elle relève appel du jugement du 28 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ; que ces dispositions habilitent l'administration à vérifier sur place la comptabilité des contribuables qui, comme la SA Ceccon, société commerciale par la forme, sont astreints à tenir et présenter des documents comptables ; que, si ladite société expose que les impositions en litige ne sont pas assises sur les rémunérations nettes versées au personnel, qui seraient seules enregistrées dans sa comptabilité, cette circonstance n'interdisait pas au vérificateur de rectifier, à l'issue de son contrôle, le montant des salaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe d'apprentissage et de la participation à l'effort de construction dues par la contribuable ;

3. Considérant, en second lieu, que, dans le cas où, comme en l'espèce, la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat ; que la SA Ceccon, en se bornant à soutenir qu'il n'y aurait pas eu de débat sur le montant des indemnités de congés payés à réintégrer dans l'assiette des taxes en litige, n'établit pas que le vérificateur, qui n'était pas tenu de donner, avant la proposition de rectification, une information sur les rehaussements qu'il pouvait envisager, se serait refusé à engager un débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 225 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, issue de la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, la taxe d'apprentissage " est assise sur les rémunérations, selon les bases et les modalités prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) " ; que selon le 1 de l'article 235 bis du même code, issu de la même loi, " les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale " ; qu'en vertu de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, auquel renvoient ainsi les dispositions des articles 225 et 235 bis du code général des impôts : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions rappelées ci-dessus et de celles des articles L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, et de l'article D. 732-1 du code du travail devenu l'article D. 3141-29 de ce code, que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour le compte d'un employeur par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en exécution des dispositions de l'article L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, est sans incidence sur l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction ;

6. Considérant que le montant des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction correspond à celui que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession ; que ce montant ne saurait donc être évalué en retenant les cotisations versées par l'employeur à la caisse de congés payés dès lors que ces cotisations, qui ne constituent pas des rémunérations au sens des dispositions précitées, couvrent par ailleurs des charges autres que les indemnités versées aux salariés, notamment les frais de fonctionnement des caisses ; que le montant à prendre en compte ne saurait davantage être fixé à partir des indemnités versées par les différentes caisses aux salariés au titre d'une période retenue pour l'appréciation du droit au congé, dès lors que les sommes versées par les caisses à un salarié peuvent correspondre aux droits à congés payés qu'un salarié a acquis auprès de plusieurs employeurs, qui sont seuls redevables de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction ;

7. Considérant qu'à défaut de pouvoir établir exactement les sommes que l'employeur aurait versées à ses salariés au titre des indemnités de congés payés, en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, il y a lieu de retenir, compte tenu à la fois du taux prévu par l'article L. 233-1 du code du travail, devenu l'article L. 3141-22, de l'indemnité de congé payé qui aurait, le cas échéant, été versée par l'employeur au titre de l'année précédente et des indemnités prévues par les conventions collectives, un montant évalué à 11,5 % des rémunérations brutes versées au cours de l'année d'imposition ; qu'il y a lieu, dès lors, de ramener de 13,14 à 11,50 % des rémunérations brutes versées au cours des années d'imposition la base d'imposition aux taxes litigieuses ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

8. Considérant que, d'une part, les dispositions de la loi du 4 février 1995, en alignant l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales, laquelle comprend les indemnités de congés payés, ont rendu caduque la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M.A..., député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76 ; que, d'autre part, ni la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993, ni le passage cité par la requérante du guide du recouvrement de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ne comportent aucune interprétation d'un texte fiscal ; que par suite, la SA Ceccon n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de cette réponse et de ces instructions ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Ceccon est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes en ce qu'elles tendaient à la réduction de 13,14 % à 11,50 % des rémunérations brutes versées au cours des années d'imposition de la base imposable de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SA Ceccon ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles la SA Ceccon a été assujettie au titre des années 2005 et 2006 sont réduites en conséquence de la réduction du montant des indemnités de congés payés à prendre en compte à 11,50 % des salaires bruts versés par elle au titre desdites années.

Article 2 : La SA Ceccon est déchargée, en droits et pénalités, de la différence entre les cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006, et celles résultant de la base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 0901148-0901149 du 28 décembre 2012 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SA Ceccon la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 . Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Ceccon et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Besse et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2014.

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N° 13LY00240

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00240
Date de la décision : 28/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : SCP MERMILLON - RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-28;13ly00240 ?
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