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26/11/2013 | FRANCE | N°13LY00099

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2013, 13LY00099


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C...A..., domiciliée ..., par Me B...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103869 et 1204613 du 12 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2012 du préfet de l'Isère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour e

xcès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer ...

Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C...A..., domiciliée ..., par Me B...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103869 et 1204613 du 12 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2012 du préfet de l'Isère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à défaut, sous les mêmes conditions, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de lui notifier une nouvelle décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Mme A...soutient que :

- le préfet de l'Isère ne lui a pas délivré l'information quant à ses droits et obligations dans une langue qu'elle comprend ;

- le Tribunal ne pouvait écarter le moyen tiré de la violation des dispositions de la directive 2005/85CE du 1er décembre 2005 qui imposent d'informer le demandeur d'asile de ses droits et obligations dans une langue qu'il est censé comprendre au motif que ce moyen n'était pas assorti de précision suffisante dès lors que la seule référence à la violation de cette obligation par rapport à la directive 2005/85 CE constitue une précision suffisante et qu'elle a développé ce moyen avec suffisamment de précision pour permettre au Tribunal de l'apprécier ;

- le Tribunal a, à tort, écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour du 26 janvier 2012 alors que le préfet, qui ne se trouvait pas en situation de compétence liée, n'a fait état d'aucun autre élément que celui de sa nationalité pour rejeter sa demande et n'a pas procédé à un examen individualisé de sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2013, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet de l'Isère soutient que :

- Mme A...formant un recours juridictionnel en des termes strictement identiques à ceux exposés en première instance, il s'en remet à ses écritures présentées devant le Tribunal ;

- le moyen tiré du défaut de remise du document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, prévu par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 juin 2013, présenté pour Mme A...qui maintient ses conclusions précédentes ;

Mme A...soutient que :

- son appel est recevable ;

- même si la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le 22 octobre 2012 le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, elle est recevable à invoquer l'exception d'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour qui lui a été opposé et les vices de procédures affectant l'arrêté de refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;

- elle s'est vue notifier le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français alors que sa demande d'asile était toujours en cours ;

- l'arrêté du préfet de l'Isère lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte-tenu des conséquences qu'elles entraînent sur sa situation personnelle et familiale ;

Vu la décision du 20 mars 2013 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon admettant MmeA... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 9 octobre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 17 octobre 2013 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la lettre du 9 octobre 2013, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Samson, conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., de nationalité macédonienne, entrée en France selon ses déclarations le 16 décembre 2010, a sollicité le 21 décembre suivant son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 14 juin 2011, le préfet de l'Isère a refusé l'admission au séjour de l'intéressée et décidé sa remise aux autorités allemandes en charge de l'examen de sa demande d'asile puis, par décision du 26 janvier 2012, refusé d'admettre Mme A...au séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 741-4 du code précité au motif que le pays dont Mme A...a la nationalité est considéré comme un pays d'origine sûr ; que la demande d'admission au bénéfice de l'asile présentée par Mme A...le 23 février 2012 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 13 mars 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2012 ; que par arrêté du 19 juin 2012, le préfet de l'Isère a refusé l'admission au séjour à Mme A...sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Macédoine ou tout autre pays dans lequel l'intéressée serait légalement admissible comme pays de destination de cet éloignement ; que Mme A...relève appel du jugement du 12 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du 26 janvier 2012 :

2. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision contestée du 19 juin 2012 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, Mme A...excipe de l'illégalité de la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, que Mme A... a accusé réception le 1er février 2012 de cette décision qui comportait la mention des voies et délais de recours ; que faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux, cette décision a acquis, le 24 août 2012, date d'enregistrement de la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Grenoble en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêté contesté du 19 juin 2012, un caractère définitif ; que dès lors, Mme A...n'est pas recevable à exciper de son illégalité ;

Sur la légalité de l'arrêté du 19 juin 2012 :

3. Considérant qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;

4. Considérant que ces dispositions ont été adoptées pour assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, lesquels précisent que les informations en cause sont communiquées aux demandeurs d'asile " à temps " pour leur permettre d'exercer leurs droits et de se conformer aux obligations qui leur sont imposées par les autorités en vue du traitement de leur demande ;

5. Considérant qu'eu égard à l'objet de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoit l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; qu'en revanche, il ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; qu'il suit de là que Mme A...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision du 19 juin 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, de la méconnaissance par le préfet de l'Isère des dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 transposé à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s 'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions et de celles de l'article L. 741-4 du même code, d'une part, que l'étranger dont la demande d'asile entre dans l'un des cas mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, d'autre part, qu'un recours formé par l'intéressé contre une éventuelle décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne présente pas un caractère suspensif ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A...a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour le 26 janvier 2012 au titre du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié par décision du 13 mars 2012 ; que, par suite, le préfet de l'Isère a pu, à bon droit, prendre à l'encontre de Mme A...une décision de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 19 juin 2012 alors même que la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas, à cette date, statué sur le recours formé par l'intéressée contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que si Mme A...fait valoir que l'ensemble de ses attaches familiales se trouvent en France, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans charge de famille sur le territoire ; que compte-tenu des conditions de l'entrée en France de Mme A...et de la brièveté de son séjour, et en l'absence de circonstances faisant obstacle à son éloignement du territoire, l'arrêté édicté à son encontre n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, la décision du préfet de l'Isère ne saurait être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

10. Considérant que si en application des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ", doit être regardé comme un enfant en application de l'article premier de cette convention " tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable " ; que dès lors la méconnaissance des stipulations de ladite convention ne peut être invoquée, à l'appui de la demande de MmeA..., majeure, au sens de la convention, à la date de la décision contestée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Samson, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 novembre 2013.

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N° 13LY00099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00099
Date de la décision : 26/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : J. BORGES et M. ZAIEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-26;13ly00099 ?
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