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30/04/2013 | FRANCE | N°12LY01785

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 30 avril 2013, 12LY01785


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107564 du 6 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 26 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les

décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, à titre ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107564 du 6 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 26 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, à titre principal, en cas d'annulation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le mois suivant l'arrêt à intervenir, ou, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de l'assigner à résidence avec droit au travail, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreur de fait ; que cette même décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et en l'absence de saisine du médecin inspecteur de santé publique ; que cette même décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ; qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511- 4-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête, devenue sans objet, l'intéressée étant titulaire d'un récépissé valable du 26 mars au 25 juin 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2013, présenté pour MmeB..., qui maintient ses conclusions ;

Vu la décision du 29 mai 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A... B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2013 :

- le rapport de M. Chanel, président de chambre,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...B..., née le 7 juin 1956 dans l'ancienne République Socialiste Soviétique d'Azerbaïdjan, de nationalité indéterminée, est entrée en France le 11 juin 2001, accompagnée de son époux et d'un de leurs trois enfants alors âgé de 15 ans ; que sa demande d'asile a été définitivement rejetée, de même que celle de son époux, par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 3 janvier 2005, confirmée par la Commission de recours des réfugiés le 18 octobre 2006 ; qu'ayant sollicité, le 15 février 2008, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313­11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 13 août 2009 au 12 août 2010, en raison de l'état de santé de son époux, qui était titulaire d'un titre de séjour en qualité d'" étranger malade " ; que ce dernier est décédé en février 2010 ; que Mme B...a sollicité, le 30 août 2010, le renouvellement de son titre de séjour ; que, par jugement du 16 novembre 2010, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur la demande de la requérante en date du 15 février 2008 en ce qu'elle tendait à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a fait injonction au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ; que, dans le cadre du réexamen de sa situation, l'intéressée a sollicité par courrier reçu en préfecture le 14 janvier 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313­11 ou de l'article L. 313­14 du code ; que, par les décisions du 26 août 2011, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné l'Arménie comme pays à destination duquel elle serait reconduite ; que Mme B...relève appel du jugement du 6 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces dernières décisions ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle a été contrainte de quitter l'Arménie en 1994 avec les membres de sa famille en raison de menaces pesant sur son époux ; qu'elle aurait alors rejoint la Russie, pays qu'elle aurait à nouveau été contrainte de fuir pour solliciter l'asile en France, où elle est entrée irrégulièrement le 11 juin 2001 accompagnée de son époux et d'un de ses trois enfants, né en Arménie le 16 août 1986 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, Mme B...séjournait depuis plus de 10 ans sur le territoire français, ainsi que son fils Karen âgé de 25 ans ; que ses deux autres enfants vivent en Russie et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle aurait conservé des attaches en Arménie, pays dont il n'est pas davantage établi qu'elle posséderait la nationalité, le titre de séjour qui lui a été délivré en 2009 mentionnant à cet égard que sa nationalité est " indéterminée ", et qu'elle soutient, sans être contredite, avoir quitté ce pays il y a dix-huit ans ; que si, à la date de la décision attaquée, son fils Karen ne bénéficiait d'aucun droit au séjour en France, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de présentation consulaire du 6 juin 2008 et d'un jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon le 14 mai 2012, que ce dernier avait fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement à destination de l'Arménie qui n'ont pu être exécutées faute de laissez-passer consulaires ; qu'en outre, Mme B... bénéficie en France d'une prise en charge médicale pour plusieurs pathologies, notamment un syndrome anxio-dépressif chronique, aggravé depuis le décès de son époux en 2010 et nécessitant un suivi psychologique, ainsi qu'un syndrome d'apnée du sommeil nécessitant un appareillage d'assistance nocturne, une hypertension artérielle et une hyperthyroïdie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée du séjour de la requérante en France, la décision contestée a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête sur ce point, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

5. Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, le préfet a délivré à Mme B...un récépissé de demande de carte de séjour valable du 26 mars au 25 juin 2013 ; que cette décision a eu pour effet d'abroger l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ces deux décisions ont perdu leur objet ;

Sur l'injonction demandée :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

7. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision du préfet du Rhône du 26 août 2011 refusant la délivrance d'un titre de séjour implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre à Mme B...le titre sollicité ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au profit de Me Couderc, avocat de MmeB..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B...tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 26 août 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Article 2 : Le jugement n° 1107564 du 6 mars 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B...ainsi que la décision du préfet du Rhône du 26 août 2011 refusant la délivrance d'un titre de séjour sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à Mme B...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 200 euros à Me Couderc, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à MmeB....

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2013 à laquelle siégeaient :

- M.Chanel, président de chambre,

- M. Bourrachot, président-assesseur,

- M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2013.

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N° 12LY01785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01785
Date de la décision : 30/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : ALAIN COUDERC ET MORAD ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-30;12ly01785 ?
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