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18/10/2012 | FRANCE | N°12LY00332

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2012, 12LY00332


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Alphonsine A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104062, en date du 18 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2011 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justic...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2012 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Alphonsine A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104062, en date du 18 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2011 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du prononcé du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de condamner l'Etat à payer à son conseil la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, celui-ci s'engageant à renoncer à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale pour absence d'examen réel de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit, car le préfet de l'Isère ne peut pas prendre à son égard un refus de titre de titre de séjour, dans la mesure où il n'a pas été saisi d'une demande en ce sens ; qu'en indiquant que sa demande serait examinée selon la procédure prioritaire, il avait ainsi refusé précédemment sa demande d'admission au séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une part, parce qu'elle ne dispose d'aucune attache familiale en République Démocratique du Congo où son mari et ses trois enfants ont disparu et que ses deux fils et ses deux petits enfants, de nationalité française, résident en France et, d'autre part, parce que sa vie privée est installée en France où elle est parfaitement intégrée et s'est créée des amis ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit tirée de la violation du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), car le préfet de l'Isère, en plaçant sa demande de titre de séjour dans le champ d'application de la procédure prioritaire, a rejeté cette demande définitivement et, n'étant pas saisi d'une autre demande de titre de séjour, ne pouvait lui opposer un nouveau refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car elle établit que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut être assurée dans son pays d'origine, en République Démocratique du Congo ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car elle ne pourrait être soignée dans son pays d'origine et sa vie y serait menacée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) en date du 26 décembre 2011, par laquelle a été accordée à Mme A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Alphonsine A, née le 17 novembre 1950, ressortissante de République Démocratique du Congo, est entrée régulièrement en France le 26 décembre 2008, sous couvert d'un visa de court séjour de quatre-vingt-dix jours ; que, par un arrêté en date du 9 juin 2009, le préfet du Rhône a refusé de délivrer à Mme A un titre de séjour, a assorti ledit refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que la Cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le 8 avril 2010 le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 6 octobre 2009 rejetant la requête de la requérante formée à l'encontre de l'arrêté en date du 9 juin 2009 ; que Mme A soutient avoir quitté le territoire français et être entrée de nouveau en France le 9 août 2010 ; qu'elle a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 10 août 2010, auprès de la préfecture de l'Isère ; que, par décision du 30 août 2010, le préfet de l'Isère a refusé d'admettre Mme A provisoirement au séjour en France durant l'instruction de sa demande d'asile au motif que sa demande présentait un caractère manifestement dilatoire et entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, le 22 octobre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile instruite en procédure prioritaire ; que l'intéressée a formé, le 23 novembre 2010, un recours, non suspensif, contre cette décision auprès de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par arrêté du 6 mai 2011, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à Mme A un titre de séjour, a assorti ledit refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que l'intéressée fait appel du jugement en date du 18 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 6 mai 2011 ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée en fait en ce qu'elle ne mentionnerait ni la présence de ses deux enfants de nationalité française, ni son état de santé ; que, d'une part, ladite décision mentionne en effet la présence de deux de ses enfants en France ; que, d'autre part, la requérante n'établit pas avoir informé le préfet que son état de santé devait être examiné alors que sa demande de titre de séjour était présentée au titre de l'asile ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A n'est pas davantage fondée à soutenir et ce, pour les mêmes motifs, que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen réel de sa situation alors qu'elle aurait informé les services préfectoraux de son état de santé ainsi que de la présence de ses deux enfants de nationalité française ;

4. Considérant, en troisième lieu, que, le 10 août 2010, Mme A a sollicité son admission au séjour au titre de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a fait l'objet d'un refus provisoire d'admission au séjour par décision du préfet de l'Isère en date du 30 août 2010, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-1 du même code ; que, le 22 octobre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile instruite en procédure prioritaire ; que la décision de refus de titre de séjour du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2011 doit être regardée comme prise en réponse à la demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile de Mme A, dont le préfet a été implicitement mais nécessairement saisi ; que, dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet ne se serait plus trouvé saisi d'une demande d'admission au séjour à la suite de sa décision de refus d'admission provisoire au séjour et du rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA dans le cadre de la procédure prioritaire ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que Mme A soutient qu'elle a établi le centre de sa vie privée et familiale en France où résident deux de ses enfants, de nationalité française, et qu'elle ne pourrait pas mener une vie familiale normale dans son pays d'origine en raison des menaces graves dont elle fait l'objet ; que, toutefois, Mme A n'établit ni la réalité et la gravité des menaces qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine, ni le fait que son mari et ses trois autres enfants auraient disparu, de sorte qu'elle ne disposerait plus, ainsi qu'elle le prétend, d'attaches familiales dans ce pays ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la durée du séjour de Mme A, entrée pour la dernière fois en France à l'âge de cinquante-neuf ans, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour qu'elle conteste méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage fondée, pour les mêmes motifs, à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux-ci-dessus mentionnés en ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, Mme A n'est fondée à soutenir ni que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de droit tirée de ce que le préfet de l'Isère n'aurait plus été saisi d'une demande de titre de séjour et aurait ainsi méconnu le champ d'application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que cette même décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi " ; que la requérante fait valoir que, souffrant d'un diabète non insulino-dépendant, d'une hypertension artérielle, d'une drépanocytose hétérozygote et de douleurs intestinales, elle ne pourrait bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ; que, toutefois, le certificat médical établi en 2012 par un médecin généraliste, produit par l'intéressée, qui se borne à faire état de ce que l'état de santé de cette dernière nécessite une polythérapie, des examens complémentaires et une surveillance biologique régulière, ne remet pas en cause l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique dans le cadre de la précédente demande de titre de séjour, qu'elle a déposée le 3 mars 2009, selon lequel elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

10. Considérant que Mme A, dont la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de la procédure prioritaire prévue par l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se borne à soutenir que sa vie serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son engagement militant auprès d'une association humanitaire ; qu'elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses dires de nature à établir la réalité et la gravité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour dans ce pays ; que, par ailleurs, ainsi que cela est mentionné ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle souffre de problèmes de santé qui ne pourraient être traités dans son pays d'origine ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'en désignant le pays dont elle a la nationalité, soit la République Démocratique du Congo, comme pays à destination duquel elle pourra être éloignée, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 octobre 2011, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 mai 2011 ; que les conclusions à fin d'injonction de Mme A et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme Alphonsine A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2012.

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N° 12LY00332

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00332
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-18;12ly00332 ?
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