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10/10/2013 | FRANCE | N°12LY03208

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2013, 12LY03208


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour la société Comptoir Central d'Electricité, dont le siège social est ZAC Garosud, 194 rue Patrice Lumumba à Montpellier (34070) et pour la société Teissier, dont le siège social est 5 rue Victor Grignard, zone industrielle de Monteyraud, BP 8 à Saint-Etienne Cedex 9 (42964) ;

La société Comptoir Central d'Electricité et la société Teissier demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005048 du 2 octobre 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision du ministre

du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 3 juin 2010, dans la mes...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour la société Comptoir Central d'Electricité, dont le siège social est ZAC Garosud, 194 rue Patrice Lumumba à Montpellier (34070) et pour la société Teissier, dont le siège social est 5 rue Victor Grignard, zone industrielle de Monteyraud, BP 8 à Saint-Etienne Cedex 9 (42964) ;

La société Comptoir Central d'Electricité et la société Teissier demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005048 du 2 octobre 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 3 juin 2010, dans la mesure où elle autorise le licenciement de Mme B...;

2°) de rejeter les conclusions ci-dessus analysées de la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- l'intéressée a multiplié les erreurs et eu une attitude inacceptable vis-à-vis de ses collègues ;

- les actions judiciaires en cours, portant sur les contrats de travail transférés au repreneur, se poursuivent au nom et pour le compte du cédant ;

- l'article L. 1224-1 du code du travail est d'ordre public ;

- le moyen tiré de ce qu'une première décision implicite de rejet étant intervenue, la décision du 3 juin 2010 serait illégale, ne peut qu'être écarté ;

- les faits reprochés à l'intéressée sont établis, lui sont imputables et sont suffisamment graves pour justifier son licenciement ;

- aucun lien avec le mandat de l'intéressée n'est avéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2013, présenté pour Mme A...B..., domiciliée... qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation du jugement du 2 octobre 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 3 juin 2010, dans la mesure où elle porte retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement ;

- à l'annulation, dans cette mesure, de cette décision ;

- à la mise à la charge des sociétés Comptoir Central d'Electricité et Teissier d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le ministre ne pouvait pas retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, qui avait créé des droits à son profit ;

- le contradictoire n'a pas été respecté, faute pour la partie adverse d'avoir répondu à son courrier du 17 août 2009 ;

- le ministre ne pouvait prendre sa décision qu'à l'égard de son nouvel employeur ;

- les erreurs reprochées ne lui sont pas imputables ou ne sont pas établies ;

- elle est bien notée ;

- la décision de l'inspecteur du travail était suffisamment motivée ;

- les témoignages retenus à son encontre sont partiaux ;

- elle a été victime de discrimination ;

- le ministre a commis un détournement de pouvoir ;

Vu la mise en demeure du 6 mai 2013 adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 6 mai 2013, prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 7 juin 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Neveux, avocat de la société Comptoir Central d'Electricité et de la société Teissier ;

1. Considérant que le 19 novembre 2009, l'inspecteur du travail de la 3ème section de la Loire a refusé d'autoriser la société Teissier à licencier pour faute Mme B..., préparatrice de commandes dans son établissement de Béziers et déléguée du personnel ; que, saisi d'un recours hiérarchique par courrier de la société Teissier du 18 janvier 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a, par une décision du 3 juin 2010, retiré la décision implicite de rejet née du silence conservé pendant plus de 4 mois sur ce recours, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement ; qu'entre temps, par une décision du 8 mars 2010, l'inspecteur du travail avait autorisé, en application de l'article L. 2414-1 du code du travail, le transfert du contrat de travail de l'intéressée à la société Comptoir Central d'Electricité ; que Mme B...a contesté la décision ministérielle du 3 juin 2010 devant le Tribunal administratif de Lyon qui l'a annulée seulement en tant qu'elle autorise la société Teissier à procéder à son licenciement ; qu'en revanche, le Tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre cette décision en tant qu'elle retire la décision implicite de rejet du recours hiérarchique contre le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement ; que les sociétés Teissier et Comptoir Central d'Electricité font appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à une partie des conclusions de la demande de Mme B... ; que par un appel incident, celle-ci conteste le rejet de ses conclusions dirigées contre le retrait du rejet implicite du recours hiérarchique ;

Sur la légalité de la décision du 3 juin 2010 en tant qu'elle autorise le licenciement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise " ; qu'aux termes de l'article L. 2414-1 du même code : " Le transfert d'un salarié (...) ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi d'un des mandats suivants : (... ) délégué du personnel " ;

3. Considérant que la société Teissier, qui employait toujours Mme B...le 18 janvier 2010, avait qualité pour exercer à cette date un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 novembre 2009 lui refusant l'autorisation de licencier ce salarié ; que la modification survenue dans la situation juridique de l'employeur de Mme B...à la suite du transfert, autorisé par une décision de l'inspecteur du travail du 8 mars 2010, de son contrat de travail à la société Comptoir Central d'Electricité, est demeurée sans incidence sur l'examen par le ministre du recours hiérarchique dont l'avait antérieurement saisi la société Teissier ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision ministérielle en litige en tant qu'elle autorise le licenciement, le Tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que le ministre ne pouvait pas légalement autoriser la société Teissier à licencier Mme B...dès lors que, l'inspecteur du travail ayant autorisé le 8 mars 2010 le transfert du contrat de travail de l'intéressée à la société Comptoir Central d'Electricité, elle n'était plus son employeur à la date de la décision ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des conclusions dirigées contre la décision ministérielle en tant qu'elle autorise la société Teissier à procéder au licenciement de MmeB..., d'examiner les moyens soulevés par cette dernière tant en première instance qu'en appel ;

5. Considérant que dans sa demande devant le Tribunal administratif, Mme B... a fait valoir qu'à l'occasion de l'enquête contradictoire, dans le cadre de laquelle elle a été convoquée par courrier du " 6 juillet 2009 ", aucune pièce ne lui a été communiquée et qu'ainsi, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté ; que ce courrier, daté du 6 juillet 2009, est une lettre du directeur adjoint de la Direccte de la Loire la convoquant à une réunion le 4 mars 2010 dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique de la société Teissier contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 novembre 2009 ; qu'ainsi, devant le Tribunal administratif, l'intéressée contestait la régularité de la procédure suivie par le ministre ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre, les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives. (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la même loi : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-547 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) " ;

8. Considérant que si, en excluant les décisions prises sur demande de l'intéressé du champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le législateur a entendu dispenser l'administration de recueillir les observations de l'auteur d'un recours gracieux ou hiérarchique, il n'a pas entendu pour autant la dispenser de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits ; qu'il suit de là qu'il ne peut être statué sur un tel recours qu'après que le bénéficiaire de la décision créatrice de droits a été mis à même de présenter ses observations, notamment par la communication du recours ; qu'il en est de même lorsque l'administration, après avoir rejeté implicitement le recours, retire ladite décision implicite de rejet et fait droit audit recours ;

9. Considérant que si, sous réserve de son illégalité, le ministre chargé du travail pouvait légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite, acquise dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 2422-1 du code du travail, rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation administrative de licenciement, qui était créatrice de droit au profit de MmeB..., et autoriser le licenciement de cette dernière, il lui appartenait alors de mettre l'intéressée à même de présenter ses observations, notamment par la communication du recours ; qu'il n'est pas contesté que Mme B...n'a pas été mise à même de présenter ses observations écrites sur ce recours ; que, dès lors, la décision du 3 juin 2010 par laquelle le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a autorisé son licenciement a méconnu les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ce qui a eu pour effet de priver cette salariée d'une garantie ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Teissier et la société Comptoir Central d'Electricité ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 3 juin 2010 en tant qu'elle autorise le licenciement de MmeB... ;

Sur la légalité de la décision du 3 juin 2010 en tant qu'elle retire le rejet implicite du recours hiérarchique contre le refus d'autorisation de licenciement :

11. Considérant que pour contester la décision du 3 juin 2010 en tant qu'elle retire la décision implicite de rejet née du silence conservé pendant plus de 4 mois par le ministre sur le recours hiérarchique de la société Teissier, MmeB... se borne à faire valoir en appel que, nonobstant son courrier du 17 août 2009, elle n'a pu obtenir copie des pièces adverses, en méconnaissance du principe du contradictoire ; que ce courrier a été adressé à la société Teissier avant même que l'administration ne soit saisie d'une demande d'autorisation de licenciement ; que, dès lors, la circonstance qu'il n'y aurait pas été répondu est restée sans incidence sur la procédure suivie par l'administration pour prendre la décision du 3 juin 2010 ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeB... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du ministre du 3 juin 2010 en tant qu'elle retire la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société Teissier ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que la société Teissier et la société Comptoir Central d'Electricité, parties perdantes dans la présente instance, ne peuvent bénéficier d'une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B... tendant aux mêmes fins ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Teissier et de la société Comptoir Central d'Electricité et les conclusions de Mme B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Teissier, à la société Comptoir Central d'Electricité, à Mme A...B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2013.

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N° 12LY03208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY03208
Date de la décision : 10/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Recours hiérarchique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET CAPSTAN RHONE-ALPES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-10;12ly03208 ?
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