Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 mai 2013, présentée pour Mme D...E..., domiciliée ... ;
Mme E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102356, du 14 mars 2013, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Puy-de-Dôme, du 8 décembre 2011, rejetant la demande de regroupement familial qu'elle avait déposée en faveur de M. C...F..., son fils aîné ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa demande d'admission de son fils au bénéfice du regroupement familial ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure en l'absence de mention de l'avis du maire de la commune de son habitation sur le montant des ressources et les conditions de logement ; que la décision contestée n'est pas motivée sur ce point ; qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a également porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, protégé par la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 30 août 2013, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision en litige manque en fait ; qu'il n'a pas entaché sa décision refus de regroupement familial d'une erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision du 28 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme E...;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et des membres de leur famille ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeE..., ressortissante algérienne née le 7 septembre 1969, installée en France depuis le 16 octobre 2000, en situation régulière depuis 2003, est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'au 3 juin 2014 et mère de trois enfants nés en France respectivement les 20 octobre 2001, 24 janvier 2003 et 31 août 2011, qui vivent à ses côtés sur le territoire français ; qu'elle a présenté une première demande de regroupement familial, le 28 mars 2008, en faveur de deux enfants, M. C...F...et Mlle A...B..., nés en Algérie respectivement les 24 mars 1994 et 14 juin 1997, qui a fait l'objet d'un refus ; qu'elle a déposé une nouvelle demande de regroupement familial au bénéfice de M. C...F..., le 3 août 2011, qui a été rejetée par le préfet du Puy-de-Dôme, par décision du 8 décembre 2011, motif pris de l'insuffisance de ses ressources ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente (...) / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants:/ 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnelle de croissance (...) / Peut être exclu de regroupement familial : (...) 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au titre II du protocole annexé au présent accord. Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. / (...) " ; qu'aux termes du titre II du protocole annexé à cet accord : " (...) Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, que si la situation de Mme E...est régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ce dernier n'a, toutefois, pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'appliquent à tous les étrangers, dès lors que les ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A l'issue des vérifications sur les ressources et le logement, le maire de la commune où doit résider la famille transmet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le dossier accompagné des résultats de ces vérifications et de son avis motivé. En l'absence de réponse du maire à l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article L. 421-3, cet avis est réputé favorable. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-19 du même code : " Dès réception du dossier et de l'avis motivé du maire ou, à défaut d'avis, à l'expiration du délai mentionné à l'article R. 421-18, l'Office français de l'immigration et de l'intégration : 1° Vérifie, le cas échéant, le respect des conditions de ressources et de logement (...) / 3° Transmet le dossier au préfet pour décision. " ;
4. Considérant que la décision de rejet du 8 décembre 2011 de la demande de regroupement familial déposée le 3 août 2011 par Mme E...en faveur de M. C... F..., ressortissant algérien mineur, est régulièrement motivée en droit par le visa de l'accord franco-algérien et en fait par l'indication que ses ressources mensuelles moyennes au cours des douze mois précédant sa demande étant inférieures à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance, elle ne disposait pas, à la date de la décision contestée, de revenus suffisants pour subvenir aux besoins de l'enfant ; que l'absence de mention de l'avis implicite du maire de la commune de résidence de la requérante amené à se prononcer sur sa demande de regroupement familial dans le cadre de la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article R. 421-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avis réputé favorable en l'absence de réponse expresse, et qui, en tout état de cause, ne lie par l'autorité compétente, n'est pas de nature à entacher la décision attaquée ni d'une insuffisance de motivation, ni, en tout état de cause, d'un vice de procédure ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que MmeE..., qui ne conteste pas l'exactitude du motif de la décision attaquée tiré de l'insuffisance de ses ressources, soutient que cette décision a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, toutefois, MmeE..., qui est entrée en France en octobre 2000 et qui réside, depuis cette date, sur le territoire français où sont nés ses trois derniers enfants, n'a sollicité, pour la première fois, le bénéfice de la procédure de regroupement familial pour son fils aîné qu'en 2008 ; qu'elle n'établit pas avoir entretenu avec celui-ci des liens réguliers depuis son installation en France alors que ledit enfant, né en 1994, a toujours vécu en Algérie et y a grandi depuis l'âge de six ans, auprès de la soeur cadette de la requérante et d'autres membres de sa famille demeurés dans son pays d'origine ; qu'à supposer qu'un changement de circonstances survenu en 2011 rendrait plus difficile la prise en charge de l'enfant en Algérie par sa famille, Mme E...ne justifie pas qu'elle disposait, à la date de la décision contestée, de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de son fils en France ; que, compte tenu de ce qui précède, le préfet du Puy-de-Dôme, en refusant à Mme E...le bénéfice du regroupement familial sollicité, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le refus n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de ses parents qui sont titulaires à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où une autorisation de regroupement familial est sollicitée en vue de permettre à un enfant mineur de rejoindre ses parents algériens séjournant en France depuis au moins un an et titulaires d'un titre de séjour d'une durée de validité minimale d'une année, cette autorisation ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès d'autres personnes dans son pays d'origine ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, le préfet peut se fonder, pour rejeter la demande dont il est saisi, sur les motifs énumérés à l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement de ses parents, contraires à son intérêt ;
8. Considérant que si Mme E...fait valoir que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de ses parents titulaires de l'autorité parentale, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'elle détiendrait effectivement l'autorité parentale sur M. C... F... ; qu'en tout état de cause, et comme il a été dit ci-dessus, les ressources mensuelles moyennes de la requérante au cours des douze mois précédant sa demande de regroupement familial, qui s'élevaient à 769 euros bruts, étaient très inférieures à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance de 1 356 euros sur la même période ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, MmeE..., en charge de trois enfants mineurs sur le territoire français, ne disposait pas de revenus suffisants pour assurer dans son intérêt d'enfant mineur la prise en charge de M. F...; que, dans ces conditions, en se fondant sur l'insuffisance de ses ressources pour rejeter sa demande de regroupement familial, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Samson, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 novembre 2013.
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N° 13LY01212
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