Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 mai 2012, présentée pour la société Saur, dont le siège est Immeuble Atlantis 1, avenue Eugène Freyssinet, à Guyancourt (78280) ;
La société Saur demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1100951 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé à effet du 1er janvier 2013 le contrat en date du 31 mars 2011 par lequel le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône lui a délégué la gestion du service de distribution d'eau potable ;
2°) de mettre à la charge de société lyonnaise des eaux France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que pour annuler le contrat au motif que son offre avait été retenue sur la base de critères autres que ceux figurant sur l'appel à candidature, le Tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et en particulier le rapport du président du syndicat exposant les motifs du choix de son offre ; qu'en effet le tableau intitulé " Récapitulatif des dernières propositions des candidats " sur lequel le Tribunal a fondé son appréciation et qui n'est d'ailleurs pas celui figurant dans le rapport du président exposant les motifs du choix du délégataire retenu, indique, non pas des critères de jugement des offres différents de ceux annoncés par l'avis de publicité et précisés par le règlement de la consultation, mais des éléments de mission au regard desquels ont été mis en oeuvre les critères annoncés ; que le Tribunal n'a pas pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise ni recherché si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général et aux droits des contractants et a ainsi entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, comme elle le démontre dans sa requête au fond, aucun des autres moyens soulevés en première instance par la société lyonnaise des eaux France n'était de nature à entraîner l'annulation du contrat ; à titre subsidiaire, que l'illégalité qui aurait été commise n'était pas de nature à avoir eu une influence déterminante sur le choix du délégataire ; que l'annulation du contrat aurait de lourdes conséquences financières pour le syndicat qui devrait l'indemniser ; que sa demande de sursis à exécution du jugement est ainsi bien fondée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, mais également de l'article R. 811-17 du même code dès lors que l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables par les frais que devrait engager le syndicat pour l'indemniser, pour reprendre le service en régie directe ou relancer une procédure de mise en concurrence, ou même par la résiliation du nouveau contrat si la Cour devait finalement annuler le jugement du Tribunal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2012, présenté pour le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône qui conclut à l'annulation du jugement n° 1100951 du 29 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon et à la condamnation de la société lyonnaise des eaux France à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'il n'était pas tenu d'informer les candidats sur la méthode de chiffrage retenue pour apprécier les critères annoncés ; que la méthode de chiffrage employée ne concerne pas des sous-critères mais des éléments d'appréciation des critères et qu'il n'a pas mis en oeuvre une méthode de pondération des critères ; que ces éléments d'appréciation, listés dans un tableau pédagogique destiné au membres du comité syndical, sont bien inclus dans les critères annoncés alors que l'appréciation finale a été faite de façon globale sans attribution de note ; qu'au-delà de ce tableau, les critères étaient ensuite analysés, comme le critère financier qui n'a pas disparu ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2012, présenté pour la société lyonnaise des eaux France qui conclut au rejet de la requête et à ce que, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soit mise à la charge de la société Saur, une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et laissés à la charge de cette dernière les dépens de l'instance, soit la contribution pour l'aide juridique de 35 euros ;
Elle fait valoir que si le Tribunal a relevé par erreur que le quatrième critère de choix du délégataire avait été la réactivité aux demandes alors qu'il s'agissait en réalité du développement durable, cette erreur était sans conséquence dès lors que quatre critères ont été mis en oeuvre et non pas trois comme annoncés dans l'avis d'appel à la concurrence et le règlement de la consultation ; que les éléments d'appréciation pris en compte par le président du syndicat ne se rattachent pas tous au trois critères annoncés ; que le sous-critère " développement durable " a été érigé en critère de choix à l'avantage de la société Saur qui a obtenu la meilleure appréciation sur ce point ; que le critère " aspects financiers " annoncé a été réduit au détriment de ses propres trois sous-critères, à la notion de " prix de service " en tant que sous-critère du nouveau critère " service aux usagers ", ce qui lui était défavorable ; que l'annulation du jugement ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des contractants ni ne comporte de conséquences difficilement réparables, la nouvelle procédure de mise en concurrence qui a d'ores et déjà été annoncée, n'étant pas couteuse et la future convention pouvant aisément comporter une clause résolutoire sans indemnité à effet immédiat en cas d'annulation du jugement par la Cour ; que d'autres moyens soulevés par elle en première instance sont de nature à justifier l'annulation ou la résiliation de la convention attaquée ; qu'en effet l'admissibilité des candidatures n'a pas été vérifiée en l'absence de production par les candidats du certificat établi par les administrations fiscales et sociales conformément aux dispositions du IV de l'article 8 du décret du 31 mai 1997 ; que la délibération du 29 novembre 2008 désapprouvant la proposition initiale du président du syndicat était illégale faute d'être motivée ; que le champ des négociations rouvertes à la suite de cette délibération, a été irrégulièrement restreint aux aspects financiers comme en témoigne le courrier du syndicat du 14 décembre 2010 ; que la réouverture des négociations avait un caractère discriminatoire compte tenu des restrictions ainsi posées ; que le principe de transparence a été méconnu par l'ambigüité de cette lettre du 14 décembre 2010 quant aux modifications que les candidats étaient autorisés à apporter à leur offre ; que lors de la seconde phase de négociations le syndicat a illégalement permis à la société Saur de modifier son offre sur d'autres aspects que purement financiers ; que le président du syndicat a entaché sa décision d'incompétence négative en laissant le comité syndical choisir à sa place le délégataire au cours d'une réunion informelle du 7 février 2011 alors que les négociations étaient achevées depuis le 24 janvier 2011 ; qu'en raison du vote en faveur de la société Saur au cours de cette réunion informelle elle a été lésée puisque le président a changé son appréciation pour pouvoir proposer au comité réuni officiellement le 28 février, un choix conforme à ce vote préalable informel ; que le choix du président n'est pas discrétionnaire puisqu'il doit choisir la proposition la plus avantageuse ; que le syndicat a manqué au principe de transparence en modifiant en cours de consultation les modalités de choix des offres, les critères étant hiérarchisés dans les avis de publicité, d'égale valeur dans le règlement de consultation, et pondérés lors du choix de la société Saur ; qu'aucun des critères mis en oeuvre ne correspond aux trois critères énoncés dans le règlement de consultation ; que le choix intuitu personae invoqué par la société Saur était incompatible avec le choix de la proposition la plus avantageuse et l'annonce préalable de critères ; que le président du syndicat s'est livré à une appréciation incomplète de son offre en ne faisant pas état dans son rapport de ses derniers efforts commerciaux sur le prix d'un branchement ; que les irrégularités résultant du non-respect des critères qui influent directement sur le choix du délégataire, et de l'irrecevabilité d'une candidature, sont d'une particulière gravité justifiant l'annulation de la convention et pas seulement sa résiliation ; que cette annulation dont le syndicat n'a d'ailleurs pas relevé lui-même appel, ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général résultant de l'indemnisation de la société Saur, un motif financier n'étant pas à lui seul un motif d'intérêt général contrairement notamment à la continuité du service public ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2012, présenté pour la société Saur qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle ajoute que l'indemnité à laquelle elle pourra prétendre du fait de l'annulation de sa délégation, pour ses seuls investissements en début de contrat, sera sans doute supérieure à un an de chiffre d'affaires, soit une augmentation minimum du prix de l'eau de 10 %, non inclus les autres frais ; que les conséquences financières de l'annulation seront ainsi très lourdes pour le syndicat et pour les usagers ; que la divulgation au cours de la procédure contentieuse du contenu de son offre a porté préjudice à ses intérêts commerciaux dans la mesure où la société lyonnaise des eaux a eu connaissance de ses points forts et pourra ainsi, dans le cadre d'une nouvelle consultation, combler l'écart qui la séparait d'elle dans la consultation initiale ; que contrairement aux affirmations de la société lyonnaise des eaux aucun avis d'appel public à la concurrence n'a été publié par le syndicat qui envisage une éventuelle mise en régie du service pendant une année alors par ailleurs qu'une telle publicité ne saurait être présumée peu coûteuse ; que l'insertion dans la nouvelle convention d'une clause résolutoire sans indemnité pour le délégataire représenterait un risque que celui-ci serait susceptible de répercuter dans son offre financière alors qu'il ne pourrait pas renoncer par ailleurs à l'indemnisation des investissements réalisés et non amortis ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2012, présenté pour la société lyonnaise des eaux France qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et à ce que soit mise à la charge du syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient en outre que le mémoire du syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône est irrecevable si son président ne démontre pas qu'il a qualité pour défendre l'établissement public ; que si ce mémoire devait être requalifié en requête d'appel il serait également irrecevable à défaut de production du jugement attaqué, de timbre fiscal et d'habilitation du président à interjeter appel du jugement ; que les conclusions du syndicat qui tendent à l'annulation du jugement du Tribunal administratif sont irrecevables dans le cadre de l'instance visant au sursis à exécution de ce jugement ; que la divulgation au cours de la procédure du contenu de l'offre de la société Saur n'est pas une conséquence de l'annulation de la convention et n'est en outre pas de nature à fausser la prochaine mise en concurrence ; que s'il est exact que le syndicat n'a pas décidé de relancer une consultation, il ne peut dès lors invoquer ni une dépense à exposer à cette fin, laquelle serait d'ailleurs très faible, ni le risque qu'induirait l'insertion d'une clause résolutoire dans la nouvelle convention qui n'est pas constitutif d'une conséquence difficilement réparable ;
Vu l'ordonnance en date du 1er octobre 2012 fixant la clôture d'instruction au 17 octobre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 octobre 2012, présenté pour le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il fait en outre valoir que son intervention est recevable dès lors que le président du syndicat a bien été autorisé à agir par le comité syndical et que l'intervenant n'a pas à produire de timbre fiscal ni le jugement attaqué ; que l'annulation de la convention porte une atteinte excessive à l'intérêt général qui prime sur le vice résultant de l'absence d'information des candidats sur les critères de sélection des offres ; que le coût qu'il devra supporter s'élèvera à un montant de plus de 620 000 euros comprenant 16 426 euros d'engagement d'une nouvelle procédure, 90 000 euros pour la sectorisation et 657 900 euros de remboursement à la société Saur des compteurs changés pour mettre en place la radio-relève lesquels devaient s'amortir en 12 années alors qu'il a une capacité financière d'investissement à hauteur de 610 000 euros pour l'année 2013 ; que, dès lors, soit la continuité du service public ne pourra être préservée dans des conditions de coût acceptable par la population, soit elle sera affectée par l'absence d'investissements en 2013 et 2014 ; à titre subsidiaire que l'intérêt général commande qu'à tout le moins la Cour diffère la résiliation de la convention dans une année afin qu'il puisse s'organiser et lancer une nouvelle procédure et que la continuité du service ne soit pas menacée ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2012, présenté pour la société lyonnaise des eaux France ;
Vu enregistrée le 23 novembre 2012 la note produite en délibéré présentée pour la société lyonnaise des eaux France ;
Vu enregistrée le 28 novembre 2012 la note produite en délibéré présentée pour la société Saur ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 97-638 du 31 mai 1997 pris pour l'application de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :
- le rapport de M. Dursapt,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,
- et les observations de Me Pezin, représentant la société Saur, de Me d'Alboy, représentant le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône, et de M. de Metz-Pazzis, représentant la société lyonnaise des eaux France ;
1. Considérant que par le jugement du 29 mars 2012 dont la société Saur demande qu'il soit sursis à l'exécution, le Tribunal administratif de Dijon a annulé à effet du 1er janvier 2013 le contrat en date du 31 mars 2011 par lequel le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône lui a délégué la gestion du service de distribution d'eau potable ;
Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions du syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône :
2. Considérant que par délibération du 17 avril 2012 le conseil syndical du syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône a mandaté son président notamment pour exercer une procédure de sursis contre le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 31 mars 2011 ; qu'en vertu d'un tel mandat le président du syndicat a qualité pour intervenir au soutien de la requête de la société Saur tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution de ce même jugement ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " ;
4. Considérant que pour annuler le contrat du 31 mars 2011 par lequel le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône a délégué la gestion du service de distribution d'eau potable à la société Saur, le Tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur un motif tiré de ce que le comité syndical avait mis en oeuvre des critères ne correspondant que partiellement et incomplètement à ceux que le syndicat s'était lui-même fixés dans le règlement de la consultation et dans l'avis d'appel public à candidature ;
5. Considérant que la société Saur soutient que les critères d'appréciation sur lesquels le comité syndical s'est fondé au regard des différents éléments de la mission du futur délégataire ne sont pas différents de ceux annoncés ; qu'elle soutient également qu'aucun des autres moyens d'annulation soulevés par la société lyonnaise des eaux France n'est fondé ; qu'en l'état de l'instruction, les moyens ainsi invoqués par la société Saur paraissent sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ; que les deux conditions posées par les dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont ainsi réunies ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 29 mars 2012 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Saur et à la charge du syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que la société lyonnaise des eaux France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par la société Saur et le syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône ;
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de la société Saur contre le jugement n° 1100951 du 29 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Saur, à la société lyonnaise des eaux France, au syndicat des eaux Seurre Val-de-Saône et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers,
Lu en audience publique, le 6 décembre 2012.
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N° 12LY01288
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