Vu la requête, enregistrée à la Cour le 25 juillet 2012, présentée pour M. A...B...domicilié... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002625 du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du maire de Valence du 18 mai 2010 qui retire son arrêté le recrutant et le radie des cadres ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du 18 mai 2010 ;
3°) de condamner la commune de Valence à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement considère à raison qu'il n'a pas commis de fraude ; le Tribunal a toutefois procédé à une substitution de motif, tirée de l'incompatibilité des mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire avec l'exercice de ses futures missions ; alors que la commune n'a fait aucune demande en ce sens, il n'a pas été mis à même de présenter ses observations au moyen relevé d'office par le Tribunal ;
- il a été privé d'une garantie essentielle de procédure, en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car l'administration, qui a mis fin à ses fonctions sans être tenue de le faire, aurait dû appliquer la procédure disciplinaire ;
- la substitution de motif ne pouvait être accueillie car le maire a commis un détournement de procédure ;
- le retrait de son recrutement est illégal, aucune fraude n'ayant été commise ;
- la commune de Valence n'a pas estimé que sa condamnation pénale était incompatible avec ses missions, car la procédure de recrutement a été interrompue lorsque l'autorité communale a eu connaissance du casier judiciaire, puis relancée quand il a produit le jugement du 17 novembre 2009 ordonnant l'exclusion de la condamnation pénale du bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; que le maire a décidé de le recruter malgré la condamnation pénale dont il avait connaissance, l'autorité communale a retiré l'acte quand elle a été informée que l'exclusion de la condamnation du B2 était impossible ;
- l'avis du conseil de discipline était requis ;
- il a vu sa condamnation exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire par décision de justice définitive, ce que le jugement du 17 mai 2011 a confirmé, et le casier judiciaire ne pouvait pas refuser d'exécuter le jugement ; qu'en outre, le maire a commis une erreur d'appréciation, car il est investi dans le secteur rugby pour enfants et préadolescents à la satisfaction de tous ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les mémoires, enregistrés les 14 septembre 2012 et 29 mai 2013, par lesquels la commune de Valence, représentée par son maire en exercice, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure disciplinaire doit être mise en oeuvre lorsque l'administration met fin aux fonctions de l'agent, mais pas comme en l'espèce pour retirer un arrêté de recrutement considéré comme illégal, donc pour un refus de le nommer sur un poste d'animateur ;
- l'autorité communale pouvait retirer un acte administratif obtenu par fraude sans procédure disciplinaire ;
- aucun détournement de procédure n'a été commis ; qu'en février 2010, M. B...ayant transmis au service un extrait du jugement du Tribunal de grande instance (TGI) du 17 novembre 2009 ordonnant l'exclusion de la mention de la condamnation, la ville a relancé son recrutement ; que ce n'est qu'en sollicitant le TGI que l'autorité communale a appris que la condamnation était toujours mentionnée sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire et ne pouvait être retirée avant décembre 2012, suite au courrier du procureur du 17 avril 2010 lequel transmettait une copie de son courrier du 28 janvier 2010 informant M. B... ; ce dernier, qui n'en avait pas informé l'administration, a commis une fraude justifiant le retrait de son recrutement ;
- la décision qui le recrute est illégale, car sa condamnation pour atteinte sexuelle sur mineur est incompatible avec ses futures missions, et pouvait être retirée dans un délai de 4 mois en tant qu'acte créateur de droit ;
- le jugement du 17 novembre 2009 est entaché d'erreur de droit au regard des articles 775-1 et 706-47 du code de procédure pénale ; que nonobstant ce jugement, l'autorité communale devait se référer, conformément à l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983, aux mentions toujours inscrites sur le bulletin n° 2 ;
- il n'appartient pas à l'administration et au juge administratif de trancher les incohérences opposant le casier judiciaire national et le juge judiciaire ; que le jugement du 10 mai 2011 du tribunal correctionnel est postérieur à la décision attaquée ;
- la substitution de motif, sur lequel le requérant a été mis à même de se prononcer en première instance et en appel, est régulière ; qu'en effet le motif avancé par l'administration permet de fonder légalement la décision attaquée, le requérant ne pouvait bénéficier d'une procédure disciplinaire, et il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant sur ce motif ;
Vu la décision du 14 septembre 2012 du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M.B... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2013 :
- le rapport de M. Rabaté, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bazy, avocat du requérant, et celles de MmeC..., représentant la commune de Valence ;
1. Considérant que, par arrêté du 25 avril 2006, M. B...a été titularisé comme agent d'animation de la commune de Pusignan ; que, par arrêté du maire de Valence en date du 8 mars 2010, il a été recruté par cette commune pour exercer les mêmes fonctions ; que, par arrêté du 18 mai 2010, le maire de Valence a retiré son arrêté du 8 mars 2010 et a radié des cadres l'intéressé, au motif que ce dernier avait fraudé, en dissimulant l'inscription au bulletin n 2 de son casier judiciaire d'une condamnation pénale prononcée à son encontre par le Tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône par jugement du 16 octobre 2007 ; que M. B...relève appel du jugement du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du maire de Valence du 18 mai 2010 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant que, par courrier du 22 décembre 2009, le maire de Valence a informé M. B..., alors en fonction dans les services de la commune de Pusignan, qu'il retenait sa candidature au poste d'animateur chargé des préadolescents à pourvoir à la maison pour tous du Plan ; qu'ayant constaté, sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé, que celui-ci avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour agression sexuelle sur mineure prononcée le 16 octobre 2007, l'autorité communale a interrompu la procédure de recrutement ; que, M. B... ayant présenté un jugement du Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône du 17 novembre 2009 ordonnant l'exclusion de la condamnation pénale du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, le maire a décidé de le recruter par arrêté du 8 mars 2010 ; que, toutefois, par un courrier du 8 avril 2010, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a fait savoir à la commune de Valence que la dispense d'inscription de la condamnation pénale de M. B...au bulletin n° 2 de son casier judiciaire avait été irrégulièrement prononcée par le Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône et que la mention subsistait, ce dont l'intéressé avait été avisé par courrier du 28 janvier 2010 ; que si M. B...n'a pas informé la commune de Valence de ce dernier courrier, il ne saurait néanmoins être regardé comme ayant volontairement dissimulé l'inscription d'une condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire dès lors qu'il pouvait légitiment se prévaloir d'un jugement passé en force de chose jugée ordonnant l'exclusion de cette inscription ; que, par suite, et comme l'a jugé à bon droit le Tribunal, le motif initial de la décision contestée, tiré de ce que la fraude commise par M. B...justifiait le retrait de son recrutement, est inexact ;
3. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire (...) 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; que l'administration peut faire application de cette disposition pour refuser de nommer ou de titulariser un agent public ou pour mettre fin aux fonctions de celui-ci, sous la condition, dans ce dernier cas, d'observer la procédure disciplinaire " ; que l'administration peut faire application de cette disposition pour refuser de nommer ou de titulariser un agent public, ou pour mettre fin à ses fonctions, sous la condition, dans ce dernier cas, d'observer la procédure disciplinaire ;
5. Considérant que, pour établir que la décision contestée était légale, la commune de Valence, dans ses écritures de première instance et d'appel, invoque un autre motif, tiré de l'incompatibilité des missions de l'intéressé avec les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; que, toutefois, l'arrêté du 10 juillet 2010, contrairement aux allégations de la commune, visait à mettre fin aux fonctions de M.B... ; qu'ainsi qu'il a été dit, il ne pouvait donc légalement intervenir sans observation de la procédure disciplinaire ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de procéder à la substitution de motif demandée par la collectivité, laquelle priverait le requérant d'une garantie procédurale ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MB..., sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation du requérant, qui n'est pas partie perdante à l'instance ; qu' il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Valence à payer à M.B..., qui a obtenu l'aide juridictionnelle totale, une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er: Le jugement n° 1002625 du 31 mai 2012 du Tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du maire de Valence du 18 mai 2010 sont annulés.
Article 2: Les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la commune de Valence.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2013
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N° 12LY02052