Vu le recours, enregistré le 4 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Il demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1007283 en date du 5 juillet 2012 du Tribunal administratif de Lyon ;
Il soutient qu'il est en droit d'invoquer les dispositions de l'article R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative ; que le risque d'une perte définitive pour l'Etat existe dès lors que l'indemnité que le Trésor public doit acquitter a été surestimée par les premiers juges ; que la société attirait l'attention du juge sur les difficultés rencontrées, telles que le licenciement de 9 employés et la nécessité de procéder à des opérations de gestion pour sauver l'entreprise ; que le bilan publié fait état au 31 décembre 2010 d'un résultat en baisse de 85% ; que le résultat net pour 2011 est plus encourageant ; que la faiblesse du résultat net, conjuguée à l'augmentation de 12% du taux d'endettement en 2010 confirmé en 2011, ne constituent pas un élément favorable ; que l'entreprise respecte ses obligations de paiement mais qu'elle ne pourrait honorer une demande de remboursement de 600 000 euros ; que le sursis à exécution est possible dans l'hypothèse de difficultés pouvant provoquer sa mise en redressement judiciaire ou sa liquidation ; que le privilège du Trésor ne s'exerce que sur les créances de nature fiscale ; que les frais irrépétibles seront payés ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2012, pour la société Pasquier Desvignes qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'arrêt de la Cour du 16 décembre 2010 est définitif et a annulé la décision de déclassement ; que le quantum du préjudice résulte de la différence de prix de vente entre les vins d'appellation et le vin déclassé ; qu'il appartient au ministre d'apporter la preuve de l'exposition à une perte définitive ; que la situation s'apprécie à la date à laquelle la Cour statue ; que le ministre ne saurait se prévaloir des conséquences économiques résultant de sa décision illégale du 7 décembre 2007 ; que l'entreprise a pu être sauvée grâce à un abandon de créance de 988 905 euros de son principal actionnaire ; que depuis 2009 la société, qui fait partie du groupe Les grands Chais de France-Est, connaît une activité en constante progression ; que cette bonne santé est confirmée par la notation de la Banque de France E4 ; qu'en 2011 la société a augmenté son chiffre d'affaires de 4 millions d'euros par rapport à 2010 ; que l'augmentation de l'endettement traduit une augmentation de l'activité de l'entreprise et sa bonne gestion financière ; que les dettes financières nettes n'ont augmenté que faiblement entre 2009 et 2010, ce qui correspond à des investissements financés par des emprunts bancaires ; que le résultat net avant impôt en 2011 était de 73 917 euros ; que le fait que l'Etat soit placé dans la même situation que d'autres créanciers ne lui permet pas d'obtenir par principe une dérogation au caractère exécutoire du jugement ; que le ministre ne soutient aucun argument à l'appui de l'invocation du sursis sur le fondement de l'article R. 811-7 du code de justice administrative ; que le ministre ne saurait soutenir que la perte de la somme entraînerait des conséquences difficilement réparables pour l'Etat ; que la demande de sursis peut être rejetée sur ces seuls éléments sans examiner la requête au fond ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que si l'entreprise est aujourd'hui dans une santé financière meilleure, rien n'indique qu'elle ne fera pas l'objet dans les mois qui viennent de difficultés financières ; que la notation E4 correspond à une cote " acceptable " juste au dessus du niveau " assez faible " ; que le marché du vin est très fluctuant ; que la très faible récolte 2012 va entraîner des difficultés pour l'entreprise ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2012, pour la société Pasquier Desvignes qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 décembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2012 :
- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de M. Beaumont, représentant le ministre de l'économie et des finances et celles de Me Sam-Simenot, avocat de la société Pasquier Desvignes ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre " ; qu'aux termes de l'article R. 811-16 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. " ; qu'aux termes de l'article R. 811-17 dudit code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction " ;
2. Considérant que pour demander, sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement, le ministre invoque les difficultés financières de la société Pasquier Desvignes ; qu'il résulte de l'instruction que la société est notée E4 par la Banque de France, soit une évaluation " acceptable ", pour ce qui concerne sa capacité à honorer ses engagements financiers à échéance de trois ans ; qu'elle honore ses obligations déclaratives et de paiement ; que pour 2011, la société a vu son chiffre d'affaires augmenter de 4 millions d'euros et son résultat d'exploitation progresser ; que le caractère fluctuant du marché du vin et les mauvais résultats prévisibles de la campagne 2012 ne sont pas des éléments de nature à établir un risque particulier que l'entreprise ne pourrait assumer dans le cadre de son activité normale ; que la circonstance que la créance de l'Etat en cas de défaillance de l'entreprise ne bénéficie pas du privilège du Trésor est sans incidence sur l'évaluation de la santé financière de l'entreprise ; qu'ainsi le ministre n'établit pas que l'exécution du jugement l'expose à une perte définitive ;
3. Considérant que pour demander, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement, si le ministre invoque des conséquences difficilement réparables pour l'Etat en cas d'exécution de la décision de première instance, il n'assortit cette affirmation d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
4. Considérant qu'il suit de là que le ministre de l'économie et des finances ne démontre pas que l'exécution du jugement risque de l'exposer à une perte définitive ou risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour l'Etat ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens énoncés dans la requête enregistrée sous le n° 12LY02370 en l'état de l'instruction, il y a lieu de rejeter le recours ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Pasquier Desvignes et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à la société Pasquier Desvignes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la société Pasquier Desvignes.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.
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N° 12LY02369
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