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09/01/2014 | FRANCE | N°13LY01000

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2014, 13LY01000


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 18 avril 2013 et régularisée le 22 avril 2013, présentée pour Mme A...C..., épouseE..., domiciliée ... ;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805961 du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des

impositions contestées ;

3°) de prononcer la décharge des contributions sociales mises à...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 18 avril 2013 et régularisée le 22 avril 2013, présentée pour Mme A...C..., épouseE..., domiciliée ... ;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805961 du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de prononcer la décharge des contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2002, 2003 et 2004 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme E...soutient que :

- les deux premières méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires de l'EURL ERM opérée par le vérificateur, consistant, d'une part, à considérer que l'ensemble des bons-factures correspondaient au nombre d'interventions réalisées sur les trois exercices, d'autre part, à reprendre les numéros manquants sur les bons ressortant en rupture des suites de numéros, y compris sur des suites imprimées en double, sont viciées en leur principe dès lors qu'elles ne prennent pas en compte les bons-factures détruits ;

- la troisième méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de l'EURL ERM opérée par le vérificateur est excessivement sommaire car basée sur des hypothèses sans lien avec la réalité de l'activité ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires consistant à appliquer un nombre moyen d'interventions par rapport aux horaires effectués par les ramoneurs employés, si elle n'est pas viciée en son principe, devrait être effectuée à partir des déclarations de DADS1 souscrites par la société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des méthodes de reconstitution opérées par le vérificateur pèse sur le contribuable dès lors que la comptabilité de l'EURL ERM présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le contribuable ne produit aucun élément circonstancié et concret de nature à justifier le caractère vicié ou excessivement sommaire des méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires de l'EURL ERM ;

- la troisième méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, qui tient compte des conditions concrètes de fonctionnement de l'entreprise, fondée sur le nombre de salariés effectivement employés, auquel il a été appliqué une moyenne journalière de douze interventions, a été retenue dès lors qu'elle était la plus favorable au contribuable ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires proposée par le contribuable ne peut être retenue dès lors que le chiffre d'affaires TTC reconstitué selon les modalités retenues par elle représenterait un montant bien inférieur à celui qu'elle a déclaré au titre de l'exercice clos en 2004 ;

Vu la lettre du 24 septembre 2013, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 25 septembre 2013, présenté pour Mme E... qui limite les conclusions de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004 aux sommes respectives de 143 089 euros, 117 651 euros et 158 932 euros ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 octobre 2013, présenté pour Mme E...qui maintient ses conclusions précédentes ;

Mme E...soutient que :

- elle ne conteste pas, du moins pour les seuls deux premiers exercices, que le service se soit trouvé en droit de reconstituer le chiffre d'affaires à raison du caractère non probant de la comptabilité présentée tenant à la non production des factures de vente constituées par les bons factures ;

- en revanche, c'est à tort que le service a considéré que la comptabilité portant sur le troisième exercice était insincère et non probante ;

- c'est à tort que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à l'exercice clos le 31 mars 2003, le service a pu recourir à la procédure de taxation d'office prévu à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales au motif qu'elle aurait déposé tardivement sa déclaration récapitulative CA 12 alors que le contribuable a régularisé spontanément la déclaration récapitulative en l'absence de mise en demeure ;

- la première méthode de reconstitution est viciée en son principe car s'il a été effectivement procédé à l'impression de 37 500 bons, la non production de carnets vierges ne peut laisser présumer qu'elle correspondrait à la vente de 37 500 prestations de service ;

- la société a présenté, au titre du troisième exercice, la totalité des bons correspondant à l'activité déployée, soit 4 658 bons-factures ;

- les vices qui affectent la deuxième méthode de reconstitution ne diffèrent pas de ceux affectant la première méthode ;

- la troisième méthode est radicalement viciée en son principe en ce qu'elle ne reconstitue pas le chiffre d'affaires théorique à partir du nombre de jours effectivement travaillés par les salariés sur l'exercice de référence mais à partir de présupposés arbitraires ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui maintient ses précédentes écritures ;

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la loi n'impose pas à l'administration de mettre le contribuable défaillant en demeure de souscrire ses déclarations avant d'engager la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66, 3° du livre des procédures fiscales ;

- la société ERM, commerciale en la forme et dès lors soumise aux obligations comptables définies par le code de commerce, n'a présenté au titre de l'exercice clos en 2004, aucune justification détaillée des recettes journalières ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires a été effectuée à partir des conditions réelles et concrètes de fonctionnement de l'entreprise et non en fonction d'éléments prédéterminés ou étrangers à la gestion de celle-ci ;

- la méthode proposée par la contribuable ne saurait prévaloir sur celle de l'administration dès lors qu'elle se base sur le nombre de jours travaillés par les ramoneurs sur l'année 2003 alors qu'il ressort de l'analyse des bulletins de salaires versés par la société que les salariés cités dans son mémoire n'ont pas travaillé au titre de l'année 2003 à l'exception de deux d'entre eux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2013 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL ERM dont Mme E...est l'unique associée et gérante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le bénéfice des exercices clos en 2002, 2003 et 2004 a été rehaussé ; que Mme E...a été assujettie en conséquence, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre desdites années ; qu'elle relève appel du jugement du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des contributions sociales :

2. Considérant que les conclusions de Mme E...en tant qu'elles visent la décharge de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2004, au demeurant non mises en recouvrement, sont nouvelles en appel ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;

Sur la charge de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL ERM n'a été en mesure de présenter au vérificateur aucun bon-facture au titre de l'exercice clos en 2002, que seul un nombre très restreint a été présenté au titre de l'exercice clos en 2003 et que l'analyse des justificatifs de recettes présentés au titre de l'exercice 2004 révèle diverses anomalies telles des ruptures dans la numérotation des bons-factures, l'existence de doublons, en contravention avec l'article 242 nonies A-7° de l'annexe II du code général des impôts, et l'absence de brouillard de caisse ; que la comptabilité de l'EURL ERM doit ainsi être regardée comme comportant de graves irrégularités ; que, par suite, le vérificateur était en droit de procéder à la reconstitution des recettes de l'EURL ERM sur la période vérifiée ; que les impositions contestées ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 6 décembre 2006, il appartient à la requérante d'apporter la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition retenues par l'administration ;

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Considérant que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération d'une reconstitution de ses recettes peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration ; qu'à l'appui de sa démonstration, il peut, en cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les éléments de preuve comptables ou extracomptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître l'exactitude ;

6. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL ERM au titre des années litigieuses, le vérificateur a mis en oeuvre trois méthodes de reconstitution des recettes de la société, puis a procédé à une pondération entre ces trois méthodes ;

7. Considérant que la première méthode a consisté pour le vérificateur à établir le chiffre d'affaires réalisé par la société à partir des bons-factures imprimés et non présentés, réputés utilisés, et dont le nombre a été réparti sur la période vérifiée en fonction des périodes d'activité de l'entreprise ; que la deuxième méthode employée par le vérificateur a consisté à prendre en compte les numéros manquants à l'intérieur des séries de bons présentés au titre de l'exercice clos en 2004, y compris à raison des suites imprimées en double, comme des bons utilisés au titre de cet exercice ; que la troisième méthode utilisée par le vérificateur a consisté à retenir un nombre moyen de salariés effectivement employés sur l'ensemble d'un exercice, auquel il a été appliqué une moyenne journalière de douze interventions ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification que les bases d'imposition des trois exercices n'ont pas été déterminées par la troisième méthode retenue par le vérificateur mais résultent de la combinaison des trois méthodes ; que si la troisième méthode a été principalement mise en oeuvre pour l'exercice clos en 2004, le chiffre obtenu a été corrigé à la hausse de 100 000 euros résultant " d'une certaine pondération " ;

9. Considérant que les deux premières méthodes mises en oeuvre par le vérificateur reposent sur le postulat simpliste que chaque bon imprimé a été facturé et le taux d'annulation et d'inutilisation, même partielle de carnets entiers serait à peu près nul ; qu'un tel biais de raisonnement ne peut que conduire à qualifier ces deux premières méthodes de radicalement viciées ; qu'en revanche, la troisième méthode, qui repose sur les données constatées en 2004 et sur un nombre de salariés évalués à juste titre au nombre de 5, n'est ni radicalement, ni excessivement sommaire, ni même seulement sommaire dès lors que la seule invocation par la requérante de la législation du travail pour contester le nombre de salariés et le nombre d'heures travaillées est inopérante et que la méthode proposée par la requérante, basée sur les déclarations DADS1 qu'elle a souscrites ne peut être retenue, eu égard au caractère incohérent des recettes ainsi calculées par rapport au chiffre d'affaires déclaré par la société au titre des mêmes exercices ;

10. Considérant toutefois que la requérante est fondée à soutenir que la combinaison de trois méthodes dont deux sont radicalement viciées ne peut qu'être regardée comme excessivement sommaire ; que dans ces conditions et en l'absence de données nécessaires à la mise en oeuvre de la troisième méthode pour les exercices clos en 2002 et 2003, les impositions établies au titre de ces années doivent être réduites en base de 357 998 euros au titre de l'année 2002, de 258 915 euros au titre de l'année 2004 et de 100 000 euros au titre de l'année 2004, les autres chefs de rectifications à l'impôt sur le revenu n'étant pas contestés ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à obtenir la réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et pénalités correspondantes de 357 998 euros au titre de l'année 2002, de 258 915 euros au titre de l'année 2003 et de 100 000 euros au titre de l'année 2004 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance non compris dans les dépens exposés par Mme E...;

DÉCIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition de Mme E...à l'impôt sur le revenu sont réduites des sommes de 357 998 euros au titre de l'année 2002, de 258 915 euros au titre de l'année 2003 et de 100 000 euros au titre de l'année 2004.

Article 2 : Mme E...est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement n° 0805961 du 21 février 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., épouseE..., et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. B...et MmeD..., premiers conseillers ;

Lu en audience publique, le 9 janvier 2014.

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N° 13LY01000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01000
Date de la décision : 09/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : VANDENBUSSCHE et BENHAMOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-09;13ly01000 ?
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