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28/11/2013 | FRANCE | N°12LY02986

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2013, 12LY02986


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2012, présentée pour la société Mutex, dont le siège social est situé au 125 avenue de Paris à Chatillon Cedex (92327) ;

La société Mutex demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905555 du 12 octobre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a limité à une somme de 55 396 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2012, l'indemnité que le centre hospitalier d'Annecy doit lui verser en réparation des conséquences dommageables d'une infection nosocomiale contractée par M. D...,

son assuré, au cours de l'ostéosynthèse pratiquée dans cet établissement le 11 septe...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2012, présentée pour la société Mutex, dont le siège social est situé au 125 avenue de Paris à Chatillon Cedex (92327) ;

La société Mutex demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905555 du 12 octobre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a limité à une somme de 55 396 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2012, l'indemnité que le centre hospitalier d'Annecy doit lui verser en réparation des conséquences dommageables d'une infection nosocomiale contractée par M. D..., son assuré, au cours de l'ostéosynthèse pratiquée dans cet établissement le 11 septembre 2002 ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Annecy à lui verser une indemnité d'un montant total de 231 175,91 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Annecy une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

La société Mutex soutient que :

- elle vient aux droits de l'UNPMF et est subrogée dans les droits de M.D..., son assuré, en vertu de l'article L. 131-2 du code des assurances ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'incapacité temporaire de travail pour la période antérieure au 1er février 2003 est imputable à l'infection nosocomiale, cette infection ayant été constatée dès le 5 octobre 2002 et les indemnités journalières qu'elle a versées au titre de cette période doivent lui être remboursées ;

- pour la période postérieure à la consolidation fixée au 27 février 2006, elle a versé une rente d'invalidité partielle, dont le montant est fonction du taux d'invalidité, la circonstance que M. D...ne pouvait reprendre une activité étant ainsi sans incidence ; une nouvelle expertise réalisée dans le cadre d'un arbitrage avec M. D...a constaté que ce dernier avait un taux d'incapacité fonctionnelle de 20 %, un taux d'incapacité professionnelle de 100 %, représentant un taux d'incapacité permanente de 34,20 % ; en conséquence, les arrérages de rente d'invalidité qu'elle a servie à M. D...après consolidation doivent lui être remboursés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2013, présenté pour le centre hospitalier d'Annecy, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la période d'incapacité comprise entre le 11 septembre 2002 et le 31 janvier 2003 est liée à la prise en charge de la fracture et à son état initial et ne peut être imputée à l'infection nosocomiale ;

- concernant la rente d'invalidité pour la période postérieure à la consolidation, l'expertise réalisée par la société d'assurance n'a jamais été soumise au contradictoire et ne peut lui être opposée, le taux d'incapacité professionnelle est en totale contradiction avec les conclusions de l'expertise ordonnée par la CRCI mentionnant que M. D...pouvait reprendre son activité professionnelle à la condition de ne pas faire d'efforts physiques trop importants avec son membre supérieur droit et qu'il avait un déficit fonctionnel permanent de 5 %, et la société n'apporte pas d'éléments justifiant que cette rente d'invalidité versée était en lien direct avec la maladie nosocomiale ;

- si la Cour entend prendre en compte l'expertise produite par la société, il y aurait lieu d'organiser une nouvelle expertise limitée à la question de la rente d'invalidité compte tenu des conclusions différentes des deux experts ;

Vu l'ordonnance en date du 22 juillet 2013 fixant la clôture d'instruction au 14 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Vu l'arrêté du 3 décembre 2012 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'une chute survenue le 10 septembre 2002, M. B... D..., né le 27 juillet 1957, a été admis au service des urgences du centre hospitalier d'Annecy où il a bénéficié d'une ostéosynthèse pratiquée le lendemain ; que le 5 octobre 2002, en raison de l'instabilité de l'ostéosynthèse et d'une rougeur au niveau de la cicatrice, il a été procédé à une nouvelle intervention, les prélèvements réalisés à cette occasion révélant la présence de staphylocoques dorés ; que la société Mutex relève appel du jugement du 12 octobre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble, après avoir estimé que cette infection était nosocomiale et engageait ainsi la responsabilité du centre hospitalier d'Annecy, a limité l'indemnité que doit lui verser ce centre hospitalier à raison de cette infection nosocomiale, à une somme de 55 396 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2012 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi susvisée du 5 juillet 1985 : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage " ; qu'aux termes de l'article 29 de cette même loi dans sa version issue de la loi susvisée du 8 août 1994 : " Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : (...) 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances " ; qu'aux termes de l'article 30 de cette même loi : " Les recours mentionnés à l'article 29 ont un caractère subrogatoire "; qu'aux termes de l'article 31 de ce texte : " Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : " Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre./ Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants-droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions combinées que les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité ainsi que les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances ouvrent droit à un recours subrogatoire, par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou à son assureur ; qu'ainsi, et alors même que les sommes versées par ces organismes, en particulier celles versées à titre d'indemnités journalières et de prestations d'invalidité, sont définies à l'avance, elles doivent donner lieu à remboursement par la personne tenue à réparation ou son assureur, dès lors qu'elles s'analysent précisément comme des indemnités journalières ou des prestations d'invalidité au sens des dispositions précitées de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et que leur paiement est directement en lien avec l'accident subi par la victime d'un dommage résultant d'atteintes à sa personne ; que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exerçant poste par poste, les sommes qui ouvrent droit à un recours subrogatoire doivent faire l'objet d'une répartition entre ces différents postes ;

5. Considérant, d'autre part, que la nature et l'étendue des préjudices incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par une compagnie d'assurance mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par l'assureur subrogé, lequel ne peut détenir plus de droits que la victime, à titre d'indemnité, de provision ou d'intérêts ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. D...a souscrit un contrat d'assurance facultative dénommée " Promultis ", avec effet au 29 mai 1997, auprès de la Fédération Nationale de la Mutualité Française, devenue Union Nationale de la Prévoyance de la Mutualité Française (U.N.P.M.A...), laquelle Union a apporté une partie de son portefeuille, comprenant notamment ce contrat, à la société anonyme Mutex ; que, dans le cadre de ce contrat, M. D...a notamment souscrit, outre la garantie indemnités journalières dite garantie E prévoyant le versement temporaire de telles indemnités en cas d'incapacité temporaire totale d'exercer une activité professionnelle à la suite d'une maladie ou d'un accident médicalement constaté, la garantie incapacité permanente totale ou partielle dite garantie F prévoyant le versement d'une rente en cas d'incapacité permanente totale ou partielle, et quelle qu'en soit la cause ; que la société Mutex soutient que, dans le cadre de son recours subrogatoire, le centre hospitalier d'Annecy doit l'indemniser des indemnités journalières versées à M. D...au titre de la période antérieure au 1er février 2003 et de la rente d'invalidité versée et à verser à ce dernier depuis la date de consolidation ;

En ce qui concerne les indemnités journalières relatives à la période antérieure au 1er février 2003 :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des expertises ordonnées par la commission régionale de conciliation des indemnisations des accidents médicaux Rhône-Alpes qu'en l'absence d'infection nosocomiale et de toute complication, l'intervention chirurgicale dont a fait l'objet M. D...le 11 septembre 2002 aurait entraîné une incapacité temporaire jusqu'au début du mois de février 2003, la prolongation de cette incapacité temporaire depuis cette date et jusqu'à sa consolidation, le 27 février 2006, étant quant à elle en relation avec l'infection nosocomiale ; qu'ainsi, compte tenu de cette période d'incapacité temporaire qui se serait en tout état de cause écoulée, et contrairement à ce que soutient la requérante qui n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation de l'expert sur ce point, les indemnités journalières versées par la société Mutex au titre de la période antérieure au 1er février 2003 ne sauraient être regardées comme étant certainement imputables à l'infection nosocomiale dont a été victime M.D... ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que la société Mutex ne pouvait être indemnisée que des indemnités journalières versées par cette société à M. D...relatives à la période du 1er février 2003 au 27 février 2006, date de consolidation ;

En ce qui concerne la rente d'invalidité versée après la date de consolidation :

8. Considérant que la société requérante, qui se borne à faire état de ce qu'elle a droit à être indemnisée des rentes versées, selon elle, conformément aux stipulations du contrat " Promultis " souscrit par M.D..., ne soutient pas que ce dernier aurait été atteint d'une incapacité de nature à faire obstacle à la poursuite d'une activité professionnelle dans les mêmes conditions de rémunération qu'avant son accident et qu'il aurait ainsi subi une perte de revenus imputable à l'infection qui aurait dû être indemnisée par le centre hospitalier ; que, dès lors, la société Mutex, qui est subrogée dans les droits de son assuré, ne peut solliciter la condamnation du centre hospitalier d'Annecy à réparer un préjudice correspondant à une perte de revenus alors même qu'elle verse à son assuré, en raison de son invalidité, une rente ayant pour but la compensation de pertes de revenus ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Mutex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à mettre à la charge du centre hospitalier d'Annecy les entiers dépens, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Mutex est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mutex, à M. B... D..., au Régime social des Indépendants des Alpes, au Régime social des Indépendants Mutuelle Existence et au centre hospitalier d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. Segado etC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2013.

Le rapporteur,

J. Segado

Le président,

Ph. Seillet

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 12LY02986

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02986
Date de la décision : 28/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MARCOTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-28;12ly02986 ?
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