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29/11/2012 | FRANCE | N°12LY00568

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2012, 12LY00568


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er mars 2012, présentée pour la commune de Bron, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Bron demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102727 du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, sur déféré préfectoral, annulé le marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 25 novembre 2010 entre la commune de Bron et la société AIA architectes,

2°) de rejeter le déféré du préfet du Rhône ;

Elle soutient que c'est par une interprétation abusive et formaliste d

u III de l'article 70 du code des marchés publics que le Tribunal a estimé que le jury n'avait pa...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er mars 2012, présentée pour la commune de Bron, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Bron demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102727 du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, sur déféré préfectoral, annulé le marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 25 novembre 2010 entre la commune de Bron et la société AIA architectes,

2°) de rejeter le déféré du préfet du Rhône ;

Elle soutient que c'est par une interprétation abusive et formaliste du III de l'article 70 du code des marchés publics que le Tribunal a estimé que le jury n'avait pas mis à même le pouvoir adjudicateur de déterminer au vu de quelles considérations il avait retenu 4 des 21 candidats qui répondaient le mieux aux critères et attentes du maître d'ouvrage ; que le Tribunal a également interprété de manière excessivement restrictive les termes du V de l'article 70 du code des marchés publics en estimant que le jury aurait dû expliquer pourquoi le candidat B lui paraissait devoir être placé en 1ère position alors que le candidat C avait obtenu une meilleure note ; que la motivation de ce classement peut être trouvée dans le procès-verbal où le jury expose les avantages et les faiblesses de chacun des projets ; que la procédure ayant été régulière alors que le contrôle de légalité est allé au-delà des exigences du code des marchés publics, l'annulation du marché de maîtrise d'oeuvre pour les motifs retenus emporte des conséquences excessives eu égard à l'intérêt public et aux enjeux du projet de médiathèque d'ailleurs soutenu par l'Etat ; que l'annulation ne s'imposait pas comme le permet la jurisprudence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2012, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'en méconnaissance de l'article 70- II du code des marchés publics, aucune analyse des candidatures ne fait apparaître dans le procès-verbal du jury du 9 avril 2010 les motivations qui l'ont conduit à retenir 4 candidats plutôt que les 17 autres classés initialement dans le même groupe alors que le II de l'article 52 du code des marchés publics implique que le jury avait l'obligation de procéder au classement de ces 21 candidatures au regard des critères et de retenir les 4 meilleures en motivant son choix ; qu'ainsi il a porté atteinte aux principes d'égalité d'accès à la commande publique et de transparence de la procédure ; que la procédure de vote était arbitraire ; qu'en méconnaissance de l'article 70-V du code des marchés publics et du principe de transparence, le classement par le jury du 30 juin 2010 des trois projets ayant fait l'objet d'une offre, est entaché d'absence de motivation et d'exercice de sa compétence par le jury qui s'est limité, sans méthode d'évaluation, à reprendre les conclusions de la commission technique, quand bien même il a finalement choisi un projet différent de celui qui était le mieux noté par la commission technique ; que la jurisprudence invoquée qui concerne un vice inhérent au contrat n'est pas applicable en l'espèce ; que les conséquences de l'annulation du marché sont inopérantes au regard des anomalies entachant la procédure de passation ; qu'en examinant les offres au regard de l'ensemble des critères définis par le règlement de consultation, la commission technique s'est substituée au jury en procédant à un examen identique à celui que le code des marchés publics a entendu réserver à ce dernier ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2012, présenté pour la commune de Bron qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle ajoute que l'annulation de marchés de travaux pour un peu plus de six millions d'euros, représentant des dizaines d'emplois dont des emplois d'insertion, implique une étude sérieuse de la gravité de l'irrégularité invoquée ; que les conséquences de l'annulation ont été coûteuses pour la commune qui a dû reprendre l'opération de maîtrise d'oeuvre en interne de façon à ne pas bloquer le chantier ; qu'elle a ainsi supporté un coût supplémentaire non négligeable de personnel auquel s'ajoute l'indemnisation de la maîtrise d'oeuvre évincée du fait de l'annulation de son marché pour un coût de 170 900 euros selon le protocole transactionnel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2012 :

- le rapport de M. Dursapt,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vincent, représentant la commune de Bron ;

1. Considérant que par publication d'avis au journal officiel de l'Union européenne le 30 janvier 2010 et au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 2 février 2010, la commune de Bron a lancé un concours restreint de maîtrise d'oeuvre pour la construction d'une médiathèque ; que le préfet du Rhône a déféré au Tribunal administratif de Lyon le marché conclu à l'issue de cette procédure avec la société AIA architectes ; que la commune de Bron relève appel du jugement du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal a annulé ce marché ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code des marchés publics applicable : " Le concours est la procédure par laquelle le pouvoir adjudicateur choisit, après mise en concurrence et avis du jury mentionné à l'article 24, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'ingénierie ou des traitements de données, avant d'attribuer à l'un des lauréats du concours un marché. / (...) " ; qu'aux termes du III de l'article 70 relatif à la procédure de concours : " 1° - Les candidatures sont transmises au jury qui les examine. Il dresse un procès-verbal et formule un avis motivé. / La liste des candidats admis à concourir est arrêtée et les candidats non retenus en sont informés conformément au I de l'article 80. / (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jury du concours restreint de maîtrise d'oeuvre du projet mentionné ci-dessus, s'est réuni le 9 avril 2010 pour examiner les candidatures ; qu'il ressort du procès-verbal de ses travaux qu'il a classé les 145 candidatures enregistrées en 4 groupes au regard des garanties, références et compétences présentées par chacune ; qu'il a classé dans le groupe 1 vingt-et-une candidatures présentant toutes les compétences requises et des références réalisées, récentes et similaires au projet ; qu'après délibération et vote il a décidé " d'arrêter la liste des quatre candidats admis à concourir " ; qu'il n'a toutefois formulé aucune motivation de cet avis, en méconnaissance des dispositions précitées ; qu'il suit de là que la sélection des quatre candidats admis à concourir et, par voie de conséquence l'attribution ultérieure du marché à la société AIA architectes, est entachée d'une irrégularité substantielle au regard du principe de transparence de la commande publique ;

4. Considérant, en second lieu, que saisi de conclusions d'annulation d'un contrat, notamment par le représentant de l'Etat, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité de ce contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler totalement ou partiellement le contrat, le cas échéant avec un effet différé ;

5. Considérant que si la commune de Bron soutient en appel que les premiers juges auraient dû s'abstenir d'annuler le marché compte-tenu de l'intérêt général et des enjeux qui s'y attachent, elle s'est toutefois abstenue de justifier que le choix non motivé du jury, effectué au détriment des dix-sept autres candidatures classées dans le groupe 1, serait néanmoins intervenu dans des conditions respectueuses du principe d'égalité de la commande publique et insusceptibles d'affecter le choix qui a été fait par la suite de l'attributaire du marché ; que, par ailleurs, la commune ne peut en l'espèce utilement invoquer l'annulation des marchés de travaux qui n'est pas une conséquence inévitable de l'annulation du marché de maîtrise d'oeuvre et dont elle ne justifie pas, alors d'ailleurs qu'elle indique avoir repris la maîtrise d'oeuvre en interne ; que ni l'indemnité qui pourrait être versée par la commune à la société AIA architecte en réparation de son préjudice, ni les frais de prise en charge par la commune des autres missions de maîtrise d'oeuvre, ne suffisent, en l'espèce, compte tenu de la nature de l'irrégularité commise, à faire regarder l'annulation du marché comme portant une atteinte excessive aux droits des cocontractants ou à l'intérêt général ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé le marché de maîtrise d'oeuvre qu'elle avait conclu le 25 novembre 2010 avec la société AIA architectes ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bron est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bron, au préfet du Rhône, à la société AIA architectes et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premier conseillers,

Lu en audience publique, le 29 novembre 2012.

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N° 12LY00568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00568
Date de la décision : 29/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Marc DURSAPT
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-29;12ly00568 ?
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