La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2013 | FRANCE | N°13LY00492

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2013, 13LY00492


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2013, présentée pour la commune d'Eygaliers, représentée par son maire ;

La commune d'Eygaliers demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204259 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil municipal d'Eygaliers du 14 mars 2012 portant autorisation du maire à acquérir de l'indivision B...un tènement immobilier ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la Drôme présenté à l'encontre de ladite délibération ;

3°) de mettre à la charg

e de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ...

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2013, présentée pour la commune d'Eygaliers, représentée par son maire ;

La commune d'Eygaliers demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204259 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil municipal d'Eygaliers du 14 mars 2012 portant autorisation du maire à acquérir de l'indivision B...un tènement immobilier ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la Drôme présenté à l'encontre de ladite délibération ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement encourt l'annulation en tant qu'il a rejeté le moyen qu'elle avait soulevé tiré du caractère inopérant des moyens invoqués à l'encontre de la délibération litigieuse ; le préfet de la Drôme ne pouvait contester le principe et le prix de l'acquisition du terrain à l'occasion d'un déféré sur la délibération du conseil municipal du 14 mars 2012 autorisant le maire à signer les actes afférents à cette acquisition alors que cette dernière avait été décidée par une délibération antérieure du 27 avril 2011, qui est définitive, pour un prix de 30 000 euros ;

- l'offre d'acquisition, décidée par la délibération du conseil municipal du 27 avril 2011 a été acceptée par l'indivision propriétaire, la vente était donc parfaite à la date d'acceptation de l'offre communale ; le conseil municipal ne pouvait qu'autoriser le maire à signer l'acte correspondant ;

- les juges de première instance ont méconnu le principe du contradictoire ; elle n'a pu prendre connaissance du moyen mentionné dans le jugement attaqué tiré de ce que l'offre d'acquisition décidée par le conseil municipal du 27 avril 2011 n'aurait pas été acceptée par tous les membres de l'indivision propriétaire du terrain ; en tout état de cause, l'absence de signature de tous les membres de l'indivision n'implique pas l'absence de consentement, même si la lettre d'acceptation ne comportait qu'une seule signature ; l'acte de vente a ensuite été signé par tous les indivisaires ;

- elle n'a pas demandé au Tribunal de considérer que la délibération litigieuse serait confirmative ; au contraire, elle a un objet distinct de celle du 27 avril 2011 qui ne peut plus être remis en cause ;

- le Tribunal a commis une erreur tant sur la portée que sur l'objet des deux délibérations du conseil municipal ; la délibération litigieuse a pour seul objet de permettre au maire de signer la vente qui avait été préalablement décidée, puis acceptée ;

- la délibération litigieuse ne pouvait être annulée pour erreur manifeste d'appréciation ; les avis émis par France Domaine, pour établir la valeur des terrains, ne font état ni de l'existence d'un captage d'eau potable, ni des droits d'eau attachés à la qualité de propriétaire du terrain ;

- l'acquisition comporte un intérêt public ; la délibération attaquée a pour objet de permettre aux habitants de la commune de bénéficier d'une alimentation en eau potable ; l'enquête publique de distribution d'eau concerne une autre commune qui sera chargée de l'exploitation du puits de captage, avec laquelle elle entretient des relations tendues, qui pourra décider de refuser de lui vendre l'eau ou de fixer un prix prohibitif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 avril 2013 à M. B..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 avril 2013 au préfet de la Drôme, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance en date du 16 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 13 mai 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2013, présenté par le préfet de la Drôme qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la délibération du conseil municipal du 27 avril 2011 peut être qualifiée de mesure préparatoire à la délibération litigieuse du 14 mars 2012 qui seule autorise le maire à conclure et à signer les actes afférents à l'acquisition litigieuse ; ces deux délibérations qui ont des objets différents sont des décisions distinctes ;

- le transfert de propriété n'a pas eu lieu dans la mesure où un seul des coïndivisaires a signé le consentement à la vente alors que conformément à l'article 815-3 du code civil, le consentement de tous les coïndivisaires est requis ;

- la commune d'Eygaliers et le propriétaire du tènement ne peuvent se prévaloir d'un droit d'eau ;

- certaines des parcelles litigieuses font partie d'un nouveau projet de captage initié par une autre commune, projet déclaré d'utilité publique et qui garantit l'alimentation en eau des habitants d'Eygaliers ; il n'existe aucun intérêt local pour la commune à acquérir ce terrain à un prix disproportionné par rapport à l'estimation des domaines ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour la commune d'Eygaliers qui persiste dans ses conclusions ;

Elle soutient, en outre, que :

- la délibération du 27 avril 2011 n'a pas le caractère d'acte préparatoire ; l'offre faite par un conseil municipal est créatrice de droit pour son bénéficiaire ;

- l'indivision a donné son accord explicite à l'offre d'achat de la commune, l'acte de vente a été signé par l'ensemble des indivisaires le 8 avril 2012 dans le délai d'un an mentionné par la délibération du 27 avril 2011 ;

- elle est susceptible en sa qualité de propriétaire de bénéficier de droits d'eau ; elle produit un rapport d'expertise qui contredit l'avis émis par France Domaine ;

- les procédures évoquées par le préfet ne permettent pas d'établir qu'elle bénéficierait de garantie quant à l'approvisionnement en eau de ses habitants ;

Vu l'ordonnance du 14 mai 2013 reportant la clôture de l'instruction au 4 juin 2013 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mai 2013, présenté par le préfet de la Drôme qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient, en outre, que :

- France Domaine est seul compétent pour estimer les acquisitions immobilières des collectivités territoriales ; l'expertise produite par la commune n'émane pas d'un organisme agréé par les Tribunaux ;

- la circonstance évoquée d'absence de garantie d'approvisionnement en eau du projet actuellement en cours n'est pas établie ;

Vu l'ordonnance du 4 juin 2013 reportant la clôture de l'instruction au 28 juin 2013 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2013, présenté pour la commune d'Eygaliers qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Elle soutient, en outre, que :

- la consultation des services du domaine qui n'était pas requise, ne prend pas en compte la réalité matérielle du terrain, le puits de captage n'est pas mentionné, son expert est particulièrement reconnu en matière d'expertise immobilière ;

- le préfet n'apporte aucune précision sur les modalités permettant d'assurer la garantie de des besoins en eau potable de la commune ;

Vu l'ordonnance du 1er juillet 2013 reportant la clôture de l'instruction au 19 juillet 2013 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2013, présenté par le préfet de la Drôme qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient, en outre, que :

- l'arrêté préfectoral relatif à l'autorisation de prélèvement d'eau destiné à la consommation humaine prévoit l'alimentation en eau potable de la commune ;

Vu l'ordonnance du 22 juillet 2013 reportant la clôture de l'instruction au 30 août 2013 à 16 heures 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général de collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gautier, avocat de la commune d'Eygaliers ;

1. Considérant que la commune d'Eygaliers fait appel du jugement n° 1204259 du 18 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, suite au déféré présenté par le préfet de la Drôme, annulé la délibération de son conseil municipal portant acquisition d'un tènement immobilier appartenant à l'indivisionB... ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que dans son mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2012 au greffe du Tribunal administratif de Grenoble, la commune d'Eygaliers avait expressément soulevé le moyen tiré de ce que l'offre d'acquisition, qui avait été décidée par la délibération du conseil municipal du 7 avril 2011, avait été acceptée par l'indivision propriétaire et soutenu que la vente était donc parfaite à la date d'acceptation de l'offre communale, les droits acquis par l'indivision propriétaire n'étant plus susceptibles d'être remis en cause et le conseil municipal n'ayant d'autre alternative que d'autoriser le maire à signer l'acte correspondant ; qu'à l'appui de ce moyen et de cette argumentation, la commune a transmis un document signé par l'un des coïndivisaires ; que le Tribunal, qui a procédé à l'examen de ce document, a répondu à ce moyen en mentionnant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'offre d'acquisition avait été acceptée par tous les membres de l'indivision propriétaire avant la date de la délibération attaquée du 14 mars 2012 ; que dès lors, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance du principe du contradictoire, la commune n'aurait pas été mise en mesure de répondre aux conséquences d'un tel constat doit être écarté ;

Sur le bien fondé :

3. Considérant, en premier lieu, que par une délibération du 27 avril 2011, le conseil municipal de la commune d'Eygaliers a demandé au maire de procéder à une offre d'achat concernant un terrain d'environ 3 000 m², constitué des parcelles D 253 à 257 sur la commune de Plaisians appartenant à M.B..., pour un prix de 30 000 euros, offre valable un an à compter de la date de l'offre ; que la délibération du conseil municipal du 14 mars 2012, dont le préfet de la Drôme a demandé l'annulation, avait pour objet d'autoriser le maire à conclure et à signer les actes afférents à l'acquisition de ces parcelles pour un prix n'excédant pas la somme de 30 000 euros ; que par suite, et contrairement aux allégations de la commune, la délibération précédente du 27 avril 2011, qui avait pour unique objet d'engager un processus d'achat conditionné par l'acceptation de l'offre, ne peut être regardée comme ayant décidé de l'acquisition du tènement immobilier ; qu'ainsi, la commune d'Eygaliers n'est pas fondée à soutenir que le principe et les conditions de la vente, qui auraient été définies dans la délibération du 27 avril 2011 devenue définitive, ne pouvaient plus faire l'objet de contestation lors du litige afférent à la délibération du 14 mars 2012 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 815-3 du code civil : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. (...) " ; qu'il ressort d'un courrier du 30 octobre 2011, que seul l'un des coïndivisiaires a accepté l'offre d'achat de la commune des terrains, propriété de l'indivision, alors que, conformément aux dispositions de l'article 815-3 du code civil précité, le consentement de tous les indivisaires était requis pour accepter ladite offre ; que la commune ne peut utilement soutenir que l'accord de l'ensemble des coïndivisiaires a été donné dans l'acte de vente du 8 avril 2012, soit dans le délai d'un an mentionné par la délibération du 27 avril 2011 afférente à l'offre d'achat, cet accord étant postérieur à la date de la délibération attaquée ; que par suite, et contrairement à ce qu'elle prétend, la commune d'Eygaliers, n'était pas tenue de procéder à l'acquisition de ces terrains dans les conditions et au prix fixés par la délibération précédente ;

5. Considérant, en troisième lieu, que par la délibération attaquée du 14 mars 2012, le conseil municipal de la commune d'Eygaliers a autorisé le maire à procéder à l'acquisition du tènement appartenant à l'indivision B...pour un prix unitaire de 10 euros maximum le m2 sans excéder la somme totale de 30 000 euros, alors que le service des domaines, saisi dans le cadre d'un projet de déclaration utilité publique, avait estimé ces mêmes parcelles à 0,15 euros le m2 ; que si la commune requérante fait valoir que l'estimation des domaines est erronée en ce qu'elle ne prend pas en compte les droits d'eau dont le propriétaire du terrain litigieux peut se prévaloir, elle n'établit pas la réalité de ces droits, tels que mentionnés à l'article 641 du code civil, et dont le préfet conteste la réalité ; que si un forage existe sur ce terrain, ce dernier, réalisé et financé par une autre collectivité dans le cadre d'une procédure administrative, n'a aucune incidence sur la valeur vénale des terrains ; que la commune ne peut utilement opposer à l'estimation effectuée par un service de l'Etat, celle effectuée, à sa demande, par une expertise non contradictoire ;

6. Considérant, enfin, que la commune d'Eygaliers fait valoir que l'achat de ce tènement, nécessaire pour assurer la continuité du service public de l'eau potable pour ses habitants, a été décidé pour un motif d'intérêt public local ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier, que les parcelles litigieuses sont incluses dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique autorisant l'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine, la production et la distribution par un réseau public au bénéfice de trois communes, dont celle d'Eygaliers ; que cette dernière ne peut donc utilement soutenir que la commune de Buis-les-Baronnies, avec laquelle elle prétend entretenir des relations difficiles, pourrait refuser son alimentation en eau potable ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Drôme était fondé à soutenir que l'acquisition litigieuse, qui n'était justifiée ni dans son principe, ni dans son montant, était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Eygaliers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa délibération du 14 mars 2012 ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d'Eygaliers doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Eygaliers est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Eygaliers, au préfet de la Drôme et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2013, où siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2013.

''

''

''

''

2

N° 13LY00492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00492
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-015-02 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Contrôle de la légalité des actes des autorités locales. Déféré préfectoral.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : FIDAL SOCIETE D'AVOCATS LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-05;13ly00492 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award