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12/12/2013 | FRANCE | N°13LY02020

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2013, 13LY02020


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour Mme A...C...épouseB..., domiciliée ... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301624 du 21 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à l'annulation des décisions du 14 décembre 2012 du préfet de la Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office

à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait ...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour Mme A...C...épouseB..., domiciliée ... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301624 du 21 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à l'annulation des décisions du 14 décembre 2012 du préfet de la Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible ;

- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) à titre principal, et dans l'hypothèse d'une annulation du titre de séjour, d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, dans l'hypothèse où la Cour considérerait que la décision d'annulation du refus de séjour n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour, d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer, le temps de l'instruction, une autorisation provisoire de séjour en vue du réexamen de sa situation ; à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse d'une annulation de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue du réexamen de sa situation jusqu'à ce que l'administration ait à nouveau statué sur son cas ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- le refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que ses deux enfants ne pourront poursuivre leur scolarité en cas de retour dans ce pays ; il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du principe général des droits de la défense figurant parmi les principes généraux du droit de l'Union européenne organisés par les articles 41, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux, faute d'avoir eu la possibilité de présenter ses observations avant qu'une telle mesure ne soit prise à son encontre ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 4 juillet 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B... ;

Vu l'ordonnance du 10 septembre 2013 fixant au 25 octobre 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2013, présenté par le préfet de la Loire, qui déclare s'en remettre à ses écritures de première instance ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme B..., née le 9 avril 1985 à Aratat, de nationalité arménienne, entrée irrégulièrement en France le 4 mars 2011, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants mineurs, nés en 2004 et 2007, a présenté une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a rejeté cette demande par une décision du 25 novembre 2011, confirmée le 28 septembre 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; que par un arrêté du 14 décembre 2012, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel elle serait renvoyée à défaut de se conformer à cette obligation ; que Mme B... fait appel du jugement du 21 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme B... fait valoir que toute sa famille vit en France, et que ni elle ni son époux n'ont plus aucune attache familiale en Arménie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la présence en France, à la date de la décision en litige, de Mme B..., qui y est entrée irrégulièrement, à l'âge de 26 ans, moins de deux ans avant cette décision, était récente à ladite date, et que si son époux et leurs trois enfants, dont le plus jeune est né sur le territoire français le 12 juillet 2012, sont présents en France, ils n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français, dès lors que son époux a fait également l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et nonobstant la circonstance que la requérante s'efforce de s'insérer dans la société française et qu'elle a tissé des relations amicales, la décision refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

4. Considérant, en second lieu, que le moyen, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, déjà soulevé en première instance, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la Cour, d'adopter ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que le moyen, tiré de la méconnaissance du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, déjà soulevé en première instance, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la Cour, d'adopter ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que Mme B... ne peut utilement exciper, au soutient de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

7. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour, les moyens, tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que Mme B... ne peut utilement exciper, au soutient de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que les pièces que produit Mme B..., dont la demande d'asile a au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 1, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 25 novembre 2011, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 28 septembre 2012, et qui sont présentées comme des témoignages émanant, d'une part, d'un officier de police en retraite, certifiant que M. B... disposait d'informations sur un groupe de crime organisé comprenant des policiers, ce qui créait des conditions dangereuses pour lui et sa famille et, d'autre part, de voisins, attestant qu'un des membres de ce groupe leur aurait demandé à plusieurs reprises des nouvelles de la famille de M. B..., sans que ces témoignages, non datés, ne suffisent à établir la réalité des menaces et violences dont la requérante affirme avoir fait l'objet, ne sont pas de nature à établir qu'elle encourrait des risques la visant personnellement en cas de retour en Arménie ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2013.

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N° 13LY02020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02020
Date de la décision : 12/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-12;13ly02020 ?
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