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17/12/2013 | FRANCE | N°13LY01625

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2013, 13LY01625


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 juin 2013, présentée pour la SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc, dont le siège est Route de Volvic à Enval (63530), représentée par son président directeur général en exercice ;

La SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200549 du 23 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge et à la restitution des sommes de 63 411 euros et 30 617 euros qu'elle a acquittées au ti

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 juin 2013, présentée pour la SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc, dont le siège est Route de Volvic à Enval (63530), représentée par son président directeur général en exercice ;

La SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200549 du 23 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge et à la restitution des sommes de 63 411 euros et 30 617 euros qu'elle a acquittées au titre de la contribution pour une pêche durable pour les périodes respectives du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et du 1er janvier 2011 au 30 juin 2011 ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la contribution pour une pêche durable prévue par l'article 302 bis KF du code général des impôts constitue une aide d'Etat au sens de l'article 87-1 du traité instituant la Communauté européenne, contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'elle n'a pas été déclarée à la commission en violation l'article 88-3 du même traité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'en l'absence de lien contraignant entre la contribution et les aides à la pêche les stipulations du traité instituant la Communauté européenne n'ont pas été méconnues ;

Vu le mémoire enregistré le 13 novembre 2013, présenté pour la SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2013 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, alors applicable, devenu l'article 107 TFUE : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité, alors applicable, devenu l'article 108 TFUE : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (... ) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

2. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis KF du code général des impôts, alors en vigueur, issu de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 du 25 décembre 2007 susvisée : " Les ventes en France métropolitaine à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que telles, de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins, ainsi que de produits alimentaires dont le poids comporte pour plus de 30 % de tels produits de la mer sont soumises à une taxe. / La taxe ne s'applique pas aux huîtres et aux moules. / La liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés au premier alinéa est fixée par arrêté. / La taxe est calculée au taux de 2 % sur le montant hors taxe des ventes des produits visés au premier alinéa. / La taxe est due par les personnes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a excédé le premier des seuils mentionnés au I de l'article 302 septies A. / Le fait générateur et l'exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 modifiée susvisée : " Les ressources et les charges de l'Etat comprennent les ressources et les charges budgétaires ainsi que les ressources et les charges de trésorerie. / Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51. " ; qu'aux termes de l'article 6 de cette loi : " Les ressources et les charges budgétaires de l'Etat sont retracées dans le budget sous forme de recettes et de dépenses. / Le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'Etat. Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. / L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général. / Un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte. " ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi précitée et le quatrième alinéa de l'article 6 de ladite loi ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la contribution pour une pêche durable, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 du 25 décembre 2007 susvisée, applicable à compter du 1er janvier 2008, ni aux différentes prises de position publiques exprimées, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre cette contribution et le " plan d'action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable " mis en oeuvre par les pouvoirs publics, et aucun rapport entre le produit de la contribution et le montant des financements publics consacrés à ce plan ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette dernière date, la contribution pour une pêche durable était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère en charge de la pêche et la dotation inscrite à ce dernier budget servant à financer de telles mesures ; que la contribution pour une pêche durable n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2008, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, et quand bien même elle a été supprimée à compter du 1er janvier 2012, la SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc ne peut invoquer au soutien de ses demandes de restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance, par les autorités françaises, des obligations prévues par la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

5. Considérant, par ailleurs, que les prises de position publiques exprimées par les autorités françaises ne révélant pas en fait un lien d'affectation contraignant entre la contribution pour une pêche durable et le plan d'action pour une telle pêche est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la contribution acquittée au titre des périodes litigieuses le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par les mesures de ce plan aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne ;

6. Considérant, enfin, que sous réserve des garanties prévues pour le contribuable par les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, non invoquées en l'espèce, la position ou le comportement de l'administration avant la procédure contentieuse, lors de l'instruction de la réclamation ou en cours d'instance devant le juge de l'impôt, quelles que soient leurs évolutions ou contradictions éventuelles, ne peuvent faire obstacle à l'application par le juge de l'impôt de la loi fiscale, dans le cadre des moyens soulevés par chacune des parties et de ceux qu'il est tenu de relever d'office ; que les prises de position publiques exprimées par les autorités françaises ne peuvent, dès lors, être utilement invoquées devant le juge au soutien du principe dit de l'estoppel ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Enval Distribution- Envaldis- Centre E. Leclerc et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

Bourrachot, président de chambre,

M. A...et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2013.

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N° 13LY01625

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01625
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : SCP MARVEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-17;13ly01625 ?
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