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14/02/2013 | FRANCE | N°12LY01376

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 14 février 2013, 12LY01376


Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2012, présentée M. A...C..., domicilié... ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100379 du 21 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2010 par laquelle le préfet du Cantal a refusé d'échanger son permis de conduire contre un titre de conduite français et la décision du 12 janvier 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler la décision du 26 août 2010 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoind

re au préfet du Cantal, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrê...

Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2012, présentée M. A...C..., domicilié... ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100379 du 21 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2010 par laquelle le préfet du Cantal a refusé d'échanger son permis de conduire contre un titre de conduite français et la décision du 12 janvier 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler la décision du 26 août 2010 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Cantal, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire l'autorisant à conduire sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement combiné de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit ; que son permis de conduire russe est authentique et n'a pas été délivré par l'Etat de la République Tchétchène, qui n'existe pas, mais par la Russie, dont la Tchétchénie fait partie intégrante ; que l'authenticité du permis de conduire ne pouvait être remise en cause que par les autorités consulaires, qui n'ont pas été consultées ; que des compatriotes ont pu obtenir l'échange de leur permis et que le refus d'échange lui est dommageable ; que l'absence de la Tchétchénie de la circulaire du 22 septembre 2006 ne pouvait légalement fonder un refus de permis de conduire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 20 mars 2012 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2012 par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision est suffisamment motivée ; que le préfet était fondé, faute pour le requérant de démontrer le contraire, à refuser l'échange au motif que la réciprocité n'était pas établie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'équipement, des transports et du logement du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

1. Considérant que M. C...a sollicité le 16 juin 2010 l'échange de son permis de conduire ; que, par décision du 26 août 2010, le préfet du Cantal a rejeté sa demande ; que le recours gracieux introduit pour l'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a été rejeté expressément le 12 janvier 2011 ; que par jugement du 21 décembre 2012 le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux actes ; que M. C...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 26 août 2010 ;

Sur la légalité du refus d'échange de permis de conduire :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article R. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté du ministre de l'équipement, des transports et du logement du 8 février 1999 pris pour l'application de ces dispositions : " 7.1 Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire national, délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, doit répondre aux conditions suivantes : 7.1.1. Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve que cet Etat procède, de manière réciproque, à l'échange du permis de conduire français (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le refus de procéder à l'échange du permis de conduire de M. C...est fondé sur la circonstance que son permis de conduire a été établi par les autorités de la République de Tchétchénie, qui ne serait pas un Etat au sens des dispositions précitées, et qui n'engagerait pas les autorités russes ;

3. Considérant cependant que ce document, délivré le 25 novembre 2002, ne se réfère pas à la République de Tchétchénie Itchkérie, sécessionniste ; qu'il indique seulement qu'il émane de la République de Tchétchénie, laquelle est, ainsi que le soutient le requérant, une des composantes de l'Etat fédéral russe, aux termes de la Constitution de la Fédération de Russie de 1993 ; que, d'ailleurs, le tampon qu'il comporte mentionne également le ministère de l'intérieur de Russie ; que, dans ces conditions, ce permis de conduire, dont l'authenticité n'a pas été contestée, doit être regardé comme ayant été émis par une entité agissant au titre de la Fédération de Russie ;

4. Considérant qu'en appel, le ministre de l'intérieur fait valoir que la condition de réciprocité n'était pas satisfaite ; qu'à supposer même qu'il puisse être regardé comme ayant sollicité une substitution de motif, l'existence d'un défaut de réciprocité avec les autorités russes, ou avec l'entité fédérée en cause de l'Etat russe, ne ressort pas des pièces du dossier ; que la charge de cette preuve ne saurait être reportée sur le seul requérant, ainsi que le soutient le ministre, à qui il incombe au contraire de démontrer que la substitution de motif qu'il demande est justifiée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision du 26 août 2010 par laquelle le préfet du Cantal a refusé d'échanger son permis de conduire ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;

7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, toutes les conditions posées à l'échange d'un permis de conduire étant remplies, qu'il soit enjoint à l'administration d'échanger le permis de conduire russe de M. C...contre un permis français ; qu'il lui sera imparti à cet effet un délai d'un mois ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

8. Considérant que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Meral, avocat de M.C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à M. C...;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100379 du 21 décembre 2011 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la décision du préfet du Cantal du 26 août 2010 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Cantal d'échanger le permis de conduire russe de M. C... contre un permis français dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à Me Meral, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à M.C....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal et à Me Meral.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. B...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 février 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01376
Date de la décision : 14/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04 Police administrative. Police générale. Circulation et stationnement. Permis de conduire.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CABINET MERAL-PORTAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-14;12ly01376 ?
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