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18/07/2013 | FRANCE | N°12LY02819

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 juillet 2013, 12LY02819


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour la communauté de communes Limagne d'Ennezat, dont le siège est 8 rue du moulin à Ennezat (63720), représentée par son président en exercice ;

La communauté de communes Limagne d'Ennezat demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1101719 du 20 septembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à payer à Mme A...une indemnité de 6.000 euros, avec intérêts capitalisés, et un montant de 1.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

et de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administrati...

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour la communauté de communes Limagne d'Ennezat, dont le siège est 8 rue du moulin à Ennezat (63720), représentée par son président en exercice ;

La communauté de communes Limagne d'Ennezat demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1101719 du 20 septembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à payer à Mme A...une indemnité de 6.000 euros, avec intérêts capitalisés, et un montant de 1.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif ;

Elle soutient que le Tribunal administratif a estimé à tort, sans admettre l'existence d'un lien suffisant entre les conclusions, que les conclusions de la requête collective étaient recevables ; qu'il a refusé à bon droit de retenir un préjudice financier, mais a évalué à 6.000 euros le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ; que si Mme A...établit souffrir de problèmes psychologiques, elle ne démontre pas de faute et de harcèlement moral de la part de l'administration ; que seule une expertise médicale pourrait déterminer si son affection est due à du harcèlement moral ; que le préjudice invoqué est flou ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2013, par lequel Mme A...conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué, à l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2011 qui l'exclut temporairement de ses fonctions, à être rétablie dans ses droits, à la condamnation de la requérante à lui payer une indemnité de 4.000 euros, avec intérêts capitalisés, en réparation du préjudice subi du fait de l'exclusion de fonctions, une somme de 60.000 euros, avec intérêts capitalisés à compter du 13 septembre 2011, en réparation des troubles dans les conditions d'existence et des préjudices financier et professionnel subis du fait du harcèlement moral, et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que ses conclusions de première instance sont recevables ; que l'arrêté du 15 juillet 2011 est illégal, car elle n'a pas manqué au respect de l'obéissance hiérarchique et du devoir de réserve ; que cet arrêté est entaché de détournement de pouvoir ; que sur le harcèlement moral, la communauté de communes n'a pas défendu en première instance ; que les pièces qu'elle produit en appel établissent les faits litigieux, et qu'elle-même ne souffre d'aucun antécédent de fragilité ; que l'arrêté du 31 mai 2012, qui la change d'affectation, qu'elle a contesté devant le Tribunal administratif, sanctionne son comportement sans respecter la procédure ; que le harcèlement moral réprimé par l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 est établi, car les décisions prises par sa hiérarchie ont amoindri ses attributions et confiné à l'éviction de fait ; qu'elle a subi des hurlements et propos désobligeants en public, une remise en question permanente de ses compétences, une manipulation des comptes-rendus de réunion pour inventer des propos à son sujet ; qu'elle a été éloignée des moyens de direction, de son secrétariat, du personnel, du matériel et de dossiers ; qu'elle n'a jamais bénéficié du logement de fonction déduit de son traitement, et que son logement à proximité de bureaux et vestiaire rendait impossible un sommeil correct ; que son ordinateur n'était pas relié au réseau informatique de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; qu'on l'a empêchée de diriger correctement cet établissement, notamment en lui refusant de nombreux projets comme un audit ; que ses demandes de formation ont été retardées ; que son dossier d'inscription au concours de conseiller socio-éducatif a fait l'objet d'annotations ambigües du président de la communauté de communes ; que son rapport d'évaluation a été écarté ; que la comptabilité et le système de facturation de l'établissement lui ont été retirés, qu'on a cessé de la consulter et de l'informer à propos du personnel recruté dans l'EHPAD et de l'ensemble de ses missions de directrice ; qu'un cadre de santé a été recruté, pour exercer une partie de ses missions ; qu'elle a appris en octobre 2010 que la directrice générale des services dirigerait l'EHPAD, et que la communauté de communes a publié le 18 août 2011 une offre d'emploi de responsable du centre intercommunal d'action sociale (CIAS) ; qu'un administrateur provisoire a été nommé à la tête de l'EHPAD en septembre 2011, et que ses fonctions de directrice lui ont été retirées par arrêté du 31mai 2012 la changeant d'affectation, avec retrait de la bonification indiciaire ; que l'arrêt de travail du 5 août 2010, l'attestation du docteur Chapel, le rapport médical attestant une dépression réactionnelle, et les attestations produites démontrent la nette dégradation de sa santé physique et psychique, qui l'a conduite à l'arrêt maladie ; que le préjudice lié à l'illégalité de l'exclusion de fonctions doit être évalué à 4.000 euros ; que le préjudice moral, l'altération de santé, et les troubles dans les conditions d'existence liés au harcèlement moral doivent être évalués à 40.000 euros ; que les préjudices professionnel et financier dûs au harcèlement moral doivent être évalués à 20.000 euros ;

Par courrier du 10 avril 2013 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité d'une partie des conclusions incidentes de MmeA... ;

Vu la réponse au moyen d'ordre public, enregistrée le 15 avril 2013, par laquelle Mme A...indique que ses conclusions incidentes relatives au même fait générateur que l'appel principal, sont recevables ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2013, par lequel la requérante persiste dans ses écritures ; elle soutient, en outre, que les conclusions de Mme A...relatives à la sanction sont irrecevables ; que l'intéressée n'a pas été capable de présenter de budget de l'établissement pour 2010, n'a pas subi de préjudice financier, et a été souvent en congé durant l'été 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2013 :

- le rapport de M. Rabaté, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- les observations de Me Michel, avocat de la communauté de communes de Limagne d'Ennezat, et celles de Me Libert, avocat de MmeA... ;

1. Considérant que la communauté de communes de Limagne d'Ennezat relève appel du jugement du 20 septembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à payer à MmeA..., directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), une indemnité de 6.000 euros, avec intérêts capitalisés; que Mme A..., par appel incident, demande l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2011 qui l'exclut de ses fonctions pour trois jours, à être rétablie dans ses droits, la condamnation de la requérante à lui payer une indemnité de 4.000 euros, avec intérêts capitalisés, en réparation du préjudice subi du fait de l'exclusion de fonctions, et une somme de 60.000 euros, avec intérêts capitalisés, en réparation des troubles dans les conditions d'existence et des préjudices financier et professionnel subis du fait du harcèlement moral dont elle aurait été victime ;

Sur la recevabilité de la demande :

2. Considérant que les conclusions d'une requête collective, qu'elles émanent d'un requérant ou de plusieurs requérants, sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant ; que les conclusions présentées par Mme A...devant les premiers juges tendaient à l'annulation de l'arrêté susmentionné du 15 juillet 2011, et à la condamnation de la communauté de communes à indemniser les préjudices subis du fait du harcèlement moral allégué et de l'exclusion de fonctions, laquelle s'inscrivait dans le cadre dudit harcèlement ; qu'ainsi ces conclusions présentaient entre elles un lien suffisant ; que dès lors, le Tribunal administratif a estimé à bon droit qu'elles étaient recevables ;

Sur la recevabilité de l'appel incident :

3. Considérant que la requérante relève appel du jugement attaqué en tant qu'elle a été condamnée à verser à Mme A...la somme de 6 000 euros, en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral ; que, dès lors, les conclusions de l'appel incident de l'intéressée, contenues dans un mémoire enregistré le 18 mars 2013, soit après l'expiration du délai d'appel, en tant qu'elles tendent à l'annulation de l'arrêté susmentionné du 15 juillet 2011, à être rétablie dans ses droits, et à la réparation du préjudice subi du fait de l'exclusion de fonctions, qui se rattachent à un fait générateur différent, soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables ;

Sur le bien fondé des appels :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;

5. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que les pièces versées au dossier suffisamment nombreuses, probantes, circonstanciées et concordantes, font état d'une dégradation des conditions de travail de Mme A... dès l'été 2010 , conduisant l'agent au congé maladie pour dépression en juin 2011, avec sa mise à l'écart professionnelle progressive, d'abord par l'isolement de son bureau en janvier 2011, puis la perte en février 2011 de ses prérogatives en matière de recrutement et de gestion du personnel de l'EHPAD " Le bosquet ", sans que soit clairement redéfini le contenu de ses fonctions de direction dudit établissement, culminant avec la publication d'une offre d'emploi de " responsable de CIAS " ayant notamment pour mission d'assumer ses fonctions en assurant " la responsabilité opérationnelle de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de 79 places " en août 2011 ; que sont de même établis l'adoption répétée, à son égard, par le président de l'EHPAD concerné, d'un comportement vexatoire, notamment en public, contribuant à accroître son isolement professionnel, et le refus injustifié avec menace de radiation des cadres, d'un congé pour formation en novembre 2010 ; que les pièces susmentionnées ne sont pas infirmées par les attestations et courriers produits en appel par la communauté de communes, qui au surplus ne démontrent pas l'insuffisance professionnelle de MmeA... ; que ces pièces établissent un lien de causalité entre la dégradation de l'état de l'intéressée, qui n'avait pas d'antécédent dépressif, et les mesures vexatoires subies ; que, dès lors, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, et sans qu'il soit utile d'ordonner une expertise médicale, les éléments produits confirment l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral ;

7. Considérant que Mme A...ne justifie pas avoir subi, du fait dudit harcèlement, un quelconque préjudice financier ou professionnel, notamment par la perte d'une chance sérieuse de réussir la formation de directrice d'établissements sociaux ;

8. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme A...à raison des agissements fautifs susévoqués ayant duré près de quinze mois en les évaluant à la somme de 12.000 euros ; que par suite, la communauté de communes doit être condamnée à lui verser cette somme, avec intérêts à taux légal à compter du 12 septembre 2011, date de réception de la demande préalable, et capitalisation des intérêts au 12 septembre 2012 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel principal de la communauté de communes de Limagne d'Ennezat doit être rejeté ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en appel :

10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à la condamnation de MmeA..., qui n'est pas partie perdante à l'instance ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la requérante à payer à Mme A...une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes de Limagne d'Ennezat est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes de Limagne d'Ennezat versera à Mme A...une indemnité de 12.000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2011. Les intérêts, échus le 12 septembre 2012, de cette somme, seront capitalisés à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La communauté de communes de Limagne d'Ennezat versera à Mme A...une somme de 1.000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 septembre 2012 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Limagne d'Ennezat et à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2013, où siégeaient :

- M. Tallec, président de chambre,

- M. Rabaté, président-assesseur,

- M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2013 .

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12LY02819


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Vincent RABATE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP MICHEL - ARSAC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 18/07/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12LY02819
Numéro NOR : CETATEXT000027771121 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-18;12ly02819 ?
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