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26/11/2013 | FRANCE | N°13LY01019

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2013, 13LY01019


Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils, dont le siège social est situé au lieu-dit La Renevallière à Vinay (38470) ;

La SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802796 du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des majorations de 40 % pour manquement délibéré et des intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assu

jettie pour la période du 1er janvier 2004 au 31 octobre 2006 ;

2°) de la décharg...

Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils, dont le siège social est situé au lieu-dit La Renevallière à Vinay (38470) ;

La SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802796 du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des majorations de 40 % pour manquement délibéré et des intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2004 au 31 octobre 2006 ;

2°) de la décharger desdites majorations et intérêts de retard ou, à tout le moins, de les diminuer en tenant compte du retard annuel moyen de paiement des marchés publics qu'elle a exécutés ;

Elle soutient que la situation de sa trésorerie, au moment du contrôle, était fragile, notamment du fait des retards de paiement dans les marchés publics qu'elle avait exécutés ; qu'ainsi, les retards de paiement n'étaient pas dus à un manquement délibéré mais à des contraintes financières ; qu'elle peut se prévaloir de la doctrine administrative 13 J 45 du 10 août 1998, qui retient la prise en compte des retards de paiement de l'Etat ; qu'il y aurait lieu, à tout le moins, de réduire les pénalités à proportion des droits diminués du retard de paiement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la société ne peut utilement invoquer des difficultés de trésorerie ou des retards de paiement de l'Etat pour justifier de manquements à des obligations fiscales ; qu'elle aurait eu au demeurant la possibilité de souscrire des déclarations sincères en sollicitant des délais de règlement ; qu'il n'est pas établi que la société aurait ultérieurement honoré ses dettes, alors que figuraient au passif des bilans de la période vérifiée des dettes correspondant à de la taxe collectée et non déclarée, atteintes par la prescription ; que la doctrine administrative 13 J 45 ne comporte aucune disposition utile au présent litige ; que la requérante ne soulève aucun moyen utile pour contester les intérêts de retard mis à sa charge ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2013, présenté pour la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2013 :

- le rapport de M. Besse, conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben-Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils, qui a pour objet la réalisation de travaux de maçonnerie générale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge, assortis des majorations de 40% prévues à l'article 1729 du code général des impôts et des intérêts de retard ; qu'elle relève appel du jugement du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des majorations et intérêts ;

Sur l'application de la loi fiscale :

En ce qui concerne les majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ; que, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt :

4. Considérant que lorsque le comportement du contribuable vise, au moment de sa déclaration, à différer volontairement et de manière réitérée le paiement de l'impôt dû, l'administration doit être regardée comme caractérisant le caractère intentionnel du contribuable de se soustraire à ses obligations fiscales ; qu'une telle pratique a nécessairement pour effet d'éluder l'impôt et entre ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a assorti de la majoration de 40% prévue par les dispositions précitées les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui résultaient d'un défaut de déclaration de la taxe collectée sur des recettes encaissées, d'un défaut de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée sur la cession d'un terrain à bâtir, d'un défaut de déclaration de taxe afférente à des prestations non facturées, suite à une compensation comptable entre ces prestations et d'autres réalisées par une société dont la SARL était à la fois le fournisseur et le client, d'une déduction à tort de la taxe afférente à des charges injustifiées, et de la déduction anticipée d'une partie de la taxe déductible ; que, pour justifier lesdites omissions, la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils ne peut utilement se prévaloir de difficultés de trésorerie, alors même qu'elles trouveraient leur source dans des retards de paiement dans le cadre de l'exécution de marchés publics, situation qui ne pouvait justifier qu'une demande de sursis de paiement au Trésor public ; que, compte tenu de l'importance et du caractère répété des insuffisances de déclaration, que la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils n'ignorait pas, ainsi qu'elle le reconnaît, l'administration établit l'intention délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt, justifiant l'application des majorations litigieuses ;

En ce qui concerne les intérêts de retard :

6. Considérant que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales ; que, dès lors que la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils ne conteste pas le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, elle n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard, qui ne constituent pas une sanction ;

Sur la doctrine :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable en l'espèce : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ;

8. Considérant que la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées, de la doctrine administrative 13 J 45 du 10 août 1998, qui prévoit la possibilité d'une suspension du contrôle fiscal pour les petites et moyennes entreprises confrontées à des retards de paiement de l'Etat dans le cadre de l'exécution des marchés publics ; que, toutefois, la situation de la requérante ne rentre pas dans le champ d'application de cette doctrine, qui n'est au demeurant pas relative aux pénalités fiscales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Entreprise Bruno Arrigoni et Fils et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2013.

Le rapporteur,

T. BesseLe président,

F. Bourrachot

Le greffier,

M.-T. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 13LY01019

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01019
Date de la décision : 26/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : CABINET FOLLET ET RIVOIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-26;13ly01019 ?
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