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17/12/2013 | FRANCE | N°13LY00042

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2013, 13LY00042


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 janvier 2013, présentée pour M. A... C..., domicilié ...;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207433-1207981 du 17 décembre 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 15 octobre 2012, l'obligeant à quitter le territoire français et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, et de celle du 10 décembre 2012 décidant de son

placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 janvier 2013, présentée pour M. A... C..., domicilié ...;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207433-1207981 du 17 décembre 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 15 octobre 2012, l'obligeant à quitter le territoire français et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, et de celle du 10 décembre 2012 décidant de son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ainsi que celles du préfet de l'Ain, du 15 octobre 2012, lui refusant un délai de départ volontaire et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

Il soutient que les décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français durant trois ans, ont été signées par une autorité incompétente, ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision ordonnant son placement en rétention administrative a été signée par une autorité incompétente ; que, disposant d'un domicile stable chez sa mère et d'un passeport en cours de validité, il présentait des garanties de représentation qui rendaient son placement en rétention administrative ni nécessaire, ni proportionnel au but recherché ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2013, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision, du 15 octobre 2012, obligeant M. C...à quitter le territoire français a été signée par une autorité compétente, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision refusant d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision, du 10 décembre 2012, ordonnant le placement de M. C...en rétention administrative a été signée par une autorité compétente ; que, dès lors que M. C...ne présentait pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite, son placement en rétention administrative était justifié ;

Vu les lettres, en date des 11 juillet et 7 novembre 2013, informant les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office des moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Démocratique et Populaire d'Algérie du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2013 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller ;

1. Considérant que M.C..., de nationalité algérienne, né le 1er juillet 1990, est entré en France en 2003 ; qu'à sa majorité, il a bénéficié d'un certificat de résidence valable du 10 juillet 2008 au 9 juillet 2009 ; qu'il a été écroué le 5 juin 2009 ; qu'alors détenu, il a sollicité le 17 juillet 2012 le renouvellement de son certificat de résidence ; que, par décisions du 15 octobre 2012, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire de trois années ; que, par arrêté du 10 décembre 2012, le préfet de l'Ain a placé M. C...en rétention, à sa sortie du centre pénitentiaire ; que, par jugement du 17 décembre 2012, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation des décisions du 15 octobre 2012 l'obligeant à quitter le territoire français et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, et de celle du 10 décembre 2012 décidant de son placement en rétention administrative ; que M. C...relève appel de ce jugement ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du préfet de l'Ain, du 15 octobre 2012 ; qu'ainsi, à la date de la décision d'éloignement contestée du même jour, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

4. Considérant que M. Dominique Lepidi, secrétaire général de la préfecture de l'Ain, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Ain, en date du 14 septembre 2012, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain le 17 septembre suivant, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Ain, sous réserve de certaines exceptions dont ne relèvent pas les décisions prises en matière de police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que M. C...se prévaut de l'ancienneté de son arrivée en France, en 2003, de la présence de ses parents et de sa soeur sur le territoire français et de sa volonté de réinsertion ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a, dès l'âge de quatorze ans, commis des faits de dégradation d'un objet d'utilité publique avec outrage et violence avec arme sur une personne chargée d'une mission de service public qui lui ont valu une première peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis ; qu'entre mars 2008 et juillet 2010, il a fait l'objet de six condamnations à des peines d'emprisonnement pour vol avec destruction ou dégradation, vol aggravé, tentatives de vol, outrage à personne chargée d'une mission de service public et violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; que durant sa détention pénitentiaire, en mai 2011, il a commis des faits de dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes qui lui ont valu une peine d'emprisonnement de huit mois ; qu'eu égard à la gravité des faits dont s'est rendu coupable M.C..., à leur caractère répété, ainsi qu'à son comportement en détention, et au fait que M.C..., qui est célibataire, même s'il fait état, sans plus de précision, de ce qu'il aurait une " petite amie ", n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la décision obligeant M. C...à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Sur les décisions refusant un délai de départ volontaire et désignant le pays de destination :

7. Considérant que si, dans sa requête devant la Cour, M. C...présente des conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 15 octobre 2012, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit, ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Considérant que, si dans son mémoire introductif d'appel, M. C...a soulevé des moyens contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'avait soulevé aucun moyen, en première instance, à l'encontre de cette décision ; que, dès lors, sa demande tendant à l'annulation de cette décision était irrecevable ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

9. Considérant que M. B...D..., responsable du service de l'immigration et de l'intégration à la préfecture de l'Ain, signataire de la décision, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Ain, par arrêté du 10 mai 2011 régulièrement publié le 12 mai suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain, pour signer notamment les décisions ordonnant le placement en rétention administrative d'étrangers faisant l'objet d'une décision d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

11. Considérant que M. C...fait valoir qu'il disposait d'un passeport en cours de validité à la date de la décision en litige, et qu'il disposait d'un domicile chez sa mère, chez laquelle il vivait avant son incarcération, le 5 juin 2009, et où il devait retourner à sa sortie de prison ; que, toutefois il ne disposait pas, ainsi, d'un domicile effectif, fixe et stable ; que, dans ces conditions, il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes pour l'exécution de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; que, par suite, le préfet de l'Ain a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, ordonner son placement en rétention administrative ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé, par les moyens qu'il invoque, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens sont sans objet, aucun dépens n'ayant été exposé, et doivent être également rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Besse et MmeE..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2013.

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N° 13LY00042

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00042
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : BENOIT LALLIARD ET ROUANET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-17;13ly00042 ?
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