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07/11/2013 | FRANCE | N°13LY00901

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 13LY00901


Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour la société Boucherie Gauthier, dont le siège est 30 avenue Jean Jaurès à Dijon (21000) ;

La société Boucherie Gauthier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 1200128 du 13 décembre 2012 en tant qu'il a limité à la somme de 8 000 euros l'indemnité que la communauté d'agglomération de Dijon (COMADI) a été condamnée à lui verser en réparation de son préjudice ;

2°) de condamner la COMADI à lui verser la somme de 82 132,04 euros ;

3°) d

e mettre à la charge de la COMADI la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée et une s...

Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour la société Boucherie Gauthier, dont le siège est 30 avenue Jean Jaurès à Dijon (21000) ;

La société Boucherie Gauthier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 1200128 du 13 décembre 2012 en tant qu'il a limité à la somme de 8 000 euros l'indemnité que la communauté d'agglomération de Dijon (COMADI) a été condamnée à lui verser en réparation de son préjudice ;

2°) de condamner la COMADI à lui verser la somme de 82 132,04 euros ;

3°) de mettre à la charge de la COMADI la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée et une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle avait conclu une transaction avec la COMADI au titre du premier trimestre 2011 ;

- qu'en ce qui concerne la période du 1er avril au 22 mai 2011, les premiers juges n'ont pas correctement évalué son préjudice commercial dès lors qu'ils ont, d'une part, intégré à tort l'année 2010 dans la période de référence pour évaluer la perte de chiffre d'affaires et, d'autre part, estimé qu'elle n'avait subi aucune diminution de sa marge commerciale ;

- que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la fermeture du magasin du 23 mai au 3 septembre 2011 n'est pas susceptible d'exonérer la COMADI de sa responsabilité dès lors que les travaux se sont poursuivis jusqu'au 30 avril 2012 et que cette décision ne procède pas d'un choix de gestion, mais a été rendue nécessaire pour limiter les pertes de l'entreprise liées aux difficultés d'accès ;

- que la baisse de chiffre d'affaires de 9 % est liée au fait que la période de référence pour évaluer la baisse d'activité comprend à tort l'année 2010, alors que dès les premiers mois de cette année-là elle était déjà affectée par les travaux préparatoires à la réalisation de la ligne du tramway ;

- que pour la période du 1er trimestre 2011, son préjudice commercial a été évalué par l'expert comptable à 20 126,55 euros, résultant de la diminution de son chiffre d'affaires et d'une baisse de son taux de marge commerciale de 9,34 % ;

- que pour la période du 1er avril au 31 mai 2011, compte tenu de la fermeture du magasin le 22 mai, son préjudice commercial s'élève à 15 810,44 euros ;

- que pour la période du 1er juin au 30 avril 2012, le préjudice peut être évalué à 46 195,05 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2013, présenté par la communauté d'agglomération de Dijon (COMADI) qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation du jugement ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Boucherie Gauthier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la demande de la société requérante était irrecevable en ce qui concerne la période du 5 janvier 2011 au 31 mars 2011 dès lors qu'elle a signé la transaction par laquelle, en échange du versement de la somme de 9 274 euros, elle a renoncé à exercer tout recours concernant les dommages économiques qu'elle a subis en conséquence des travaux relatifs à la réalisation de la ligne A du tramway ; que cet acte n'est pas privé de sa force exécutoire au motif que la requérante ne l'a pas notifié à l'autre partie et que celle-ci n'a pas pu en conséquence s'acquitter du versement de la somme mentionnée dans ledit acte ;

- que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à la société requérante une indemnité de 8 000 euros pour la période du 1er avril au 21 mai 2011 dès lors qu'aucune perte de marge commerciale n'a été constatée au cours de cette période et que la baisse de chiffre d'affaires constatée s'inscrivait dans la tendance à la diminution enregistrée depuis plusieurs année ;

- que contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'est pas établi que les travaux préparatoires à la réalisation de la ligne de tramway auraient commencé avant le mois d'octobre 2010 et que ces travaux auraient eu des incidences sur son chiffre d'affaires dès le début de l'année 2010 ;

- que pour la période postérieure au 22 mai 2011, la société requérante, qui ne produit aucun document comptable, n'établit pas l'existence d'un préjudice ; qu'au demeurant, elle ne peut prétendre à aucune indemnité dès lors qu'elle a décidé d'elle-même la fermeture de son magasin ;

- que sur la période du 1er avril au 31 mai 2011, les données sur lesquelles se fondent la société requérante ne correspondent pas à l'évolution réelle de son chiffre d'affaires et de sa marge bénéficiaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2013, présenté pour la société Boucherie Gauthier, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que l'employé de la boucherie a donné sa démission eu égard à la situation provoquée par les travaux, ce qui corrobore la thèse selon laquelle la fermeture du magasin à compter du 22 mai 2011 présentait pour elle un caractère indispensable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Brey, avocat de la société Boucherie Gauthier et de Me Bosquet, avocat de la communauté d'agglomération de Dijon ;

1. Considérant qu'à compter du mois d'octobre 2010, la communauté d'agglomération de Dijon (COMADI) a fait exécuter des travaux de construction d'une ligne de tramway ; que la société Boucherie Gauthier, qui exploite un commerce de boucherie charcuterie 30 avenue Jean Jaurès à Dijon, fait appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à 8 000 euros l'indemnité qu'il a condamné la COMADI à lui verser en réparation du préjudice qu'elle impute à la réalisation de ces travaux ; que, par la voie de l'appel incident, la COMADI demande l'annulation de ce même jugement ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une transaction :

2. Considérant que, selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; qu'en vertu de l'article 2052 du même code un tel contrat a entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ;

3. Considérant que devant le tribunal administratif, la société Boucherie Gauthier a produit un acte intitulé " convention d'indemnisation " comportant la signature de son gérant ainsi que celle du président de la COMADI ; que, selon l'article 2 de cette convention, les parties ont entendu conclure une transaction ayant " pour objet de couvrir les dommages économiques subis, pendant la période du 5 janvier aux 31 mars 2011, du fait de travaux ayant un lien direct avec les travaux de réalisation de la ligne A du tramway de l'agglomération dijonnaise. Ces dommages sont caractérisés, eu égard à la situation et à la nature de l'activité de l'EURL Boucherie Charcuterie Gauthier par une perturbation de son activité " ; que l'article 3 de cette convention stipule qu'il est convenu entre les parties de fixer le montant de l'indemnité devant être versée à l'EURL Boucherie Charcuterie Gauthier à la somme de 9 274 euros et que son article 5 prévoit que : " Les parties conviennent que la présente convention est conclue sous la condition résolutoire que l'EURL Boucherie Charcuterie Gauthier (...) renonce à tout recours ultérieur à l'encontre de la communauté de l'agglomération dijonnaise portant sur les mêmes faits et périodes et ayant le même objet. " ; que d'après son article 4 : " La présente convention entrera en vigueur dès sa signature par les deux parties. " ;

4. Considérant qu'alors même que ladite convention, signée par les deux parties, n'aurait pas été retournée par la société Boucherie Gauthier à la COMADI et que cette dernière n'aurait pas pu, en conséquence, lui verser l'indemnité prévue par cet acte, ses conclusions tendant à la condamnation de la COMADI à réparer son préjudice commercial au titre de la période du 5 janvier au 31 mars 2011, résultant de l'exécution des travaux de construction de la ligne A du tramway de l'agglomération dijonnaise, sont irrecevables dès lors que, ainsi qu'il a été rappelé, ladite transaction est entrée en vigueur dès sa signature par les deux parties ;

Sur la responsabilité de la COMADI :

5. Considérant qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

En ce qui concerne la période des mois d'avril et mai 2011 :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de construction de la ligne A du tramway de l'agglomération dijonnaise réalisés pendant les mois d'avril et mai 2011 sont à l'origine de difficultés d'accès et de nuisances ayant entraîné une diminution importante, d'environ 40 %, du chiffre d'affaires du magasin exploité par la société requérante au 30 avenue Jean Jaurès à Dijon ; qu'eu égard à l'ampleur de leurs conséquences, ces travaux excèdent les sujétions que les riverains de la voie publique sont normalement tenus de supporter et engagent la responsabilité de la COMADI en sa qualité de maître d'ouvrage à l'égard de la société Boucherie Gauthier, tiers par rapport à ces travaux ;

7. Considérant qu'eu égard à la diminution du chiffre d'affaires des mois d'avril et mai 2011 par rapport aux mêmes mois des trois exercices précédents, et compte tenu de la perte de bénéfice net, les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante du préjudice de la société requérante en l'évaluant à la somme de 8 000 euros ;

En ce qui concerne la période du 1er juin 2011 au 30 avril 2012 :

8. Considérant qu'il est constant qu'à compter du 23 mai 2011 et jusqu'à l'achèvement des travaux dont s'agit, la société requérante a décidé de fermer le magasin qu'elle exploite ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation des travaux durant la période concernée aurait fait obstacle à la poursuite de l'exploitation de ce magasin, dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas été accessible à la clientèle ; que, dès lors, la COMADI ne peut être regardée comme responsable des conséquences de la décision de fermer ce commerce ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Boucherie Gauthier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a limité à 8 000 euros l'indemnité qui lui est due par la COMADI et que celle-ci n'est pas fondée à contester le principe de cette condamnation ; que, par voie de conséquence, doit être laissée à la charge de la société Boucherie Gauthier la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée et que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la COMADI tendant à l'application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Boucherie Gauthier et les conclusions de la COMADI sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Boucherie Gauthier et à la communauté d'agglomération de Dijon.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.

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N° 13LY00901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00901
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET CHATON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-07;13ly00901 ?
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