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10/01/2013 | FRANCE | N°12LY02266

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2013, 12LY02266


Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée, pour la société Mecatiss dont le siège est situé BP n° 19 à Morestel (38510) ;

La société Mécatiss demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903341 du 15 juin 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confirmé la décision du 13 novembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail avai

t refusé de l'autoriser à licencier M. D... ;

2°) d'annuler la décision du minist...

Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée, pour la société Mecatiss dont le siège est situé BP n° 19 à Morestel (38510) ;

La société Mécatiss demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903341 du 15 juin 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confirmé la décision du 13 novembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé de l'autoriser à licencier M. D... ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 15 mai 2009 ;

Elle soutient :

- que tant le ministre du travail que les premiers juges n'ont pas tenu compte de la convocation à l'entretien préalable qu'elle a envoyée en recommandé le 10 octobre à M. D... et que celui-ci a reçu le lendemain ; qu'il ne peut ainsi être soutenu que le délai de 5 jours ouvrables prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail n'a pas été respecté ;

- que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à M. D... étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2009, présenté pour M. C... D..., qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation du jugement n° 0903341 du 15 juin 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 novembre 2008 refusant à la Société Mecatiss l'autorisation de le licencier ;

3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Mecatiss au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- que dans l'hypothèse où ces faits devraient être regardés comme établis, ils ne peuvent être considérés comme ayant un caractère de gravité suffisante dès lors qu'il a continué, après les faits en cause, à effectuer les mêmes tâches dans des centrales nucléaires ;

- que la société Mecatiss aurait très bien pu lui remettre la convocation à l'entretien préalable le 10 octobre car il assistait, ce jour -là, en présence du directeur de cette société, à une réunion des délégués ;

- qu'il est démontré qu'il se trouvait en grand déplacement à Fessenheim ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me de La Brosse, avocat de la société Mécatiss ;

1. Considérant que la société Mecatiss a sollicité, le 27 octobre 2008, l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de M.D..., titulaire des mandats de délégué syndical et de membre de la délégation unique du personnel ; que, par décision du 13 novembre 2008, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que, par décision du 15 mai 2009 , le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a rejeté le recours hiérarchique formé par la société Mecatiss ; que, par le jugement susvisé, le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de cette société, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 novembre 2008 et a rejeté ses conclusions en tant qu'elles tendaient à l'annulation de la décision du ministre du 15 mai 2009 ; que la société Mecatiss et M. D... font appel de ce jugement en tant que, pour la première, il a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre la décision du ministre et, pour le second, en tant qu'il a annulé la décision de l'inspecteur du travail ;

Sur les conclusions de la requête de la société Mécatiss tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du ministre du 15 mai 2009 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable./La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.(... )/L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation " ; que le respect de ce délai constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance vicie la procédure de licenciement et peut fonder un refus d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ;

4. Considérant qu'ainsi qu'en atteste l'avis de réception postal, qui comporte la signature de M. D..., la convocation que lui a adressée son employeur pour l'entretien préalable à son licenciement, devant avoir lieu le lundi 20 octobre 2008, a été présentée à son domicile le samedi 11 octobre 2008 ; qu'à cette date, M. D... ne se trouvait pas en déplacement, dès lors qu'il résulte de ses propres écrits devant le Tribunal administratif de Grenoble qu'il se trouvait au siège de l'entreprise, le 10 octobre 2008, date de l'envoi du pli contenant la convocation, et qu'il n'a effectué un déplacement pour se rendre sur son lieu de travail à Fessenheim que le lundi 13 octobre 2008 ; que, dans ces conditions le délai de cinq jours ouvrables, mentionné à l'article L. 1232-2 du code du travail, décompté à partir du premier jour ouvrable qui a suivi la date de présentation du pli contenant la convocation à son domicile, le 11 octobre 2008, a été respecté, nonobstant la circonstance que ladite convocation a également été remise en mains propres, sur sa demande, à M. D..., le 15 octobre 2008, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à son employeur de lui remettre en mains propres la convocation le 10 octobre 2008 lorsqu'il était présent au siège de la société ; que, dès lors, le ministre du travail ne pouvait légalement se fonder, pour rejeter, par sa décision du 15 mai 2009 en litige, la demande d'autorisation de procéder au licenciement de M. D...présentée par la société Mécatiss, sur le motif tiré du non respect du délai de convocation prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en exécution de l'un des contrats la liant à EDF sur le chantier de la centrale nucléaire de Fessenheim, la société Mecatiss a été chargée d'ouvrir plusieurs trémies ; que deux d'entre elles, ouvertes le 11 juin 2008, devaient être rebouchées les 23 et 24 juin 2008 par deux salariés de la société, dont M.D... ; qu'alors que M. D... et un autre salarié, appelés à intervenir le 16 juillet 2008 pour vérifier la fermeture de ces trémies, ont confirmé cette fermeture, il est apparu, dans le cadre d'un contrôle effectué par EDF, le 31 juillet 2008, que l'une de ces trémies était totalement ouverte et que l'autre l'était partiellement ; que dès lors qu'il a été constaté que l'ouverture était accompagnée de la présence des moyens dits compensatoires, technique mise en oeuvre par les seul salariés de Mecatiss, la réouverture de ces trémies n'a pu être effectuée par un tiers à ladite société, postérieurement à la visite de contrôle ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. D...est intervenu dans le cadre d'une procédure très réglementée, en vertu de deux demandes d'interventions comportant les numéros n° 427 834 et 425 447 et qui contenaient des indications extrêmement précises quant à la localisation des trémies concernées ; qu'ainsi, eu égard à ces indications, M. D...n'a pu commettre une erreur quant aux trémies en cause ; que la circonstance que ce salarié n'a reçu qu'après les faits qui lui sont reprochés l'habilitation de la société Mecatiss pour réaliser des travaux de la nature de ceux qu'il avait à effectuer, reste sans incidence sur le caractère fautif des fausses attestations, quant à la réalisation de tâches qui lui avaient été confiées, qui lui ont été reprochées ; que, de la même manière, la circonstance qu'il a été appelé, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée, à intervenir au côté d'un autre salarié, n'est pas de nature à établir que ces fausses déclarations ne lui sont pas imputables, alors que M.D..., appelé à intervenir dans le cadre de la même mission à la suite d'un premier contrôle effectué par EDF, devait nécessairement prendre la mesure des tâches qui restaient à accomplir à la suite de l'intervention initiale ; qu'ainsi, le second motif sur lequel repose également la décision du ministre du travail, tiré de ce que les faits reprochés à M. D... ne seraient pas établis, est entaché d'illégalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Mécatiss est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 15 mai 2009 ;

Sur les conclusions de M. D...tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 13 novembre 2008 :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la matérialité des faits reprochés à M. D...par son employeur pour justifier sa demande d'autorisation de procéder à son licenciement est établie, contrairement au motif retenu par l'inspecteur du travail, dans sa décision du 13 novembre 2008, pour rejeter cette demande ; que, dès lors, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a prononcé, pour le motif de l'erreur de fait commise par ledit inspecteur, l'annulation de ladite décision ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 15 mai 2009 confirmant la décision du 13 novembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser la société Mecatiss à licencier M. D... est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... sont rejetées.

Article 3 : Le jugement n° 0903341 du Tribunal administratif de Grenoble du 15 juin 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mecatiss, à M.C... D... et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. B...et M. Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.

Le rapporteur,

G. PoitreauLe président,

Ph. Seillet

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 12LY02266

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02266
Date de la décision : 10/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : JACQUEMOND-COLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-10;12ly02266 ?
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