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07/11/2013 | FRANCE | N°13LY01166

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 13LY01166


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. A...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207589 du 6 février 2013 par lequel le Tribunal Administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2012 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays de destination le pays dont il a la nationalité, le Kosovo, ou tout pays pour leq

uel il établirait être légalement admissible ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. A...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207589 du 6 février 2013 par lequel le Tribunal Administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2012 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays de destination le pays dont il a la nationalité, le Kosovo, ou tout pays pour lequel il établirait être légalement admissible ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut et sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient :

- que la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; qu'il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, section administrative d'appel, en date du 20 mars 2013, accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M.B... ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Ain qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013, le rapport de M. Meillier, conseiller ;

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant kosovar né le 4 mars 1982, est entré en France le 18 décembre 2009 ; qu'il a sollicité en janvier 2010 son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 juillet 2010, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mars 2012 ; qu'il a sollicité le 13 avril 2012 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 20 juillet 2012, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays de destination le pays dont il a la nationalité, le Kosovo, ou tout pays pour lequel il établirait être légalement admissible ; que, par jugement du 6 février 2013, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. B...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 20 juillet 2012 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...présente, d'une part, un état de stress post-traumatique et un syndrome anxio-dépressif secondaire et, d'autre part, des épistaxis bilatérales ; qu'il fait actuellement l'objet d'un suivi psychiatrique ; qu'il n'est pas contesté que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, le médecin de l'agence régionale de santé, saisi par le préfet de l'Ain, a estimé, dans un avis émis le 4 juillet 2012, qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine et qu'il peut voyager sans risque vers ce pays ; qu'eu égard à leur caractère peu circonstancié, ou au contraire nuancé, les certificats médicaux des docteurs Chalumeau et Moussa qu'il produit ne permettent pas d'établir l'absence de prise en charge psychiatrique et psychologique appropriée au Kosovo ; que, si M. B...soutient que ses épistaxis sont susceptibles de caractériser une maladie de Rendu-Osler, laquelle ne pourrait être soignée au Kosovo, ni l'attestation de la clinique hématologique de Pristina, évoquant sans plus de précisions un " diagnostic Rendu-Osler ", ni le certificat du docteur Chalumeau émettant " toutes réserves concernant le diagnostic potentiel de maladie Rendu-Osler " ne permettent d'établir qu'il est effectivement atteint par cette maladie ; que ses épistaxis ont d'ailleurs été, par le passé, prises en charge au Kosovo ; qu'en l'absence de tout élément de nature à établir la réalité des évènements qu'il affirme avoir vécus au Kososo, le lien entre le traumatisme qu'il a subi et son pays d'origine et, par suite, l'impossibilité de prendre en charge efficacement son affection psychiatrique au Kosovo, ne sont pas établis ; qu'il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France en décembre 2009, soit à l'âge de vingt sept ans et deux ans et sept mois avant l'édiction de l'arrêté attaqué ; que sa demande d'asile a été rejetée ; que son épouse n'est entrée en France qu'en décembre 2010 et est dépourvue de titre de séjour ; que le couple n'a pas d'enfant ; que, si sa soeur se trouve en situation régulière sur le territoire français, elle n'est titulaire que d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", délivrée en raison de son état de santé ; qu'ainsi qu'il a été dit, M. B...peut être soigné au Kosovo ; que s'il soutient être aujourd'hui menacé par la famille de son épouse et être rejeté par sa propre famille en raison des tensions existant entre ces deux familles, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations et ne démontre pas, par suite, ne pas pouvoir mener une vie privée et familiale normale au Kosovo, son pays d'origine ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté attaqué, quand bien même il implique le départ de M. B...à destination du Kosovo, n'a pas porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes raisons, l'arrêté attaqué n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. B...;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

8. Considérant que, si M. B...soutient qu'il a rencontré en 2001 puis épousé en 2009 une femme dont le cousin aurait grièvement blessé le père de sa cousine, que sa propre famille projette de mener une vendetta contre la famille de son épouse, qu'en raison de l'hostilité entre leurs deux familles il n'a pu vivre avec son épouse au Kosovo et a dû fuir ce pays et qu'il est aujourd'hui menacé par les membres de la famille de son épouse, lesquels n'ont jamais accepté cette union, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et la gravité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il ne justifie d'ailleurs pas ne pas pouvoir être protégé par les autorités kosovares ; qu'au surplus, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, opérant à l'encontre de la seule décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, verse à la M. B... la somme que ce dernier réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.

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N° 13LY01166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01166
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : BELINGA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-07;13ly01166 ?
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