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12/02/2013 | FRANCE | N°12LY00340

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 février 2013, 12LY00340


Vu le recours, enregistré le 31 janvier 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800789 du 16 décembre 2011 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a déchargé Mme B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004, suite à un rehaussement de 45 000 euros de sa base d'imposition, ainsi que d

es intérêts de retard y afférents ;

2°) de rétablir ces impositions et int...

Vu le recours, enregistré le 31 janvier 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800789 du 16 décembre 2011 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a déchargé Mme B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004, suite à un rehaussement de 45 000 euros de sa base d'imposition, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

2°) de rétablir ces impositions et intérêts de retard ;

Il soutient qu'il appartient à MmeB..., qui a fait l'objet d'une taxation d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition ; que, si l'intéressée invoque l'existence de trois prêts, de 10 000, 30 000 et 5 000 euros, pour justifier d'une partie de la somme remise à la régie du Tribunal de grande instance de Grenoble, elle ne produit que des attestations de prêts dépourvues de dates certaines et présentant des insuffisances ou contradictions ; que, si l'intéressée se prévaut de remboursements de prêts, elle n'en justifie pas de manière probante ; que la procédure de taxation d'office, prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, était régulière, dès lors que Mme B...n'a pas été en mesure de justifier des mouvements de fonds en espèces ; que l'administration a prononcé le 11 janvier 2012 le dégrèvement des majorations pour manquement délibéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2012, présenté pour MmeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les explications qu'elle avait fournies en réponse à la demande de justifications de l'administration, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, n'équivalaient pas à un défaut de réponse, et ne pouvaient justifier le recours à une procédure de taxation d'office ; que cette irrégularité de procédure justifie à elle seule la décharge de l'imposition ; que, s'agissant des prêts de 5 000 et 10 000 euros, il s'agit de prêts familiaux effectués par le frère et le cousin de son concubin, en vue du cautionnement mis à sa charge dans le cadre du contrôle judiciaire ordonné par le juge de l'instruction du Tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'il y a donc présomption de prêt familial ; que, s'agissant du troisième prêt, elle n'a agi qu'en qualité de mandataire de l'emprunteur ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juillet 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui persiste dans ses conclusions, en soutenant en outre que le lien familial avec M. A...n'est pas établi ;

Vu l'ordonnance en date du 9 octobre 2012 fixant la clôture d'instruction au 2 novembre 2012, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben-Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2003 et 2004, après que l'administration eut été informée par le président de la chambre d'instruction du Tribunal de grande instance de Grenoble, agissant en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, de ce que l'intéressée s'était acquittée, le 28 janvier 2004, d'un cautionnement de 75 000 euros exigé pour la remise en liberté sous contrôle judiciaire de son compagnon, sous forme d'un versement en espèces de 40 000 euros et de trois chèques d'un montant total de 35 000 euros ; que, le 16 mars 2006, l'administration a adressé à MmeB..., en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande de justifications portant notamment sur un chèque de 5 000 euros encaissé sur son compte le 27 janvier 2004 ainsi que sur le solde de 41 750 euros de la balance des espèces établie par le vérificateur ; que, le 7 juin 2006, l'administration a adressé à l'intéressée une mise en demeure de préciser ses réponses sur lesdites sommes, en application de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales ; qu'ayant estimé que ces réponses étaient insuffisantes, l'administration a taxé d'office à l'impôt sur le revenu, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, le crédit bancaire de 5 000 euros et une somme de 40 000 euros au titre du solde de la balance des espèces ; que le ministre du budget, qui renonce à l'application des majorations pour manquement délibéré, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2011 en tant qu'il a déchargé Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004, suite à un rehaussement de 45 000 euros de sa base d'imposition, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

En ce qui concerne le rehaussement au titre du chèque de 5 000 euros :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. " ; qu'aux termes de L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ;

3. Considérant que Mme B...ne peut se prévaloir de la présomption de prêt familial s'agissant du chèque de 5 000 euros versé par M. A..., dès lors qu'elle n'établit pas, par la seule production d'un acte de décès de son père, qui fait apparaître que sa grand-mère avait le même nom que ce dernier, que celui-ci était son cousin ; que, toutefois, Mme B...produit un relevé de son compte bancaire attestant du versement par M. A...d'un chèque de 5 000 euros la veille du jour où elle a payé le cautionnement en vue de la libération de son compagnon ; que Mme B...justifie également avoir remboursé cette somme en octobre 2007, après le reversement dudit cautionnement, suite à l'ordonnance de non-lieu dont a bénéficié son concubin ; que, compte tenu du contexte dans lequel est intervenu le versement du chèque et de la cohérence des éléments produits concernant la date du prêt et de son remboursement, Mme B... apporte la preuve de l'origine et du caractère non imposable de la somme versée par M.A... ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Grenoble l'a déchargée des impositions établies à ce titre ;

En ce qui concerne le rehaussement au titre des versements en espèces :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande de justifications et à la mise en demeure qui lui avaient été adressées, Mme B...n'a fourni, pour justifier que la somme de 40 000 euros incluse dans son revenu imposable résultait de prêts, que des attestations peu circonstanciées établies par les deux prêteurs ; que ces éléments peu précis pouvaient être assimilés à un défaut de réponse sans que l'administration fût tenue de demander des explications complémentaires sur l'origine des deux versements correspondants ; que, par suite, Mme B...ayant régulièrement été taxée d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions lui incombe ;

5. Considérant que Mme B...soutient qu'elle a cherché à réunir des fonds pour le paiement du cautionnement requis en vue de la libération de son compagnon auprès de membres de la famille et d'amis de ce dernier, et avoir bénéficié de deux versements en espèces, l'un, d'un montant de 10 000 euros, provenant d'un des frères de son compagnon, l'autre, d'un montant de 30 000 euros, provenant d'un de ses amis ; que, pour justifier de ces prêts, elle ne produit toutefois, s'agissant du premier prêt, qu'une attestation non datée, et, s'agissant du second prêt, qu'une attestation établie en 2006, au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale, et d'une deuxième, datée de 2004, produite pour la première fois en appel, qui ne présente pas de caractère probant ; que, si elle soutient avoir remboursé le premier prêt en novembre 2005, au cours du contrôle, ce remboursement est ainsi intervenu avant le reversement du cautionnement, en 2006 ; que, s'agissant du remboursement du second prêt, qu'elle soutient avoir effectué en espèces, elle se borne à produire un relevé de compte bancaire faisant état du retrait d'une somme de 22 000 euros, en décembre 2005, retrait qui ne peut établir la réalité dudit remboursement, d'un montant au demeurant supérieur ; que, par ailleurs, le montant des sommes qu'elle aurait ainsi remboursées, antérieurement au reversement du cautionnement, apparaît élevé au regard des revenus de l'intéressée, d'environ 15 000 euros par an, sans qu'elle ne fournisse d'explication sur ce point ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'absence de justificatif probant et de concordance des mouvements de fonds, et en dépit du contexte dans lequel est intervenu le versement de la somme en espèces au greffe du Tribunal de grande instance de Grenoble, Mme B...n'apporte pas la preuve, qui lui incombe dès lors qu'elle ne peut se prévaloir de la présomption de prêt familial pour des versements en espèces dont elle n'établit pas l'origine, que les versements litigieux, imposés en tant que revenus d'origine indéterminée, constitueraient des prêts en tant que tels non imposables ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a regardé Mme B... comme établissant le caractère non imposable de ces sommes et l'a déchargée des impositions correspondantes ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est seulement fondé à demander que la réduction de la base imposable à l'impôt sur le revenu de MmeB..., au titre de l'année 2004, soit ramenée de 45 000 à 5 000 euros et à ce que le jugement du Tribunal administratif de Grenoble attaqué soit réformé dans cette mesure ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B...la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant de la réduction de la base imposable de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales de MmeB..., au titre de l'année 2004, est ramené de 45 000 à 5 000 euros.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les cotisations sociales ainsi que les intérêts de retard y afférents auxquels a été assujettie Mme B...au titre de l'année 2004, et dont elle avait obtenu la décharge par le jugement n° 0800789 du Tribunal administratif de Grenoble, sont remis à sa charge, à concurrence des rehaussements définis à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus du recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à Mme B....

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

- M. Chanel, président de chambre,

- M. Bourrachot, président-assesseur,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00340
Date de la décision : 12/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art. L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : RICQUART RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-12;12ly00340 ?
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