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26/09/2013 | FRANCE | N°12LY02530

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 septembre 2013, 12LY02530


Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2012, présentée pour M. A...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200741 du 9 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 18 octobre 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
>3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d...

Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2012, présentée pour M. A...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200741 du 9 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 18 octobre 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient :

- que le préfet, qui s'est à tort estimé tenu de suivre les décisions de l'OFPRA et de la CNDA lui refusant l'asile, n'a pas examiné sa situation ; que compte tenu de son état de santé, notamment du stress post traumatique dont il souffre, qui nécessite un traitement anxiolytique et antidépresseur, et de l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement de soins en Arménie, le refus de titre de séjour en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 dudit code, compte tenu de sa présence ininterrompue en France depuis le mois d'avril 2007 ; qu'il méconnaît également l'article L. 313-14 dudit code, sa situation justifiant une mesure de régularisation exceptionnelle ;

- que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que, du fait des risques qu'il encourt en Arménie, cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que la décision fixant le pays de destination est illégale, son état de santé faisant obstacle à son retour en Arménie ; que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison des risques qu'il encourt en cas de retour en Arménie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2013, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu l'ordonnance du 21 mars 2013 fixant au 12 avril 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 16 avril 2013 reportant au 10 mai 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 4 juillet 2013 reportant au 26 juillet 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu la décision du 20 août 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2013, le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité arménienne, né le 16 août 1963, est entré en France au mois d'avril 2007 ; que l'asile lui a été refusé par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 4 juin 2007 et par la Cour nationale du droit d'asile le 1er février 2010 ; qu'un refus de titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français, lui a été opposé le 31 août 2010 ; que son recours contre ces décisions a été rejeté par jugement du Tribunal administratif de Lyon du 3 mars 2011 ; qu'il a sollicité un titre de séjour en invoquant son état de santé et qu'un refus, assorti de l'obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination, lui a été opposé le 18 octobre 2011 ; que M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces dernières décisions ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait estimé tenu de refuser un titre de séjour à M. B...en raison du refus de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile de lui accorder l'asile, ni qu'il aurait négligé de procéder à un examen particulier de sa situation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat." ;

4. Considérant que la décision du 18 octobre 2011 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. B...le titre de séjour qu'il sollicitait a été prise au vu d'un avis du 6 octobre 2011 du médecin de l'agence régionale de santé qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pourrait effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié ; que le requérant fait valoir que ses troubles ont pour cause les événements traumatisants qu'il a vécus dans son pays d'origine, de sorte qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Arménie ; que toutefois, le certificat médical du 31 mars 2008 qu'il produit, qui décrit son état physique, notamment la présence de cicatrices sur une main, un bras et une jambe, se borne à retranscrire ses déclarations quant aux sévices dont il aurait fait l'objet ; que le certificat médical du 21 septembre 2010 ne comporte aucune précision sur l'origine des troubles psychologiques qu'il présente ; qu'ainsi, M. B..., qui invoque également ses origines azéries, n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier en Arménie des soins que requiert son état de santé ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que M.B..., ressortissant arménien né le 16 août 1963, fait valoir qu'il réside depuis le mois d'avril 2007 en France, où se situe le centre de ses intérêts, et qu'il est dans l'impossibilité de vivre en Arménie, pays qu'il soutient avoir quitté en 1993 pour s'installer en Russie à la suite de l'assassinat de ses parents et de son frère en raison de leur origine azérie ; que toutefois, l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne démontre pas être dépourvu de toutes attaches en Arménie ; que, par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, enfin, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que M.B..., qui a demandé un titre de séjour le 13 avril 2011 en invoquant uniquement sa qualité d'étranger malade, ne peut, dès lors, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; que M.B..., de nationalité arménienne, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 18 octobre 2011 ; qu'ainsi, à cette date, il se trouvait dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de lui délivrer un titre de séjour n'étant pas illégal, M. B...n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne désignant pas le pays d'éloignement, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été édictée en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

11. Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, en prenant à l'encontre de M. B...la mesure d'éloignement en litige, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

12. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs indiqués ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. B...fasse obstacle à son retour dans le pays dont il possède la nationalité ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950." ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que M. B...soutient qu'il encourt des risques en cas de retour en Arménie compte tenu notamment de ses origines azéries ; que toutefois, les pièces produites, notamment les certificats médicaux relatifs à son état de santé, ne permettent pas d'établir la réalité des risques allégués ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

15. Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, le préfet du Rhône, en prévoyant le retour en Arménie de M.B..., n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 septembre 2013

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N° 12LY02530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02530
Date de la décision : 26/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BARIOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-09-26;12ly02530 ?
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