Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2012 au greffe de la Cour, présentée pour M. A... B..., demeurant ... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102114 du 18 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 à 2003 et des contributions sociales relatives aux années 2000 et 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
Il soutient que :
- l'administration fiscale ne justifie pas du bien fondé de l'application du délai de reprise de dix ans prévu par les dispositions de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ; que le tribunal a méconnu sa demande de contraindre l'administration à lui fournir les informations permettant de déterminer si l'administration était à l'origine de la saisine de l'autorité judiciaire ;
- les rectifications opérées en application de l'article 111c du code général des impôts ne sont pas fondées, dès lors qu'aucun rehaussement n'a été préalablement effectué auprès de la société à l'origine des distributions ; que l'incertitude de l'administration et du tribunal administratif sur le nom du bénéficiaire s'oppose à tout redressement ;
- les pénalités n'étant fondées que sur une instance pénale en cours, et non sur une vérification de comptabilité de la société à l'origine des distributions, elles ne sont pas motivées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que, sur le délai de reprise, l'administration, avant la saisine de l'autorité judiciaire, ne disposait d'aucune information lui permettant d'établir les insuffisances d'imposition dans le délai de reprise normal ; qu'elle était donc fondée à user du délai de reprise spécial prévu par l'article L.170 du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, alors que le requérant était informé dans la proposition de rectification de la teneur et de l'origine des documents communiqués à l'administration par l'autorité judiciaire, sur lesquels étaient fondés les rehaussements, il n'a formulé aucune autre demande, que celle du soit-transmis du 26 juillet 2006, dont une copie lui a été jointe à la réponse aux observations, avant la date de mise en recouvrement des impositions contestées ;
- que l'administration peut, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, regarder comme des bénéfices distribués, pour l'assiette de l'impôt applicable à ceux qui en ont bénéficié, les avantages occultes qui leur ont été consentis par la société, même s'ils ont en fait échappé à l'impôt sur les sociétés ; qu'à partir des informations régulièrement communiquées par l'autorité judiciaire, l'administration a démontré que M. B...a bénéficié d'avantages occultes ;
- que l'application des majorations de 40% pour manquement délibéré, et de 80% pour manoeuvres frauduleuses est suffisamment motivée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :
- le rapport de Mme Bourion, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;
1. Considérant que M.A... B..., gérant et associé de la SARL CFP Partners, créée en 1989, a fait l'objet, le 18 avril 2005, d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par la SARL elle-même, la société LENAC et un particulier ; que, par soit-transmis du 26 juillet 2006, le juge d'instruction du Tribunal de grande instance d'Auxerre a communiqué à l'administration fiscale des éléments de l'information judiciaire ouverte à son encontre, notamment pour abus de biens sociaux, au préjudice de la SARL CFP Partners ; que l'administration fiscale a notifié à M. B..., selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2000 et 2001, correspondant à des avantages occultes, ainsi que des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2002-2003, correspondant à la remise en cause d'un avoir fiscal ; que M. B...relève appel du jugement du 18 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 à 2003 et de contributions sociales relatives aux années 2000 et 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l' imposition est due. " ;
3. Considérant que M. B...soutient que l'administration, en lui refusant l'accès à son dossier judiciaire, ne lui a pas permis de vérifier si, préalablement à la communication du soit-transmis du 26 juillet 2006 par le Tribunal de grande instance d'Auxerre, elle avait contacté les autorités judiciaires, recourant par suite artificiellement aux délais de reprise prévus par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. B...a été informé dans la proposition de rectification du 25 juin 2010 de la teneur et de l'origine des documents communiqués à l'administration par l'autorité judiciaire, sur lesquels ont été fondés les rehaussements ; qu'ainsi, dans une remarque préliminaire de deux pages, l'administration a détaillé les informations utilisées, telles que le soit-transmis du 26 juillet 2006 du juge d'instruction d'Auxerre, la plainte avec constitution de partie civile, le rapport d'audit des comptes de la société CFP Partners, le procès-verbal d'audition de première comparution et autres procès-verbaux de l'expert comptable, du voyagiste, du conducteur de travaux, d'un paysagiste et d'un artisan plombier ; qu'en réponse à cette proposition, le contribuable s'est borné à solliciter la communication du soit-transmis du 26 juillet 2006, lequel lui a été joint en réponse à ses observations, par courrier du 20 septembre 2010 ; qu'avant le 30 novembre 2010, date de la mise en recouvrement des impositions contestées, le requérant n'a formulé aucune autre demande ; que, par suite, l'administration était fondée, en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, à opposer à la demande de M. B...du 7 mars 2011 de lui communiquer toutes les pièces antérieures au soit-transmis, un refus, en raison de la tardiveté de sa demande postérieure à l'émission des rôles ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'une procédure judiciaire a été ouverte suite à une plainte avec constitution de partie civile et que, par soit-transmis du 26 juillet 2006, le juge d'instruction chargé de l'affaire a informé l'administration fiscale que le dossier qu'il instruisait comportait des éléments relatifs à des fraudes pouvant s'analyser en revenus occultes ; que, dans ces conditions, l'administration ne disposait, avant la réception du soit-transmis en date du 26 juillet 2006, d'aucune information lui permettant, par la mise en oeuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir, dans le délai normal de reprise, les insuffisances ou omissions d'imposition ; que les insuffisances doivent nécessairement être regardées comme ayant été révélées par l'instance judiciaire, sans que puisse utilement être opposé à l'administration fiscale le fait qu'elle aurait préalablement saisi l'autorité judiciaire ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration, qui n'a pu exercer son droit de communication sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales que suite à la réception du soit-transmis du 26 juillet 2006, pouvait, sans détournement de procédure, bénéficier du délai de reprise dérogatoire prévu par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale aurait procédé à un détournement de procédure en recourant à l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 109 du code général des impôts, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1°) Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2°) Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; que l'article 110 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) " ; que l'article 111 du même code indique que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; que, si l'article 110 du code général des impôts a pour effet de réputer distribués les bénéfices compris dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, ces dispositions n'interdisent pas à l'administration de regarder, sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du même code, comme des bénéfices distribués, pour l 'assiette de l'impôt applicable à ceux qui en ont bénéficié, les avantages occultes qui leur ont été consentis par une société, même si lesdits avantages ont en fait échappé à l'impôt sur les sociétés ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à partir des informations régulièrement communiquées par l'autorité judiciaire, et notamment des procès-verbaux d'interrogatoire des artisans ayant oeuvré chez lui et chez son fils, et du procès-verbal de l'interrogatoire du requérant lui-même mené par le juge d'instruction le 4 octobre 2006, le service a notifié à M. B...des redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour les années 2000 à 2003 au titre d'avantages occultes qu'il se serait lui-même octroyés pendant les années en litige, en faisant supporter à la société CFP Partners, dont il était dirigeant et associé, des dépenses personnelles constituées de divers travaux réalisés chez son fils et à son domicile pour un montant total de 70 643 euros et d'un voyage d'agrément à l'étranger pour un montant de 15 241 euros ; que ces redressements ayant été refusés par courrier du 9 août 2010, il incombe par suite au service d'apporter la preuve que M. B...a été le bénéficiaire desdits avantages ; que, pour ce faire, l'administration s'appuie sur les éléments de l'instruction judiciaire, dont les procès-verbaux de gérants de sociétés attestant que les factures émises ne correspondent pas aux chantiers indiqués mais à des travaux d'aménagement effectués aux domiciles de M. B...et de son fils, et sur un interrogatoire de M. B...qui reconnaît lui-même avoir fait supporter ces dépenses privées à l'entreprise ; que, ce faisant, l'administration a exactement qualifié ces sommes en considérant qu'elles constituaient des avantages occultes imposables entre les mains de M. B...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts ; que la circonstance que certains travaux aient été réalisés au profit de son fils, tiers à la société, ne suffit pas à remettre en cause le caractère de bénéficiaire des avantages occultes de M. B... C... ;
Sur les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. " ;
9. Considérant qu'eu égard aux fonctions de dirigeant exercées par M. B...au sein de la société CFP Partners, l'intéressé ne pouvait ignorer ni l'existence des avantages occultes dont il a bénéficié, ni le fait que les sommes dont il s'agit étaient imposables entre ses mains et auraient dû être déclarées ; qu'en faisant état de ces éléments, l'administration établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt de la part de l'intéressé ; que, s'agissant en outre des travaux réalisés à son domicile et à celui de son fils, l'administration affirme sans être contredite que l'intéressé a lui même fait mentionner sur les factures des chantiers fictifs ; que ces agissements, alors même qu'ils ont été révélés lors d'aveux dans une instance judiciaire, sont de nature à caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale, qui a suffisamment motivé sa proposition de rectifications sur ce point, était fondée à appliquer la pénalité de 40 % pour manquement délibéré aux redressements afférents au voyage en Tanzanie et la pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses aux redressements correspondant aux travaux réalisés chez le requérant et son fils ; que les circonstances que la société CFP Partners n'ait fait l'objet d'aucun redressement et que M. B...n'ait pas été condamné pénalement sont sans incidence sur le bien-fondé des pénalités fiscales qui ont été infligées au contribuable ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2013.
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N° 12LY02964