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15/11/2012 | FRANCE | N°12LY01130

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2012, 12LY01130


Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Suzana épouse , domiciliée ... ;

Mme épouse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105650 du 29 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir

l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 22 août 2011 ;

3°) d'enjoindre à ce pr...

Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Suzana épouse , domiciliée ... ;

Mme épouse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105650 du 29 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 22 août 2011 ;

3°) d'enjoindre à ce préfet de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer, sous huit jours, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de Me Huard, son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

La requérante soutient que :

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée car elle ne vise pas l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la protection subsidiaire, alors que le refus de titre de séjour fait suite à une demande d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, au jour de l'arrêté attaqué, elle résidait depuis deux ans et demi en France avec sa famille, soit ses deux enfants, son mari étant décédé ; ses enfants sont entrés en France particulièrement jeunes, soit à l'âge de quinze et de dix-sept ans ; le centre de la vie privée et familiale se trouve en France ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraine l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle produit un nouveau témoignage en date du 2 février 2012 qui atteste des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, section administrative d'appel, en date du 6 avril 2012, par laquelle l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été régulièrement notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme , ressortissante kosovare née le 28 novembre 1969, est entrée en France le 27 décembre 2008 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 15 juin 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 24 mai 2011 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, par arrêté du 22 août 2011, le préfet de la Haute-Savoie a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que, par jugement n° 1105650 du 29 décembre 2011, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision portant refus de titre de séjour est une mesure de police ; que cette décision doit, dès lors, dès lors, être motivée en application des dispositions précitées ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-13 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du présent code, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort de l'arrêté attaqué du 22 août 2011 que le préfet de la Haute-Savoie a refusé l'admission au séjour de Mme au motif que sa demande d'asile avait été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides en date du 15 juin 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 mai 2011 ; que cet arrêté vise, notamment, les dispositions des articles L. 313-11 et suivants et des articles L. 314-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait trop sommairement motivé en ce qu'il ne viserait pas l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au titre de séjour délivré à l'étranger ayant bénéficié de la protection subsidiaire, doit être écarté comme manquant en fait ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant que, si Mme soutient avoir établi le centre de sa vie privée et familiale en France, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué cette dernière ne résidait sur le territoire français que depuis deux ans et sept mois, soit durant le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile ; que ses deux fils font également l'objet de mesures d'éloignement ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, la décision refusant à Mme la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis ; qu'ainsi, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré que de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux invoqués en ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'une telle décision ne fixe pas le pays de son renvoi ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que si Mme fait valoir qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine du fait de menaces de son beau-frère et des débiteurs de son mari décédé en 2009 ; que, toutefois, par une décision du 15 juin 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ; que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile en date du 24 mai 2011 ; que, par la seule production d'une attestation établie le 2 février 2012 par un parent qui n'est, au surplus, que très peu circonstanciée, Mme n'établit pas de manière suffisamment probante la réalité des risques auxquels elle serait directement et personnellement exposée en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 22 août 2011;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme , n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que la demande présentée par le conseil de Mme tendant à l'application à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée dès lors que la requérante est la partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme épouse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Suzana épouse et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 novembre 2012.

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N°12LY01130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01130
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-15;12ly01130 ?
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