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18/04/2013 | FRANCE | N°12LY01985

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 12LY01985


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012, présentée pour M. D...A..., domicilié... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804401 du 22 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2008 par lequel le maire de La Mure a interdit l'occupation des lieux d'habitation dans le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section AH n° 1260 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Mure une som

me de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012, présentée pour M. D...A..., domicilié... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804401 du 22 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2008 par lequel le maire de La Mure a interdit l'occupation des lieux d'habitation dans le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section AH n° 1260 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Mure une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A...soutient que :

- l'acte en litige ne pouvait se fonder légalement sur l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales car cet article ne permet pas d'interdire l'habitation des lieux, notamment du fait de risques naturels ; eu égard aux conséquences limitées des crues récentes, à la protection assurée par les digues et en absence d'éléments précis et récents, la mesure n'est pas justifiée ; aucun danger grave et imminent n'était établi ;

- l'arrêté se fonde à tort sur des considérations d'urbanisme, alors que l'affectation ancienne du bâtiment, déjà à usage d'habitation, doit être prise en compte ;

- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir, ayant pour but de faire pression sur le propriétaire et de le contraindre à céder son bien ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2013, présenté pour la commune de La Mure, représentée par son maire en exercice ;

La commune de La Mure conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A...une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

La commune fait valoir que :

- l'arrêté en litige a pu légalement se fonder sur l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, au titre des pouvoirs de police du maire, compte tenu du risque de crue torrentielle ;

- le principe de précaution, au besoin par substitution de motifs, justifie légalement la mesure ;

- l'intéressé ne dispose d'aucun droit à occuper sa maison d'habitation ;

- le visa de dispositions d'urbanisme, justifié par le rappel des objectifs de préservation de la sécurité et des règles de constructibilité, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, qui a été pris au titre de mesures de sûreté ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 22 mars 2013, non communiqué, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2012 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant M.A... ;

1. Considérant que, par arrêté du 28 juillet 2009, le maire de la Mure a interdit l'occupation par habitation d'un immeuble situé sur la parcelle cadastrée sous le n° 1260 de la section AH, n° 1260, lieu-dit la Ville, appartenant à M. A...; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de ce dernier tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'immeuble appartenant à M. A..., situé à proximité immédiate de la rivière la Jonche, est exposé à un risque moyen de crues torrentielles ;

4. Considérant que si le maire de La Mure pouvait, en vertu des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, prendre des mesures temporaires ou limitées de prévention ou de sauvegarde, en revanche, il ne lui appartenait pas de prendre une mesure permanente et définitive privant le propriétaire actuel de l'usage de son bien en interdisant l'habitation de l'immeuble ;

5. Considérant que, par suite, eu égard à la nature du risque de crue en cause, et en absence de démonstration de l'existence de risques d'une particulière intensité, une interdiction définitive d'habiter ne pouvait être légalement édictée sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que l'interdiction d'édifier une construction à usage d'habitation au regard des règles applicables en matière d'urbanisme ne permettra pas non plus d'édicter, sur ce fondement, une telle mesure ; que, dès lors, M. A...est fondé à soutenir que pour prendre l'arrêté litigieux le maire de la Mure ne pouvait se fonder légalement sur l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

6. Considérant que la commune de La Mure invoque, au titre de la substitution de motifs, le principe de précaution ;

7. Considérant que l'article 5 de la Charte de l'environnement dispose : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. " ; que l'interdiction d'habiter en litige ne relève pas du champ d'application du principe de précaution, qui permet seulement d'encadrer une activité susceptible de générer un dommage pour l'environnement ; qu'au demeurant ce principe n'a ni pour objet ni pour effet de permettre au maire d'édicter une mesure définitive et disproportionnée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de La Mure doivent être rejetées ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de la Mure une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0804401 du Tribunal administratif de Grenoble du 22 mai 2012 et l'arrêté du 22 juillet 2008 par lequel le maire de La Mure a interdit l'occupation des lieux d'habitation dans le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section AH n° 1260 sont annulés.

Article 2 : La commune de La Mure versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de La Mure tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à la commune de La Mure et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2013 où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. C...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 18 avril 2013.

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N° 12LY001985

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01985
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-03-01-04 Police. Police générale. Sécurité publique. Police des lieux dangereux. Terrains inondables.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : BAUDELET ET PINET AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-18;12ly01985 ?
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