Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 mars 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1205988 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 10 juillet 2012 portant refus de titre de séjour à MmeE..., et obligation pour cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le courrier par lequel la requête a été notifiée à Mme E...par lettre recommandée avec avis de réception postal, retourné à la Cour avec la mention " non réclamé " ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2013 :
- le rapport de M. Tallec, président ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeE..., ressortissante algérienne, née le 13 février 1984 en
Algérie, a épousé dans ce pays, le 3 novembre 2009, un ressortissant français, M.D... ; qu'elle est entrée en France le 30 janvier 2011 sous couvert d'un visa portant la mention " famille de français " et a obtenu, en qualité de conjointe d'un Français, un certificat de résidence valable jusqu'au 6 juin 2012, dont elle a sollicité le renouvellement le 18 avril 2012 ; que, par arrêté du 10 juillet 2012, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de faire droit à cette demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et d'une décision désignant le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office à l'issue de ce délai ; que le préfet de la Haute-Savoie interjette appel du jugement du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux " ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité ; qu'il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont, à l'exception de certaines dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers qui n'ont pas été écartées par une disposition contraire expresse contenue dans ledit accord, pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent des règles fixées par ledit accord ; qu'une ressortissante algérienne ne peut ainsi utilement, pour contester la légalité d'un refus de renouvellement de certificat de résidence, invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour ; que, toutefois, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, notamment eu égard à l'examen des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que la communauté de vie entre Mme E...et son époux a cessé cinq mois après son arrivée en France ; que, par jugement du 30 octobre 2011, le Tribunal de Draa El Mizan a prononcé le divorce entre les époux ; qu'ainsi, à la date de la demande de renouvellement de son titre de séjour, Mme E... n'était plus conjointe d'un ressortissant français et ne pouvait donc prétendre à un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées ; que si l'intéressée a fait valoir devant le Tribunal qu'elle a été contrainte de quitter le domicile conjugal au mois de juin 2011 en raison des violences qui lui étaient infligées par son conjoint, et a notamment produit deux certificats médicaux, un dépôt de plainte et une note rédigée par un travailleur social d'une association l'ayant prise en charge, il est constant qu'elle n'a pas fait état de cette situation lors du dépôt de sa demande de renouvellement de titre ; qu'en outre, à supposer même que les violences alléguées, qui n'ont donné lieu à aucune décision de justice, puissent être regardées comme établies, de telles circonstances ne suffisent pas à établir, eu égard notamment au caractère récent du séjour en France de l'intéressée, qu'en refusant de lui renouveler son titre de séjour, le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle ; que le préfet est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu ce motif d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
5. Considérant que l'arrêté en litige a été signé par M. B...C..., directeur de cabinet du préfet de la Haute-Savoie, disposant d'une délégation de ce préfet en vertu d'un arrêté du 6 décembre 2010 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture le même jour ; que cette délégation lui donnait compétence pour signer ce type de décision en cas d'absence ou d'empêchement du préfet et du secrétaire général ainsi que dans le cadre des permanences du corps préfectoral ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées manque en fait ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que si Mme E...fait valoir sa bonne intégration en France, où elle a exercé une activité professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions litigieuses, l'intéressée ne réside sur le territoire français que depuis 18 mois ;qu'elle vit seule, sans enfant à charge et n'allègue pas disposer d'attaches privées ou familiales en France alors qu'elle en possède en Algérie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée de son séjour en France, Mme E...ne peut être regardée comme ayant fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que, par suite, les décisions contestées n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée et n'ont pas, en conséquence, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions des articles de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié qui ont une portée équivalente à celle de cet article, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de soumettre le cas de Mme E...à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que Mme E...ne saurait utilement se prévaloir des énonciations, dépourvues de valeur réglementaire, contenues dans les circulaires ministérielles du 1er décembre 1999 et 19 décembre 2002 ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 10 juillet 2012 portant refus de titre de séjour à MmeE..., et obligation pour cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1205988 du 7 février 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...au Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...E....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2013 à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juillet 2013.
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N° 13LY00628