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07/11/2013 | FRANCE | N°12LY02627

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 12LY02627


Vu la requête, enregistrée le 15 octobre 2012 au greffe de la Cour, présentée pour la société Editions de l'Armançon, dont le siège est situé 24 rue de l'Hôtel de Ville à Precy-sur-Thil (21390) ;

La société Editions de l'Armançon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101631 du 17 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2006, 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer la

décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la ch...

Vu la requête, enregistrée le 15 octobre 2012 au greffe de la Cour, présentée pour la société Editions de l'Armançon, dont le siège est situé 24 rue de l'Hôtel de Ville à Precy-sur-Thil (21390) ;

La société Editions de l'Armançon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101631 du 17 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2006, 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement contesté n'a pas répondu à son argument selon lequel le délai de prescription des droits d'auteur ne saurait avoir été mis en place et décompté du chef des auteurs ;

- la prescription de dix ans prévue par les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce n'est pas applicable aux droits d'auteur, d'une part, parce que la prescription applicable est celle qui résulte des dispositions de l'article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle et, d'autre part, parce que le contrat d'exploitation de ces biens ne revêt pas un caractère commercial, l'une des parties n'étant pas un commerçant ;

- la prescription relative aux droits d'auteur non réglés qui figurent au passif de ses bilans n'a pas commencé à courir dès lors que ces dettes ne sont pas nées puisque les auteurs n'ont jamais émis de factures ;

- c'est à bon droit qu'elle a maintenu les droits d'auteur non réglés au passif de ses bilans dès lors que le droit de poursuite des auteurs à son égard peut s'exercer sans risquer une quelconque prescription quelle que soit l'ancienneté de leurs créances ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le Tribunal s'est prononcé sur les notions de prescription et la date à laquelle la prescription commençait à courir ;

- il y a lieu de distinguer entre la prescription prévue par le code de la propriété intellectuelle pour protéger le droit des auteurs sur leurs oeuvres et dont ils peuvent se prévaloir et la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4-1 du code de commerce liée à l'exploitation de ces droits d'auteurs ; qu'en l'espèce, il existe une obligation à caractère commercial entre la société d'édition qui est un commerçant et les auteurs qui ne sont pas commerçants et cette obligation se prescrit, en application des dispositions de l'article L. 110-4-1 du code de commerce, dans le délai de dix ans ;

- la requérante ne peut soutenir qu'en comptabilisant spontanément sa dette alors qu'elle n'y était pas tenue en l'absence de demande des auteurs pour obtenir le versement effectif de leurs droits, elle aurait interrompu la prescription ; l'inscription au passif du bilan ne saurait valoir reconnaissance de dette interrompant la prescription vis-à-vis du créancier dès lors que le bilan ne lui est pas adressé, elle ne vaut que vis-à-vis de l'administration fiscale ; en l'absence de courriers et de paiements partiels ou à postériori d'un paiement total, l'administration était en droit de considérer que la prescription effaçait la dette ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 mars 2013, présenté pour la société Editions de l'Armançon ; elle persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et soutient, en outre, que l'inscription en comptabilité a interrompu la prescription à l'égard des auteurs ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et fait, en outre, valoir que le Tribunal a considéré que la prescription décennale commençait à courir à la date à laquelle les droits étaient acquis aux auteurs, à savoir la date de signature du contrat indépendamment du fait que les auteurs n'auraient pas encore entendu réclamer le paiement effectif de leurs droits ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 14 mai 2013, présenté pour la société Editions de l'Armançon ; elle persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et soutient, en outre, que l'administration ne démontre pas que la prescription commencerait à la date de la conclusion du contrat dès lors que le contrat n'engage l'éditeur qu'à établir et à payer des droits si des ventes de livres sont réalisées et que les droits sont calculés en fonction des ventes effectives ; que, par ailleurs, l'administration fiscale ne répond pas à la question de l'interruption de la prescription ;

Vu l'ordonnance en date du 16 mai 2013 fixant la clôture d'instruction au 31 mai 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Mear ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Editions de l'Armançon, qui a pour activité le développement et l'édition de livres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ses exercices 2006, 2007 et 2008 à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établies au titre des exercices litigieux selon la procédure de redressement contradictoire ; que ces rehaussements résultent notamment de la remise en cause de dettes figurant au passif de cette société que l'administration a considérées comme étant prescrites ; que la société Editions de l'Armançon relève appel du jugement n° 1101631 du 17 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2006, 2007 et 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le jugement contesté mentionne que " l'exploitation des droits d'auteur est régie par un contrat soumis à la prescription de dix ans prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce pour les obligations entre commerçants et non commerçants ; que cette prescription décennale commence à courir à la date à laquelle les droits d'auteur résultant de l'exécution du contrat sont acquis à l'auteur, et ce alors même que les intéressés, qui ne sont pas commerçants, n'ont pas émis de factures ni revendiqué leur droit " ; que, ce faisant le Tribunal a statué sur la date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir et précisé que ce délai courait même en l'absence d'émission de factures par les titulaires des droits d'auteur ou de revendication de leurs droits ; que, dès lors, le moyen invoqué par la société requérante tiré de ce que le Tribunal administratif de Dijon aurait omis de statuer sur son moyen tiré de ce que " le délai de prescription, quel qu'il soit, ne saurait avoir été mis en place et décompté du chef des auteurs ", doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 38.2 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ; qu'aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable " I.- Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle : " L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. / Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société Editions de l'Armançon a comptabilisé au passif de son bilan au titre de ses exercices 2006, 2007 et 2008 des droits d'auteur non réglés par la requérante respectivement au 31 décembre 1996 pour un montant de 34 089 euros, au 31 décembre 1997 pour un montant de 5 187 euros et au 31 décembre 1998 pour un montant de 6 139 euros ; que, si les dispositions de l'article 123-1 du code de la propriété intellectuelle confèrent à un auteur un droit d'exploitation de son oeuvre durant sa vie entière et octroient un tel droit à ses héritiers à compter de son décès et durant les soixante dix ans qui suivent l'année de ce décès, le contrat d'exploitation de droits d'auteur conclu entre une société d'édition, qui a la qualité de commerçant, et un auteur, qui n'a pas cette même qualité, est régi par les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce ; que les obligations qui en résultent sont, dès lors, soumises à une prescription de dix ans ;

5. Considérant que la société requérante n'établit pas que, comme elle le fait valoir, le délai de prescription des droits d'auteur non réglés figurant au passif de son bilan n'aurait pas commencé à courir au motif qu'en l'absence de factures, les auteurs ne pourraient se prévaloir d'une obligation exigible à son encontre ; que, par suite, elle n'établit pas davantage que le droit de poursuite des auteurs à son égard pourrait ainsi s'exercer sans risquer une quelconque prescription quelle que soit l'ancienneté de leurs créances ;

6. Considérant que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'inscription desdits droits d'auteur non réglés au passif de son bilan a interrompu la prescription à l'égard des auteurs ou de leurs ayants droits dès lors que le bilan n'étant pas adressé à ces créanciers, une telle inscription ne les a pas informé de leurs dettes ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a considéré que ces droits d'auteur étant prescrits, leur inscription au passif du bilan de la société Editions de l'Armançon était injustifiée et qu'elle a, en conséquence, réintégré les sommes correspondantes dans les résultats imposables de cette société au titre de ses exercices 2006, 2007 et 2008 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Editions de l'Armançon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Editions de l'Armançon la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Editions de l'Armançon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Editions de l'Armançon et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.

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N° 12LY02627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02627
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : VG CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-07;12ly02627 ?
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