Vu la requête, enregistrée le 20 août 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme D... E...B...épouseA..., domiciliée ... ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101130 du 26 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme B...soutient :
- s'agissant de l'année 2005 :
* qu'en encaissant sur son compte bancaire des chèques qui lui avaient été remis par M.A..., son concubin, afin qu'elle les utilise pour les besoins de leur ménage, elle n'a pas détourné de fonds au préjudice de M. A...; qu'en l'absence d'abus de confiance au sens de l'article 314-1 du code pénal, la qualification de détournement de fonds ne peut être retenue ni d'un point de vue pénal, ni d'un point de vue fiscal ; que, dès lors, les sommes encaissées n'étaient pas imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
* qu'il existe bien une relation d'affaires entre M. A...et la société JH Bâtiment ; que les fonds ont circulé, de façon non dissimulée, par le biais de chèques bancaires encaissés et vérifiables ; qu'elle a déclaré, au titre de l'année 2008, un produit exceptionnel de 29 550 euros ; qu'une activité de détournement de fonds, qui n'a pas à être déclarée auprès d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe d'un tribunal de commerce, ne peut être qualifiée d'activité occulte ; que, dès lors, l'administration fiscale ne pouvait ni constater l'existence d'une activité occulte, ni mettre à sa charge une majoration de 80 % ;
- s'agissant des années 2006 et 2007 :
* que les sommes portées au crédit de son compte bancaire correspondent à des chèques émis par des sociétés avec lesquelles M. A...entretient des relations d'affaires, puis remis à elle-même par M. A...afin qu'elle puisse faire face aux dépenses du ménage ; que la remise des chèques, qui s'explique par un souci de simplification et de gain de temps, est assimilable à un versement direct entre concubins ; que les sommes en cause sont présumées correspondre à des avances et prêts entre concubins et ne constituent pas des revenus d'origine indéterminée ;
* que les sommes litigieuses, quelle que fût leur importance par rapport au revenu déclaré, ne constituaient pas des revenus et n'avaient donc pas à être déclarées ; qu'elles ne pouvaient, le cas échéant, être imposées qu'au nom de M. A... ; que sa bonne foi n'est pas contestée ; que, dès lors, la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 24 décembre 2012, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre de l'économie et des finances fait valoir :
- que la requête ne comporte aucun moyen relatif aux rectifications relatives aux pensions alimentaires perçues en 2006 et 2007 ; qu'elle est, dans cette mesure, irrecevable ;
- qu'il n'est pas démontré que les sommes perçues en 2005 par Mme B...étaient dues à M. A...en contrepartie d'une activité exercée pour le compte de la société JH Bâtiment ; que, même en l'absence d'activité professionnelle occulte et de " détournement de fonds " au sens pénal du terme au détriment de la société JH Bâtiment, ces sommes constituent, en raison de leur régularité et de leur importance, des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
- que les chèques émis en 2006 et 2007 par des sociétés avec lesquelles Mme B...n'entretenait personnellement aucune relation d'affaires ne peuvent correspondre à des avances ou prêts à caractère familial ; que la réalité des fonctions exercées par M. A...auprès de la société JH Bâtiment n'est pas établie ; que, par suite, les sommes ainsi perçues par Mme B...constituaient des revenus d'origine indéterminée ;
- que Mme B...ne pouvait ignorer l'existence, l'importance et l'origine des sommes perçues au cours des années 2006 et 2007 ; que les majorations exclusives de bonne foi sont donc justifiées ;
Vu l'ordonnance en date du 28 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 13 septembre 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2013, présenté pour MmeB..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et soutient, en outre, qu'elle n'a exercé aucune activité occulte susceptible de justifier une majoration de 80 % sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts ;
Vu l'ordonnance en date du 4 octobre 2013 rouvrant l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 :
- le rapport de M. Meillier, conseiller,
- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme D...B..., aujourd'hui épouseA..., a fait l'objet en 2008 d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, à l'issue duquel a été rehaussé le montant de ses cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2005, 2006 et 2007 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ; que Mme B...relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'année 2005 :
2. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus " ; qu'en application de ces dispositions, des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, lorsque l'administration entend établir une imposition du fait de l'exercice d'une activité de détournement de fonds, il lui appartient d'apporter la preuve de la réalité de ces détournements ;
3. Considérant qu'il est constant qu'entre septembre et novembre 2005, Mme B...a encaissé sur ses comptes bancaires cinq chèques, libellés à son ordre, d'un montant total de 19 571,74 euros ; que les émetteurs de deux de ces chèques ont indiqué, l'un, avoir remis à M. A..., " chargé de clientèle " de la société JH Bâtiment, un chèque sans ordre en règlement d'une facture émise par cette société, et l'autre, avoir émis un chèque en règlement d'une facture de la société JH Bâtiment ; que le vérificateur a considéré qu'en encaissant les cinq chèques, Mme B... avait détourné des fonds destinés à la société JH Bâtiment ;
4. Considérant, toutefois, que le ministre n'apporte aucun élément relatif à trois des cinq chèques litigieux et laissant à penser qu'ils auraient été émis afin de régler une facture de la société JH Bâtiment ; qu'en tout état de cause, il ne conteste pas que les cinq chèques ont été remis à Mme B... non pas directement par leurs émetteurs, mais par M.A..., son concubin, lequel en a ainsi eu préalablement la disposition, afin qu'elle les encaisse sur ses propres compte bancaires et en utilise le produit à des " fins domestiques " ; que la circonstance que Mme B...ne justifierait pas que les sommes portées sur ces chèques étaient dues à M. A...en rémunération d'une prestation effectuée pour le compte de la société JH Bâtiment est sans incidence sur la qualification des sommes encaissées par MmeB..., dès lors que celles-ci ont été librement remises à cette dernière par M. A...et qu'il n'est ni établi ni même allégué que Mme B...aurait été informée de ce que les chèques étaient en réalité destinés à la société JH Bâtiment ; que, dans ces conditions, le ministre n'apporte pas la preuve que Mme B...aurait personnellement détourné des fonds ; qu'en se bornant à faire état de la régularité et de l'importance des sommes encaissées par MmeB..., le ministre ne démontre pas davantage que ces sommes ont constitué une " source de revenus imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux " ; que, dès lors, les sommes litigieuses ne pouvaient être imposées dans cette catégorie ;
En ce qui concerne les années 2006 et 2007 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; que, dès lors, il appartient à Mme B..., qui a fait l'objet pour ces deux années 2006 et 2007 d'une procédure de taxation d'office, d'apporter la preuve du caractère exagéré des rectifications opérées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2006 et 2007 ;
6. Considérant qu'il est constant que Mme B...a encaissé sur ses comptes bancaires des chèques émis par des personnes autres que son concubin d'un montant total de 36 000 euros en 2006 et 33 370 euros en 2007 ; que, si Mme B...soutient que ces chèques ont été émis par des sociétés avec lesquelles son concubin entretient des relations d'affaires, puis remis à elle-même par M. A... afin qu'elle puisse faire face aux dépenses du ménage, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, faute d'établir que les chèques litigieux, émis par des tiers, lui auraient été remis par son concubin, Mme B...n'apporte pas la preuve de leur nature d'avances ou de prêts familiaux ; que, par suite, c'est à bon droit que les sommes litigieuses ont été réintégrées dans son revenu global en tant que revenus d'origine indéterminée ;
Sur les pénalités :
7. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte " ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;
8. Considérant, d'une part, que si une majoration de 80 % a été initialement mise à la charge de Mme B...au titre de l'année 2005 sur le fondement du c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, le directeur régional des finances publiques de Bourgogne et du département de la Côte d'Or a, par décision du 22 mars 2011, partiellement fait droit aux réclamations présentées par Mme B...en abandonnant cette majoration et en y substituant la majoration de 10 % prévue, en cas de défaut de déclaration et en l'absence de mise de demeure, par le a. du 1. dudit article 1728 ; que, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, l'absence de bien-fondé des impositions mises à la charge de Mme B...au titre de l'année 2005 prive de fondement la majoration laissée à la charge du contribuable ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, pour motiver l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux impositions relatives aux années 2006 et 2007, le vérificateur s'est fondé, dans la proposition de rectification du 4 mai 2009, d'une part, sur l'importance des revenus d'origine indéterminée par rapport aux revenus déclarés par Mme B...et, d'autre part, sur la circonstance que, compte tenu des liens l'unissant avec le représentant légal des sociétés émettrices des chèques, son père, M. C... B...étant le gérant de la SARL SNR et de la SCI Maluna, Mme B... ne pouvait ignorer la provenance et l'origine des sommes perçues ainsi que leur caractère imposable ; que le ministre précise que les revenus non déclarés constituaient l'essentiel des ressources de Mme B...et lui permettaient de faire face aux dépenses de son train de vie ; que, dans ces conditions, et alors que Mme B...se borne à soutenir que les sommes litigieuses ne correspondent pas à des revenus et qu'elles doivent, le cas échéant, être imposées au nom de M.A..., le ministre apporte la preuve de la mauvaise foi de Mme B...;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a refusé de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions mises à sa charge au titre de l'année 2005 ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B...d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Mme B...est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2005, ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 2 : Le jugement n° 1101130 du 26 juin 2012 du Tribunal Administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...épouseA..., et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Montsec, président de chambre,
- Mme Mear, président assesseur,
- M. Meillier, conseiller.
Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.
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N° 12LY02289