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09/01/2014 | FRANCE | N°13LY00902

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2014, 13LY00902


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 11 avril 2013, présentée pour M. D...A..., domicilié... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300071 du 10 janvier 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or, du 7 janvier 2013, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

2°) d'annule

r, pour excès de pouvoir, les décisions portant obligation de quitter le territoire franç...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 11 avril 2013, présentée pour M. D...A..., domicilié... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300071 du 10 janvier 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or, du 7 janvier 2013, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi de délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or ou au préfet du Rhône, département de son domicile, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union européenne que constituent le droit d'être entendu préalablement à une décision défavorable et les droits de la défense ; qu'il s'occupe de sa fille mineure ; que l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'il souffre d'hypertension artérielle et d'une pathologie cardiaque et que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, eu égard à ce qui précède, cette décision d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que, titulaire d'un passeport en cours de validité et d'une adresse fixe et stable à laquelle il vit avec sa fille scolarisée, il présente des garanties de représentation et la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est donc entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, alors qu'un délai de départ volontaire aurait pu lui être accordé pour permettre à sa fille de terminer son année scolaire ; que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les principes généraux du droit de l'Union européenne que représentent le droit d'être entendu et les droits de la défense et est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour le préfet de la Côte-d'Or ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu la décision du 12 février 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2013 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les observations de Me Morel, avocat de M.A... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant béninois né le 8 juin 1972 et entré régulièrement sur le territoire français, le 6 décembre 2011, a été interpellé, le 7 janvier 2013, en situation irrégulière ; que, le même jour, le préfet de la Côte-d'Or a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai en désignant le Bénin comme pays à destination duquel il serait éloigné d'office et l'a placé en rétention administrative ; que M. A...interjette appel du jugement du 10 janvier 2013, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des trois premières décisions, M. A...ne demandant plus en appel l'annulation de la décision le plaçant en rétention ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. A... souffrait d'une hypertension artérielle sévère pour laquelle il avait été soigné au Bénin mais n'avait pas reçu de soins depuis son arrivée sur le territoire français, plus d'un an avant l'obligation de quitter le territoire français en litige, d'après ses propres dires ; que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale spécialisée comprenant un traitement médicamenteux à vie et un suivi régulier, dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 31 juillet 2013, produit pour la première fois en appel par le préfet du Rhône à la demande de la Cour, que le traitement dont bénéficie en France M. A...n'est pas disponible au Bénin ; que si cet avis est postérieur à la décision attaquée il révèle néanmoins une situation de fait antérieure qui doit être prise en considération par le juge de l'excès de pouvoir alors même que le préfet de la Côte-d'Or n'en avait pas connaissance à la date de sa décision ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Côte-d'Or a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander l'annulation de cette obligation ; que par voie de conséquence, il est également fondé à demander l'annulation des décisions le privant de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination en cas de reconduite forcée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur l'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

6. Considérant que le présent arrêt implique, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que l'autorité compétente se prononce sur la situation de M. A...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme quelconque au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon du 10 janvier 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...tendant à l'annulation des décisions du 7 janvier 2013 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et désignant le Bénin comme pays à destination duquel il serait éloigné d'office.

Article 2 : Les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 7 janvier 2013 obligeant M. A...à quitter le territoire français sans délai et désignant le Bénin comme pays à destination duquel il serait éloigné d'office sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A...dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Côte-d'Or et au préfet du Rhône. Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dijon et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. B...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2014.

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N° 13LY00902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00902
Date de la décision : 09/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-09;13ly00902 ?
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