Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2013, présentée pour le département de la Côte-d'Or, dont le siège est situé 53 bis rue de la Préfecture à Dijon (21000) ;
Le département de la Côte-d'Or demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200424 du 13 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à M. E...B...la somme de 19 168 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012, et à la compagnie Pacifica la somme de 58 294,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012, en réparation des préjudices résultant de l'accident survenu le 7 juillet 2011 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...et la compagnie Pacifica devant le Tribunal administratif de Dijon ;
3°) de mettre solidairement à la charge de M. B...et de la compagnie Pacifica une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les circonstances de l'accident décrites par les intimés ne sont pas corroborées par les pièces du dossier et ne permettent pas d'établir l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage ;
- M. B...n'a pas décéléré à la vue du panneau " danger " positionné sur la voie que les gendarmes ont constaté à 500 mètres du lieu de l'accident ;
- aucune plainte pour des faits similaires n'a été portée à la connaissance de la collectivité concernant le lieu de l'accident, plus particulièrement pendant les travaux en cause ;
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, la signalisation provisoire mise en place en raison des travaux réalisés sur la route, composée d'un panneau AK 14 posé à 500 mètres du lieu de l'accident et signalant l'existence d'un danger, et des piquets K5b tous les 100 mètres signalant la limite entre la bande de roulement et les accotements, était conforme à la règlementation et était suffisante ;
- concernant la nécessité de limiter la vitesse, selon la règlementation en vigueur, l'instauration d'une limitation de vitesse n'est pas toujours nécessaire et il appartenait à M. B..., conformément au code de la route, de rester maître de sa vitesse et de la moduler en fonction des obstacles signalés par le panneau et les piquets, alors que la route était grasse et qu'il venait d'acquérir le véhicule qu'il conduisait ;
- les préjudices moraux doivent être sensiblement réduits ;
Vu le jugement attaqué,
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2013, présenté pour M. B... et la compagnie Pacifica qui concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de la Côte d'Or du paiement à la compagnie Pacifica d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, comprenant la somme de 1 000 euros accordée par les premiers juges ;
Ils soutiennent que :
- les circonstances de l'accident et le lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage sont établis compte tenu notamment des déclarations de M. B... confirmées par son épouse et son fils, de celles de M. D...et des pompiers arrivés sur le lieu de l'accident, et des constatations opérées par les gendarmes ;
- c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la signalisation n'était pas adaptée et que le département de la Côte d'Or aurait dû limiter la vitesse ;
- aucune faute ne peut être reprochée à M.B... ;
- la compagnie Pacifia justifie d'une subrogation légale et conventionnelle pour les indemnités versées à M. et Mme B...et à leur fils, ainsi que pour la créance de la sécurité sociale ;
- M. B...a subi des préjudices pour un montant total de 19 168 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui précise qu'elle n'interviendra pas dans le cadre de cette procédure ;
Vu l'ordonnance en date du 13 septembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 2 octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2013, présenté pour le département de la Côte-d'Or, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 30 septembre 2013 reportant la clôture d'instruction au 18 octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2013, présenté pour M. B... et la compagnie Pacifica qui concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Langlois, avocat du département de la Côte-d'Or, de Me Ousman, avocat de M. B...et de la compagnie Pacifica et de M. B...;
1. Considérant que le 7 juillet 2011 vers 17 heures, M.B..., qui circulait sur la route départementale 9, dans le sens de Pouillenay-Villars et à Villenotte, à bord de son véhicule, qu'il conduisait, dans lequel avaient pris place son épouse, leur fille alors âgée de 15 ans et leur fils alors âgé de 13 ans, a perdu le contrôle de sa voiture après avoir empiété sur l'accotement droit de cette voie ; que le véhicule a percuté un arbre se trouvant sur le bas-côté avant de s'immobiliser dans un pré de l'autre côté de la route ; que cet accident a notamment entraîné le décès de la fille de M.B... ; que le département de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 13 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à M. B...la somme de 19 168 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012 et à la compagnie Pacifica la somme de 58 294,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012, en réparation des préjudices résultant de l'accident ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur lui, il incombe au maître de l'ouvrage d'établir soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
3. Considérant que les accotements des voies publiques ne sont pas normalement destinés à la circulation et que l'administration n'est, dès lors, pas tenue de signaler aux usagers les dangers qu'ils courent en les empruntant, seuls le mauvais état et l'étroitesse de la route ou des circonstances particulières pouvant, à titre exceptionnel, justifier qu'il y soit empiété, avec toutes les précautions utiles ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête des services de la gendarmerie nationale que l'accident a eu lieu dans un secteur où la route départementale était très étroite, sa largeur au point d'impact étant de 5,10 mètres ; que cette route faisait l'objet de travaux de restauration, le rechargement en grave de bitume de la chaussée ayant été achevé le 23 juin 2011 et les travaux relatifs au rechargement des bas-côtés ayant été programmés pour la fin du mois de juillet 2011 ; qu'il résulte des procès-verbaux d'audition de M. et MmeB..., ainsi que des déclarations de M. B...le jour-même de l'accident, que celui-ci s'est déporté sur l'accotement droit afin d'éviter un véhicule utilitaire de couleur blanche qui roulait en sens inverse ; qu'il a alors perdu le contrôle de son véhicule en raison de la différence de hauteur, qui n'était pas visible, entre la route et le bas-côté, alors qu'il n'existait pas de signalisation de ce danger ; que si le département de la Côte d'Or conteste ces déclarations, ni le témoignage de M.D..., qui est arrivé sur les lieux 15 minutes après l'accident et se borne à déclarer qu'il n'est pas en mesure de dire s'il a croisé une camionnette sur son trajet, ni la circonstance que la gendarmerie n'a pu retrouver des témoins directs de cet accident ou ce véhicule utilitaire, ni aucun autre élément ne sont de nature à remettre en cause les témoignages concordants des époux B...ainsi recueillis par les gendarmes ; que, contrairement à ce que soutient le département, il résulte en outre de l'instruction et notamment des constatations opérées par les gendarmes qu'à la suite de la première tranche de travaux et dans l'attente de la seconde tranche relative au rechargement du bas-côté, le dénivelé entre la chaussée et le bas-côté était important, M. et Mme B...déclarant que ce dénivelé était de 15 à 20 cm, et leurs déclarations étant corroborées par des témoignages recueillis après l'accident ; que si le département fait valoir que les gendarmes n'ont pas trouvé de trace de dérapage ou de ripage, ces derniers relèvent que le véhicule semble avoir glissé sur le bas-côté constitué alors d'herbes grasses et humides, ces constatations ne remettant pas ainsi en cause les déclarations faites par les épouxB... ; que M. B...et la compagnie Pacifica doivent être ainsi regardés comme apportant la preuve du lien de causalité entre l'existence du dénivelé et les dommages ;
5. Considérant que le département de la Côte d'Or fait valoir que la signalisation mise en place était conforme à la règlementation en vigueur et était adaptée à l'état de l'ouvrage ; que, toutefois, alors que les travaux relatifs au rechargement des bas-côtés devant remédier à l'important dénivelé avec la chaussée n'étaient programmés que pour la fin du mois de juillet 2011 et qu'aucune information spécifique n'a été donnée concernant ce danger, il résulte de l'instruction que la présence, d'une part, d'un seul panneau de type AK14 qui était installé à environ cinq cents mètres du lieu de l'accident et se bornait à signaler l'existence d'un danger sur cette route en cours de réfection sans en préciser la nature et, d'autre part, de piquets de chantier de type K5b situés de part et d'autre de la chaussée mais espacés d'une distance de cent mètres, n'ont pas constitué un dispositif de signalisation suffisant et adapté au risque résultant, même pour un conducteur attentif, de l'important dénivelé affectant spécifiquement l'accotement dans un secteur où la route était très étroite ; qu'aucune disposition de l'arrêté interministériel du 6 novembre 1992 relatif à l'approbation de modifications de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière et portant sur la signalisation temporaire, notamment ses articles 124 relatif à la consistance de la signalisation temporaire et 126 A précisant qu'une limitation de vitesse n'est pas toujours nécessaire au droit d'un point faisant l'objet d'une signalisation, n'ont pour objet ou pour effet de limiter l'obligation qu'avait le département de la Côte d'Or, en sa qualité de maître de l'ouvrage, de prendre toute mesure adaptée au danger que le dénivelé représentait pour les usagers de la route ; que, dans ces conditions, le département de la Côte d'Or n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage ;
6. Considérant que la responsabilité du département de la Côte d'Or est toutefois atténuée par la circonstance que, alors que selon l'enquête de gendarmerie la chaussée était très glissante et grasse et qu'une pluie fine et légère tombait, M.B..., qui roulait selon ses déclarations et celles de son épouse à environ 70 kilomètres par heure, n'a pas apporté à la conduite de son véhicule la prudence qu'appelait l'étroitesse de la route pour effectuer sans danger un croisement avec un véhicule de type utilitaire venant en sens inverse ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera ainsi fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant à la charge du département de la Côte d'Or les trois quarts des conséquences dommageables de cet accident ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne la compagnie Pacifica :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / (...) Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun conformément aux dispositions ci-après, la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s'exerce en priorité à titre amiable. Une convention signée par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale du régime social des indépendants et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole avec les organisations représentatives des assureurs peut définir les modalités de mise en oeuvre de cette procédure. (...) / En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. " ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que, comme l'a jugé le Tribunal, la compagnie Pacifica a versé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, en application d'un protocole d'accord du 24 mai 1983, la somme de 17 724,20 euros au titre des débours de la caisse et la somme de 1 174 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en conséquence de l'accident ; que, compte tenu du partage de responsabilité, le département de la Côte d'Or devra lui verser la somme de 14 173,65 euros ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le département de la Côte d'Or ne conteste pas l'évaluation faite par le Tribunal des dommages pris en charge par la compagnie Pacifica correspondant au véhicule endommagé fixée à 6 400 euros, pour laquelle la compagnie d'assurance est subrogée dans les droits de M.B..., aux frais d'obsèques de Corinne B...fixés à 4 696 euros, pour lesquels elle est subrogée dans les droits de MmeB..., et aux souffrances endurées par M. et Mme B...et leur fils fixés à 100 euros chacun et pour lesquels elle est subrogée dans les droits de ses trois assurés ; que, compte tenu du partage de responsabilité, le département de la Côte devra verser, au titre de ces différents dommages, une somme totale de 8 547 euros ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'en évaluant, les préjudices moraux résultant du décès de CorinneB..., âgée de 15 ans au moment de l'accident, à 15 000 euros pour sa mère, Mme A...B..., 8 000 euros pour son frère Mickaël et 5 000 euros pour Mme F... -B..., sa grand-mère, les premiers juges ne se sont pas livrés à une évaluation excessive de ces préjudices ; que, par suite, compte tenu, d'une part, de ce que la compagnie Pacifica est subrogée dans les droits de Mme A...B..., de Mickaël B...et de Mme C... F... -B..., par application des procès-verbaux de transaction, et, d'autre part, du partage de responsabilité, le département de la Côte d'Or devra verser à la compagnie Pacifica à raison de ces subrogations une somme totale de 21 000 euros ;
En ce qui concerne M.B... :
11. Considérant, en premier lieu, que le Tribunal n'a pas fait une appréciation excessive du préjudice moral subi par M. B...en raison du décès de sa fille en l'évaluant à la somme de 15 000 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité, le département de la Côte d'Or devra verser à ce titre une somme de 11 250 euros ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que le département de la Côte d'Or ne conteste pas les évaluations faites par le Tribunal des dommages subis par M. B...correspondant à la franchise d'assurance du véhicule endommagé restée à sa charge, d'un montant de 300 euros, et aux frais d'obsèques de sa fille restés à sa charge, d'un montant de 3 868 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité, le département de la Côte devra verser, au titre de ces différents dommages, une somme totale de 3 126 euros ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Côte d'Or est seulement fondé à demander que les sommes que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à payer en réparation des préjudices résultant de l'accident survenu le 7 juillet 2011 soient ramenées à 43 720,65 euros en ce qui concerne la compagnie Pacifica et 14 376 euros en ce qui concerne M. B... ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B...et de la compagnie Pacifica une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Côte d'Or qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DECIDE
Article 1er : L'indemnité de 19 168 euros que le département de la Côte d'Or a été condamné à verser à M. E...B...par le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 13 décembre 2012 est ramenée à 14 376 euros.
Article 2 : L'indemnité de 58 294,20 euros que le département de la Côte d'Or a été condamné à verser à la compagnie Pacifica par le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 13 décembre 2012 est ramenée à 43 720,65 euros.
Article 3 : Le jugement du 13 décembre 2012 du Tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Côte-d'Or, à M. E... B..., à la compagnie Pacifica, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 janvier 2014.
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N°13LY00752 2