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11/07/2013 | FRANCE | N°13LY00321

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 13LY00321


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C... A...épouseB..., domiciliée ...;

Mme A...épouse B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204603 du 9 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2012 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

2°) d'annuler pour excès de

pouvoir cet arrêté du préfet du Rhône en date du 19 avril 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet du...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C... A...épouseB..., domiciliée ...;

Mme A...épouse B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204603 du 9 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2012 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du préfet du Rhône en date du 19 avril 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

La requérante soutient que :

- les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours méconnaissent respectivement les dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au regard de la gravité de son état de santé et de celui de son mari et de leur situation particulière, elle relève de circonstances humanitaires exceptionnelles ; que l'avis du directeur de l'agence régionale devait ainsi être requis ; que, compte tenu de son état pathologique et des causes de ses traumatismes, elle ne peut bénéficier de soins adaptés à son état de santé au Kosovo ; que, compte tenu de leur insuffisance, les structures médicales du Kosovo ne lui permettraient pas de bénéficier d'une psychothérapie dans ce pays ;

- les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation car, d'une part, elle ne peut mener une vie familiale normale dans son pays d'origine compte tenu des risques qu'elle y encourt, d'autre part, sa famille s'est très bien intégrée en France et l'apprentissage de la langue s'est faite pour ses enfants en français ;

- la décision fixant le pays de son renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine du fait de la vendetta engagée à l'encontre de son époux ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations ;

Vu l'ordonnance en date du 14 mai 2013 fixant la clôture d'instruction au 30 mai 2013 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel), en date du 7 décembre 2012, accordant à Mme C... A... épouse B...l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- et les observations de Me Delbes, avocat de Mme B...;

1. Considérant que Mme C...A...épouseB..., née le 23 novembre 1979, de nationalité kosovare, est, selon ses déclarations, entrée en France avec son époux et leurs deux enfants mineurs le 4 février 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 15 septembre 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 juillet 2010 ; que, par arrêté du 14 septembre 2010, le préfet du Rhône a refusé à la requérante la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que la légalité de cet arrêté a été confirmée par jugement n° 1007502 du Tribunal administratif de Lyon en date du 17 mars 2011 et par l'arrêt n° 11LY01678 de la Cour administrative d'appel de Lyon en date du 16 février 2012 ; que la requérante a ensuite sollicité un titre de séjour au titre de son état de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 19 avril 2012, le préfet du Rhône a rejeté cette demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que par jugement n° 1204603 du 9 octobre 2012, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... épouse B...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que cette dernière relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que la requérante soutient ne pas pouvoir bénéficier de traitements appropriés à son état de santé dans son pays d'origine au motif que son état dépressif aurait pour origine les évènements traumatiques qu'elle a subis dans ce pays, liés à l'exercice d'une vendetta menée à l'encontre de son époux ; que, toutefois, si la réalité de l'accident de son mari qui serait la cause de la vendetta menée contre lui est établie, Mme A...épouseB..., dont la demande d'asile et celle de son mari ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas de manière probante, par les pièces jointes au dossier, constituées principalement de certificats médicaux reprenant ses dires et de témoignages de parents ou de proches, les menaces dont elle-même et sa famille auraient fait l'objet ni le lien entre l'agression subie par le père de son mari et la vendetta dont elle fait état ; qu'il n'est, dès lors, pas établi que la pathologie de la requérante serait liée à des évènements vécus dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, si Mme B...fait valoir que les services de soins psychiatriques au Kosovo ne peuvent offrir qu'insuffisamment des psychothérapies comparables à celles mises en oeuvre en France, il n'est toutefois pas établi qu'elle ne pourrait bénéficier dans ce pays des soins appropriés à son état de santé ; que, par suite, Mme A...épouseB..., n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pourrait bénéficier de soins adaptés à son état de santé dans son pays d'origine ; que, d'autre part, la circonstance que, tant la requérante que son mari requièrent une prise en charge médicale et la situation en résultant ne constituent pas une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas recevoir des soins médicaux appropriés à leurs états de santé au Kosovo ; que la requérante n'est pas davantage fondée à faire valoir que l'avis du directeur de l'agence régionale de santé aurait dû dès lors être requis ; que, par suite, Mme A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande de titre de séjour le préfet du Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée Mme A...épouse B...ne résidait en France que depuis trois ans ; que son mari a fait l'objet, le même jour qu'elle-même, d'une décision du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant également obligation de quitter le territoire français ; que la requérante n'établit pas que, comme cela est susmentionné, elle ne pourrait mener une vie familiale normale avec son mari et ses trois enfants au Kosovo, leur pays d'origine ; qu'elle n'allègue ni n'établit y être dépourvue d'attaches familiales ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de la requérante, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a pas, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d' institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

7. Considérant que Mme B...et son époux résident irrégulièrement en France et font tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'est pas établi d'obstacle à ce que leurs enfants, nés respectivement en 2002, 2003 et 2009, les accompagnent ; qu'il n'est pas non plus établi que ces enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Kosovo, alors même qu'ils ont fait l'apprentissage de la langue française dans le cadre de leur récente scolarisation en France ; que, par suite, Mme A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, la décision obligeant Mme A...épouse B...à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

10. Considérant que, pour les motifs précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, la décision obligeant Mme A... épouse B...à quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la c onvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

12. Considérant que, comme cela est susmentionné, Mme A...épouse B...n'établit pas de manière probante par les pièces jointes au dossier la réalité des tentatives de vengeance dont sa famille aurait fait l'objet ni, dès lors, qu'elle encourrait des risques personnels et directs en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, son moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de son renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

14. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A...épouseB..., n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que la demande présentée par le conseil de Mme C...A...épouse B... tendant à l'application à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée dès lors que la requérante est la partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...épouse B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2013.

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N° 13LY00321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00321
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-11;13ly00321 ?
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