Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2012 au greffe de la Cour, présentée pour la société X Car, dont le siège est situé 4 boulevard Paul Langevin à Fontaine (38600) ;
La société X Car demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805614 du 11 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de la contribution à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;
2°) de la décharger desdites impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le montant des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Elle soutient que la proposition de rectification était insuffisamment motivée, au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, s'agissant notamment du fondement légal des réintégrations opérées au titre des avantages en nature ; que la renonciation à percevoir des intérêts auprès de la société Car Diffusion était justifiée, au regard des difficultés financières de cette société, d'une part, des relations économiques étroites entre les deux partenaires, d'autre part ; qu'en effet, sa renommée est liée à celle de la société Car Diffusion et elle entretient des relations commerciales avec cette dernière, ainsi qu'en attestent les sommes facturées entre les deux sociétés, sans qu'y fasse obstacle l'absence d'engagement juridique vis-à-vis des fournisseurs communs ; que l'évaluation de la renonciation à recettes est erronée, le taux d'intérêt retenu devant être un taux de rémunération des dépôts et non un taux d'emprunt ; que l'administration ne pouvait évaluer l'avantage en nature retiré par son gérant de l'utilisation de véhicules de la société selon une méthode d'évaluation forfaitaire ; que les gérants majoritaires sont exclus de la tolérance fixée par l'instruction 5 F-1-07 du 12 janvier 2007, ainsi que par l'instruction du 6 février 2004, leurs avantages en nature devant être évalués à leur valeur réelle ; que l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, devait rechercher, par tous moyens, les éléments lui permettant d'évaluer l'avantage en nature ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que seule une partie des impositions complémentaires a été contestée ; que la proposition de rectification était suffisamment motivée ; que la requérante n'établit pas la réalité d'une contrepartie directe à l'avantage accordé à la société Car Diffusion ; que le risque de liquidation judiciaire de cette société n'est pas avéré ; que le taux d'intérêt retenu est le taux applicable, à compter du 1er janvier 1999, pour le calcul du plafond déductible des intérêts versés aux associés à raison des sommes mises à disposition d'une société ; que l'utilisation à titre privé par M. Sevilla de véhicules appartenant à sa société constitue un avantage occulte non comptabilisé ; qu'en vertu de l'arrêté du 10 décembre 2002, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privative d'un véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait ; qu'en tant que gérant d'une EURL soumise à l'impôt sur le revenu, M. Sevilla n'est pas visé par les dispositions de l'instruction 5 F-1-04 prévoyant une évaluation des avantages en nature perçus pour leur montant réel ; que la société X Car n'ayant fourni aucun élément permettant d'évaluer l'avantage résultant de l'utilisation de véhicules, l'administration a pu procéder à une évaluation forfaitaire ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 décembre 2012, présenté pour la société X Car, qui persiste dans ses conclusions en demandant, à titre subsidiaire, que soit prononcé un dégrèvement, s'agissant de l'avantage occulte octroyé à son gérant, sur le fondement d'un prix moyen des véhicules de 5 720 euros en 2003, et 6 469 euros en 2004 et 2005 ; elle soutient en outre qu'il y a lieu de retenir le prix de revient moyen des véhicules en stock ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2013 :
- le rapport de M. Besse, rapporteur,
- et les conclusions de M. Lévy Ben-Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que la société X Car, qui exerce une activité de vente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés et de la contribution à cet impôt ont été mis à sa charge ; qu'elle relève appel du jugement du 11 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions ;
Sur la régularité de la procédure de vérification :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; que la proposition de rectification adressée à la société X Car précise, s'agissant du rehaussement relatif à l'avantage en nature dont a bénéficié le gérant de la société, que ce dernier a déclaré utiliser les véhicules de la société pour ses déplacements privés, qu'aucun avantage en nature n'a été déclaré à ce titre dans les comptes de la société, qu'en raison de ce défaut d'inscription ces charges ne peuvent être considérées comme un élément de rémunération déductible du bénéfice imposable, avant de détailler les modalités de détermination de cet avantage, par application des dispositions de l'article 82 du code général des impôts et de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, ainsi que de l'instruction 5 F-1-04 du 6 février 2004 ; qu'ainsi, et alors que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'est pas tenue en toute circonstance, sous peine d'irrégularité, de mentionner dans la proposition de rectification l'ensemble des articles du code général des impôts dont il est fait application, ledit document a mis à même la contribuable de comprendre la portée des rectifications et d'en discuter utilement le bien-fondé, et est, par suite, suffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rehaussement au titre de l'avantage en nature consenti au gérant :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel. " ; qu'il est constant que M. Sevilla, gérant de la société, qui ne disposait pas de véhicule personnel, a utilisé de manière permanente, pendant la période contrôlée, différents véhicules achetés par la société X Car, avant qu'ils ne soient revendus ; que l'avantage en nature résultant de l'utilisation privative de ces véhicules n'a pas été explicitement inscrit dans la comptabilité de la requérante, qui ne pouvait déduire ces charges de son bénéfice imposable ;
4. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 82 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2003 et 2004 : " L'estimation des rémunérations allouées sous la forme d'avantages en nature est faite d'après les évaluations prévues pour l'application aux salariés du régime de sécurité sociale lorsque le montant des sommes effectivement perçues en espèces par le bénéficiaire n'est pas supérieur au chiffre limite fixé pour le calcul des cotisations afférentes à ce régime d'assurances et, dans le cas contraire, d'après leur valeur réelle. " ; qu'aux termes de sa rédaction applicable en 2005 : " Le montant des rémunérations allouées sous la forme d'avantages en nature est évalué selon les règles établies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 741-10 du code rural. " ; qu'il résulte de l'instruction que, pour évaluer l'avantage en nature résultant de la mise à disposition d'un véhicule personnel à M. Sevilla, l'administration, en l'absence de toute précision de la requérante sur les conditions d'usage de ces véhicules, a retenu la méthode forfaitaire prévue par l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale ; que le vérificateur a estimé que le prix de revient moyen des véhicules utilisés par M. Sevilla était de 15 000 euros et appliqué un pourcentage de 12 %, retenu par les textes précités pour les véhicules de moins de cinq ans lorsque, comme en l'espèce, l'employeur prend en charge les frais de carburant ;
5. Considérant que la société X Car soutient qu'alors même qu'elle n'avait fourni aucune information sur les conditions d'utilisation des véhicules mis à disposition du gérant, l'administration aurait dû évaluer l'avantage en nature en tenant compte de sa valeur réelle ; que lorsque l'employeur met à la disposition du salarié un véhicule, la valeur de l'avantage en nature qui en résulte doit inclure l'ensemble des dépenses que le salarié aurait eu nécessairement à supporter s'il avait utilisé, dans les mêmes conditions, un véhicule personnel, et notamment les dépenses d'entretien, de carburant, d'amortissement, d'assurance et de réparation ; que, si la société X Car estime que le vérificateur aurait dû retenir un prix de revient des véhicules inférieur, sur la base de la valeur moyenne des voitures de son stock, il résulte de l'instruction, et notamment des constatations faites en cours de contrôle et non sérieusement contestées, que M. Sevilla utilisait principalement des véhicules confortables et de moins d'un an ; qu'ainsi, l'administration a pu retenir un prix de revient moyen de 15 000 euros, alors qu'il résulte de l'instruction que la société X Car possédait en stock des véhicules d'une valeur égale ou supérieure à ce montant ; que compte tenu d'un amortissement des véhicules sur cinq ans, comme le prévoit l'arrêté du 10 décembre 2002 susvisé, ainsi que des autres dépenses, notamment de carburant, qu'aurait nécessairement exposées M. Sevilla, l'administration, en retenant une somme de 1 800 euros par an, n'a pas fait une évaluation excessive de l'avantage en nature retiré par M. Sevilla de l'utilisation des véhicules mis à sa disposition ;
En ce qui concerne le rehaussement au titre de l'abandon de recettes :
6. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société X Car a consenti des avances de trésorerie sans intérêts à la société Car Diffusion, d'une part, en ne recouvrant pas la somme de 247 541,64 euros dont celle-ci était débitrice envers elle en début de période contrôlée, à l'exception d'une compensation opérée en 2004, d'autre part, en procédant à des avances régulières, d'un montant total de 49 021,23 euros au 31 décembre 2005 ; que la société X Car fait valoir que la société Car Diffusion a été victime d'une escroquerie à l'origine d'une perte importante, la somme de 325 316 euros qu'elle a obtenue à titre de dommages et intérêts, par jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble, n'ayant pu être recouvrée du fait de l'insolvabilité du débiteur ; que, si la société X Car fait valoir qu'alors même que les deux sociétés sont juridiquement indépendantes, leur renommée est intimement liée, dès lors qu'elles ont le même gérant, le même siège et la même activité, elle ne justifie ni du risque allégué de cessation de paiement de la société Car Diffusion, ni des répercussions éventuelles d'une telle situation sur sa réputation et son activité ; que, si elle fait valoir que les deux sociétés ont des liens commerciaux étroits, elle n'en justifie pas, alors qu'il n'est pas contesté que la société Car Diffusion n'a acheté aucun véhicule à la société X Car au cours de la période contrôlée et que, si la requérante a pu acheter quelques véhicules à la société Car Diffusion, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle était un de ses fournisseurs principaux, dont la cessation d'activité aurait pu mettre en péril l'approvisionnement de la requérante ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé la renonciation à intérêts comme un abandon anormal de recettes ;
8. Considérant que, pour déterminer le montant de l'abandon de recettes, l'administration a appliqué sur les sommes en litige la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit, pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans ; que, toutefois, celui-ci doit être apprécié par rapport à la rémunération que le prêteur aurait pu obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il aurait placé, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ; que, dans les circonstances de l'espèce, si elle a finalement duré plusieurs années, l'avance a été faite dans l'attente du jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble portant sur l'escroquerie dont a été victime la société Car Diffusion et devait ainsi être regardée comme une avance à court terme portant sur des fonds susceptibles d'être immédiatement disponibles ; que l'avantage en résultant doit de ce fait être déterminé au regard de placements effectués dans des Sicav monétaires ou des fonds communs de placement monétaires ; qu'en l'état de l'instruction, la Cour ne dispose pas des informations nécessaires pour déterminer, sur ce fondement, le montant de l'abandon de recettes pouvant être intégré dans le bénéfice imposable de la société X Car au titre des années 2003, 2004 et 2005 ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, un supplément d'instruction afin que les parties fournissent tous éléments sur la rémunération que la société X Car aurait pu obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé, sur les années litigieuses, pour le placement de sommes d'un montant équivalent en Sicav monétaires ou en fonds communs de placement monétaires ; qu'il y a lieu de laisser un délai d'un mois aux parties pour produire de tels éléments ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté la demande de la société X Car tendant à la décharge des impositions supplémentaires résultant des rehaussements au titre des avantages en nature consentis à son gérant sont rejetées.
Article 2 : Avant-dire droit sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement n° 0805614 du 11 mai 2012 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société X Car tendant à la décharge des impositions résultant des rehaussements au titre des abandons de recettes sur les avances consenties à la société Car Diffusion, il est ordonné aux parties de produire, dans un délai d'un mois, tous éléments sur la rémunération que la société X Car aurait pu obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel elle aurait placé dans des Sicav monétaires ou des fonds communs de placement monétaires des sommes d'un montant équivalent.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête dans l'attente de la production des éléments mentionnés à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société X Car et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 avril 2013.
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N° 12LY01799