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15/11/2012 | FRANCE | N°11LY02061

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2012, 11LY02061


Vu le recours, enregistré le 10 août 2011 au greffe de la Cour, du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0903576 du 7 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a déchargé la société Auto Business Services 42 des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 août 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de décider que la société Auto Busin

ess Services 42 sera rétablie au rôle de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence des d...

Vu le recours, enregistré le 10 août 2011 au greffe de la Cour, du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0903576 du 7 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a déchargé la société Auto Business Services 42 des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 août 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de décider que la société Auto Business Services 42 sera rétablie au rôle de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée, pour un montant de 2 139 152 euros ;

Il soutient que :

- l'administration a prononcé la décharge des rappels de TVA pour un montant de 2 139 152 euros au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 août 2007 et non du 1er janvier 2004 au 31 août 2007 ainsi que le mentionne le jugement ;

- le régime de la marge bénéficiaire n'était pas applicable aux livraisons des véhicules effectuées par les sociétés DMF Europea SL, ASB marketing Integral SL, AA Center SL et Vehiculos Fusion SL ; d'une part, les demandes d'assistance administrative effectuées auprès des autorités espagnoles ont révélé que les factures d'achat par ces sociétés ne font pas mention de l'application du régime de la marge ; d'autre part, il résulte d'un faisceau d'indices que la société Auto Business Services 42 ne pouvait ignorer qu'elle participait à un circuit frauduleux et que ses fournisseurs n'étaient pas autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de la taxation sur la marge ;

- l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses aux rehaussements afférents aux véhicules acquis auprès des sociétés DMF Europea SL et ASB marketing Integral SL est fondée par l'existence d'une double facturation ; la mention relative à l'application du régime de la marge a été rajoutée de manière abusive sur les factures d'achat de la société Auto Business Services 42 ;

- l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré est fondée car l'intéressée a nécessairement eu connaissance des faits et des situations qui motivent les redressements ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 février 2012, présenté pour la société Auto Business Services 42 ; elle conclut au rejet du recours de l'Etat et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le régime de la marge ;

- elle n'a pas eu communication des informations obtenues auprès des autorités espagnoles permettant à l'administration d'affirmer que certains fournisseurs sont des sociétés écrans, de sorte que les allégations relatives à de telles informations ne sauraient être débattues utilement devant la Cour ; les affirmations de l'administration selon lesquelles la double facturation aurait également concerné les sociétés AA Center SL et Vehiculos Fusion SL doivent aussi être écartées car l'administration n'a produit aucune pièce à l'appui de ces dires ;

- elle n'a jamais reconnu avoir ajouté une mention relative à la TVA sur la marge sur la facture F 060940 ;

- l'administration n'établit pas qu'elle aurait abusivement ajouté la mention " 7ème directive " sur ses factures d'achat ;

- elle reconnait qu'elle n'était pas fondée à appliquer le régime de la TVA sur la marge s'agissant de la facture F 060727 de la société AA Center SL, car cette facture ne précisait pas le régime de la TVA applicable, mais cela a échappé à la vérificatrice qui n'a pas mentionné cette difficulté dans sa proposition de rectification ;

- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses et manquement délibéré qui lui ont été appliquées ne sont pas fondées ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens, et soutient, en outre, en premier lieu, qu'il appartenait à la société Auto Business Services 42 de solliciter la communication des réponses apportées par les autorités espagnoles dont la teneur était indiquée dans la proposition de rectification ; qu'il joint ces réponses à son mémoire ; en second lieu, que la facture F 060727 émanant de la société AA Center SL, jointe au certificat d'acquisition n° 1993 CDI, adressée par la société au services des impôts, ne comporte aucune mention relative à la marge bénéficiaire ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 23 mars 2012, présenté pour la société Auto Business Services 42 ; elle persiste dans ses conclusions, par ses précédents moyens, et soutient, en outre, que l'avis de mise en recouvrement du 4 décembre 2008 est nul car, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration ne lui a pas transmis l'ensemble des documents obtenus des autorités espagnoles, mais s'est bornée à produire quelques factures d'achat de la société DMF Europea auprès de ses fournisseurs allemands ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2012, présenté pour le ministre de l'économie et des finances ; il persiste dans ses précédentes écritures et soutient, en outre, que l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, car elle n'a pas été saisie par la société Auto Business Services 42 d'une demande explicite de communication de l'ensemble des documents obtenus des autorités fiscales ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 19 octobre 2012, présenté pour la société Auto Business Services 42 ; elle persiste dans ses précédentes écritures et soutient, en outre, qu'elle est bien fondée à invoquer la violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, car elle a, dans sa réponse à la proposition de rectification, demandé la production de tous les éléments recueillis auprès des tiers fondant les redressements, mais que l'administration s'est bornée à lui transmettre 39 pièces alors que les pièces transmises par l'administration fiscales en annexe à son mémoire du 17 octobre 2008 révèlent que le dossier des autorités espagnoles réceptionné par le vérificateur comporte 301 pièces ;

Vu l'ordonnance, en date du 6 septembre 2011, fixant la clôture d'instruction au 29 février 2012 à 16 heures 30 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance, en date du 6 mars 2012, reportant du 29 février 2012 à 16 heures 30 au 23 mars 2012 à 16 heures 30 la clôture de l'instruction en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 2 octobre 2012 portant réouverture de l'instruction en application de l'article R. 613-14 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Auto Business Services 42, qui exerce une activité de vente de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet, à la suite d'une vérification de sa comptabilité, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 août 2007 ; que l'administration fiscale a considéré que cette société avait appliqué à tort le régime de taxation sur la marge sur ses ventes de véhicules en provenance de fournisseurs espagnols, ces derniers ne pouvant se prévaloir eux-mêmes d'un tel régime ; que par jugement n° 0903576, en date du 7 juillet 2011, le Tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande l'annulation de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, le président du Tribunal administratif de Lyon, prenant acte que l'article 1er du jugement du Tribunal administratif n° 0903576 du 7 juillet 2011 comportait une erreur matérielle relative à la période d'imposition en litige, a, par ordonnance n° 0903576 du 8 août 2011, modifié cet article ; qu'il résulte de l'article 1er de ce jugement ainsi modifié que " La société Auto Business Service 42 est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 août 2007 et des pénalités y afférentes " ; que, dans ces conditions, si l'administration fiscale entend soutenir que ce jugement serait irrégulier en ce qu'il décide la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société Auto Business Service a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 août 2007, son moyen doit être écarté dès lors que ce jugement a été modifié sur ce point ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

4. Considérant que la SARL Auto Business Services 42 soutient, pour la première fois en appel, que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa proposition de rectification en date du 22 juillet 2008, l'administration fiscale a informé la SARL Auto Business Services 42 qu'elle avait obtenu, dans le cadre d'une demande d'assistance administrative, des éléments des autorités espagnoles relatifs à ses fournisseurs ainsi que des factures d'achat et de vente de deux de ses fournisseurs, soit des sociétés ASB Marketing et DMF Europae, démontrant, selon elle, le caractère manifeste de " l'irrégularité de la situation des fournisseurs espagnols " de la SARL Auto Business Services 42 et l'existence d'une double facturation relative à ses achats effectués auprès des sociétés ASB Marketing et DMF Europae ; que l'administration a alors, s'appuyant sur un faisceau d'indices résultant en grande partie des informations transmises par les autorités espagnoles, d'une part, considéré que la SARL Auto Business Services 42 avait à tort appliqué le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et, d'autre part, procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux au motif que cette dernière ne pouvait ignorer avoir indûment appliqué la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que, dans sa réponse du 22 septembre 2008 à cette proposition de rectification, la SARL Auto Business Services 42 a indiqué que " la société ABS 42 doit avoir à disposition les données dont vous vous êtes servies pour en discuter utilement la pertinence " et à la fin de sa contestation du faisceau d'indices retenu par l'administration, a ajouté " il vous appartient, en tout état de cause, de produire tous les éléments recueillis auprès des tiers sur lesquels vous fondez vos redressements " ; que l'administration a pris acte de cette demande dans la réponse aux observations aux contribuables du 17 octobre 2008 où elle a mentionné que la société " demande à l'administration de produire tous les éléments sur lesquels elle fonde son redressement " ; qu'en réponse à cette demande, l'administration fiscale n'a communiqué à cette société que quelques factures relatives à des achats effectués auprès des sociétés ASB marketing et DMF Europae ;

5. Considérant qu'il résulte des termes de la lettre la SARL Auto Business Services 42 du 22 septembre 2008 que cette dernière a effectivement sollicité de l'administration fiscale les éléments recueillis auprès des tiers fondant ses redressements avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, que cette demande portait sur l'ensemble des éléments relatifs au faisceau d'indices fondant les rectifications en cause et qu'elle était suffisamment claire et précise ; qu'en se bornant à la production de quelques unes des factures, qui plus est n'émanant que de deux des fournisseurs de la société Auto Business Services 42, l'administration fiscale, qui n'a produit l'ensemble des éléments obtenus des autorités espagnoles que devant la Cour, n'a pas communiqué à la société Auto Business Services 42 une copie des documents transmis par les autorités espagnoles sur lesquels elle a fondé ses rehaussements avant leur mise en recouvrement ; que, dès lors, la SARL Auto Business Services 42 est fondée à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et que ce seul motif est de nature à entrainer la décharge des impositions litigieuses ;

6. Considérant que le ministre n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Lyon a déchargé la société Auto Business Services 42 des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 août 2007 et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant au remboursement de dépens :

7. Considérant qu'il n'est pas établi que la société Auto Business Services 42 a exposé des dépens dans le cadre de la présente instance ; que sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au remboursement de ses dépens doit, dès lors, être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par la société Auto Business Services 42 et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Auto Business Services 42 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat au remboursement de ses dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la société Auto Business Services 42.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 novembre 2012.

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N° 11LY02061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02061
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Redressement - Généralités.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : BARANEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-15;11ly02061 ?
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