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18/04/2013 | FRANCE | N°12LY02085

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 12LY02085


Vu le recours enregistré le 2 août 2012 par lequel le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100942 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 23 février 2011 du directeur interrégional centre-est des services pénitentiaires confirmant la décision du 10 février 2011, par laquelle la commission de discipline de la maison centrale de Saint-Maur a infligé à M. A...une sanction de 30 jours de quartier disciplinaire ;

Le garde des Sceaux, ministre de la justice, soutient que

le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant sur ...

Vu le recours enregistré le 2 août 2012 par lequel le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100942 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 23 février 2011 du directeur interrégional centre-est des services pénitentiaires confirmant la décision du 10 février 2011, par laquelle la commission de discipline de la maison centrale de Saint-Maur a infligé à M. A...une sanction de 30 jours de quartier disciplinaire ;

Le garde des Sceaux, ministre de la justice, soutient que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant sur le moyen inopérant en l'espèce que le principe du contradictoire aurait été méconnu du fait du refus du chef d'établissement du visionnage de la bande vidéo, dès lors d'une part que M. A...a reconnu les faits, d'autre part que ni l'autorité de poursuite, ni les membres de la commission de discipline, ni le directeur interrégional ne se sont fondés sur le visionnage de la bande vidéo pour prendre leur décision ; à titre subsidiaire, que des motifs de sécurité justifiaient que la vidéosurveillance ne soit pas visionnée par M.A... ; à titre infiniment subsidiaire, que les juges de première instance auraient dû opérer un contrôle restreint sur l'opportunité du visionnage de la vidéo ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 17 janvier 2013 fixant la clôture d'instruction au 4 février 2013 ;

Vu l'ordonnance du 6 février 2013 portant report de la clôture d'instruction au 21 février 2013 ;

Vu le mémoire enregistré le 19 février 2013, présenté pour M. B...A... qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision de la commission de discipline a violé son droit à un tribunal impartial et indépendant, du fait, d'une part, de la confusion des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement du chef d'établissement et d'autre part de l'absence d'identification des personnes composant la commission de discipline, rendant impossible l'appréciation de l'impartialité de ces personnes ; que la décision a violé les droits de la défense en ce qu'il n'a pas eu accès aux vidéos de surveillance ; que la décision est entachée d'une erreur de fait en ce que la commission n'a pas pris en compte qu'il avait agi pour se défendre contre une agression dont il était victime ; que la décision n'est pas disproportionnée mais injustifiée du fait de l'absence de moyen de défense mis à sa disposition ;

Vu l'ordonnance du 22 février 2013 portant report de la clôture d'instruction au 8 mars 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de M. Dursapt, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

1. Considérant que par jugement du 12 juin 2012, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est en date du 23 février 2011 rejetant le recours hiérarchique formé par M. A...contre la décision du 10 février 2011 par laquelle la commission de discipline de la maison centrale de Saint-Maur lui a infligé une sanction de 30 jours de quartier disciplinaire ; que le garde des Sceaux, ministre de la justice, fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 726 du code de procédure pénale : " Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. / Ce décret précise notamment : / 1° Le contenu des fautes disciplinaires, qui sont classées selon leur nature et leur gravité ; / 2° Les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises. Le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-1 du même code : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : 1° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement [...] " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : / (...) / 7° La mise en cellule disciplinaire. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu d'enquête et de témoignages, que le 2 janvier 2011, à 12 heures, M. A...a porté un coup de poing au surveillant qui venait de lui retirer les menottes après une visite au parloir et que ce fait avait été précédé lors de son transfert au parloir, à 8 h 45, soit trois heures plus tôt, de menaces à l'encontre de ce même surveillant ; que la commission de discipline et le directeur interrégional n'ont pas fondé leur conviction de la réalité des faits sur les enregistrements de vidéosurveillance mais sur les témoignages recueillis et l'enquête administrative, alors que M. A...a d'ailleurs reconnu avoir porté ce coup de poing ; qu'indépendamment de la circonstance qu'il aurait fait l'objet, comme il le prétend, d'une attitude provocatrice de la part du surveillant qui lui aurait donné des coups de menottes, son geste constituait une faute passible de la sanction infligée ; que, dans ces conditions, en n'ayant pas eu recours à l'examen contradictoire des enregistrements de vidéosurveillance, la commission de discipline et le directeur interrégional n'ont pas méconnu le principe du contradictoire ; que, dès lors, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a relevé une telle méconnaissance pour annuler la décision en litige ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...tant en première instance qu'en appel ;

Sur la légalité externe de la décision :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-7 du code de procédure pénale : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-15 du même code : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue. " ;

6. Considérant que la circonstance que le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, sur la base du rapport d'enquête rédigé à la suite du compte rendu d'incident et en application de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale, l'opportunité de poursuivre la procédure disciplinaire puis prononce le cas échéant, en tant que président de la commission de discipline et en vertu de l'article R. 57-7-7 du même code, les sanctions disciplinaires retenues contre la personne détenue ne méconnaît, contrairement à ce que soutient M.A..., ni le principe de valeur constitutionnelle du respect des droits de la défense ni le principe général d'impartialité, applicables en matière de procédures administratives disciplinaires ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice " ; que si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations précitées, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que ces stipulations soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ; que par suite M. A...ne peut utilement les invoquer ;

Sur la légalité interne de la décision :

8. Considérant que, comme il est dit au point 3 ci-dessus, il est établi que M. A...a porté un coup de poing à un surveillant ; que la décision n'est ainsi pas entachée de l'erreur de fait alléguée ;

9. Considérant que le fait reproché à M. A...est au nombre de ceux visés au 1° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale cité au point 2 ci-dessus ; que, conformément au 7° de l'article R. 57-7-33 du même code, il est passible de mise en cellule disciplinaire pouvant aller, selon l'article 726, jusqu'à 30 jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ; que, compte tenu de sa gravité et de son caractère habituel chez M.A..., et à supposer même qu'il aurait été provoqué comme il le prétend, la sanction de mise en cellule disciplinaire de trente jours prise à son encontre n'est pas manifestement disproportionnée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le garde des Sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de M. A...doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0110942 du Tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2012 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M.A... devant le Tribunal administratif de Dijon sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des Sceaux ministre de la justice et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 28 mars 2013 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

M. Dursapt et MmeC..., premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 18 avril 2013.

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N° 12LY02085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02085
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-05-01 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - motifs. Pouvoirs et obligations de l'administration.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Marc DURSAPT
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : BOESEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-18;12ly02085 ?
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