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14/03/2013 | FRANCE | N°12LY01733

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 mars 2013, 12LY01733


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A...C..., domiciliée...,;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201739, du 5 juin 2012, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 27 février 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'en

joindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois, so...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A...C..., domiciliée...,;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201739, du 5 juin 2012, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 27 février 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois, sous astreinte, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois, sous astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée en fait ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est discriminatoire à son égard dès lors qu'elle subordonne son embauche à la justification, par son employeur, de recherches préalables de candidats restées infructueuses ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a été en effet établi que ce sont les violences dont elle a été victime de la part de son mari qui l'ont contrainte à quitter le domicile conjugal ; cette décision est, pour les mêmes raisons, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée de défaut de motivation ;

- cette décision est aussi entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 18 janvier 2013, fixant la clôture de l'instruction au 1er février 2013, à 16 heures 30, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2013, présenté par le préfet de l'Isère, tendant au rejet de la requête de Mme C...et invitant la Cour à se reporter à son mémoire produit en première instance ;

Vu la décision du 20 août 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :

- le rapport de M. Reynoird, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Belloti, avocat de Mme C...;

Sur la légalité des décisions contestées :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de ces décisions :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Sans préjudice des dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...C..., ressortissante tunisienne née le 14 novembre 1965, est entrée en France le 24 juillet 2009 et y a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " conjoint de français ", en raison de son mariage avec un ressortissant français, M. B...; que le préfet de l'Isère lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour en raison de la rupture de la communauté de vie entre les époux, en précisant que l'intéressée n'établissait pas que la communauté de vie avait été rompue en raison de violences conjugales subies par elle ; que, toutefois, par un arrêt en date du 21 décembre 2012, la chambre des affaires familiales de la Cour d'appel de Grenoble a prononcé le divorce de M. et Mme B... aux torts exclusif du mari, aux motifs que la requérante " fait état de violences l'ayant obligée à consulter médicalement et à se rendre chez les gendarmes ", que " les services d'accueil et d'hébergement social ont attesté des conditions dans lesquelles elle s'est réfugiée pour se protéger de son mari ", notamment dans un " rapport social de l'assistant social du SALTO (Service Accompagnement Logement Transitoire) établi le 24 juin 2010 ", que " le Consulat tunisien a confirmé le 1er juin 2012 les mauvais traitements subis par Mme Amel Jaouad au point d'avoir convoqué le mari " et que la Cour disposait donc " d'éléments suffisants " pour considérer " que l'épouse s'est trouvée contrainte de quitter le domicile conjugal eu égard au comportement de son époux""" ; qu'ainsi, alors même que cette décision est postérieure à l'arrêté attaqué, les faits de violences conjugales subis par la requérante du fait de son époux, dont celle-ci fait état et qui sont antérieurs à la décision attaquée, sont désormais établis ; que Mme C...doit donc être regardée comme établissant que ce sont ces violences conjugales subies par elle qui sont à l'origine de la cessation de la communauté de vie du couple, sur laquelle le préfet de l'Isère s'est fondé pour refuser de renouveler son titre de séjour ; que, par suite, en considérant que les violences conjugales alléguées n'étaient pas établies, le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur de fait qui présente un caractère substantiel dès lors qu'elle a nécessairement affecté son appréciation dans l'application des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère en date du 27 février 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Considérant qu'eu égard au motif sur lequel il se fonde pour annuler la décision du préfet de l'Isère en date du 27 février 2012 refusant à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour et la décision subséquente l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, le présent arrêt implique seulement que le préfet de l'Isère réexamine la demande de Mme C... ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de réexaminer la situation administrative de Mme C...dans le délai de deux mois et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

5. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Belloti, avocate de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Belloti, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201739 du Tribunal administratif de Grenoble du 5 juin 2012 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de l'Isère en date du 27 février 2012 refusant à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation administrative de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me D...Belloti, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : le surplus de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 février 2013, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président- assesseur,

M. Reynoird, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2013.

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N° 12LY01733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01733
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Claude REYNOIRD
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : BELLOTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-14;12ly01733 ?
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