La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/08/2012 | FRANCE | N°11LY02973

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 16 août 2012, 11LY02973


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Maria Ines A, demeurant ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103680, en date du 14 novembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2011, du préfet de l'Isère, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office à

destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établira...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Maria Ines A, demeurant ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103680, en date du 14 novembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2011, du préfet de l'Isère, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter du jugement, ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours, et, enfin, à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ces décisions du 15 juin 2011 ;

3°) de faire injonction au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour, dans les deux jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 050 euros, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation particulière ; le Tribunal administratif indique à tort que son concubin et père de ses deux enfants vit dans son pays d'origine, alors que le père de son premier enfant, arrêté par la police le 14 août 2009 à l'occasion d'une réunion clandestine à son domicile, est probablement mort et que le père de son deuxième enfant est M. B, réfugié en France, qui l'a reconnu ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, alors que M. B, réfugié en France, ne pourrait pas la rejoindre en Angola et que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français aurait pour effet de séparer son enfant soit de sa mère, soit de son père ;

- cet arrêté est en outre contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant, dans la mesure où son deuxième enfant a été reconnu, dans le délai prévu à l'article 372 du code civil, par M. B, qui exerce à son égard l'autorité parentale et où son premier enfant n'a plus son père et est scolarisé en France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2012, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au rejet de la requête de Mme A, en renvoyant au contenu de son mémoire en défense produit en première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que Mme Maria Ines A, née le 15 novembre 1982, de nationalité angolaise, déclare être entrée irrégulièrement en France, avec un passeport d'emprunt ; qu'après qu'elle ait vainement demandé le statut de réfugiée, qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 23 décembre 2009, confirmée le 26 avril 2011 par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de l'Isère a, par un arrêté du 15 juin 2011, refusé à Mme A la délivrance d'un titre de séjour, en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et en prescrivant que l'intéressée soit, à l'issue de ce délai, reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité, ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible ; que Mme A fait appel du jugement en date du 14 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du préfet de l'Isère en date du 15 juin 2011 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, par lequel le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite, vise les textes dont il est fait application, en particulier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne de manière suffisamment précise les faits qui motivent ces décisions ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, il a bien pris en considération sa situation familiale en précisant qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vit son concubin et père d'au moins un de ses enfants ; qu'ainsi, le préfet a suffisamment motivé en droit et en fait ses décisions au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, les moyens tirés du défaut de motivation des décisions comme du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est entrée en France, selon ses propres déclarations, le 28 août 2009, avec son enfant né en Angola le 11 avril 1999 et au moyen, selon ses propres termes, d'un " passeport d'emprunt ", afin selon elle de fuir les menaces pesant sur elle en Angola à la suite de l'arrestation de son compagnon par la police, le 14 août 2009, à l'occasion d'une réunion à leur domicile de membres du mouvement FLEC FAC, auquel ils auraient appartenu, militant pour l'indépendance du Cabinda ; qu'elle a ensuite donné naissance en France à un deuxième enfant, né le 15 octobre 2009 et qui a donc été conçu nécessairement avant son départ de l'Angola ; que ce deuxième enfant a été cependant reconnu par M. B, ressortissant français, le 29 juillet 2010, plus de neuf mois après la naissance de l'enfant et alors que M. B, lui-même originaire d'Angola, avait obtenu le statut de réfugié dès 2006 et ne pouvait, pour ce motif, selon les déclarations de la requérante elle-même, retourner en Angola ; que, toutefois, la seule production d'une attestation du directeur du centre d'accueil des demandeurs d'asile de Grenoble selon laquelle M. B aurait " rendu fréquemment visite " à la requérante et à ses enfants et des attestations établies par M. B lui-même, précisant qu'il s'occupe du mieux qu'il peut de Mme A et de leur fille, ne suffisent pas à établir que ce dernier exerce effectivement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant, subvient réellement et régulièrement à ses besoins et entretient des relations suivies avec elle ; que, par ailleurs, Mme A, qui s'est elle-même déclarée célibataire, tout en précisant que son conjoint réside en Angola, ne justifie de la présence en France d'aucun membre de sa famille, autre que ses deux enfants, et ne justifie pas ni même n'allègue avoir engagé une vie commune avec M. B, avec lequel elle ne peut se prévaloir d'aucun lien juridique autre que celui de la reconnaissance de son enfant par ce dernier, dans les conditions susmentionnées ; qu'elle ne démontre pas non plus être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu vingt-sept ans, en se bornant à faire état, sans l'établir, de ce que son compagnon serait " probablement mort " ; que, dans ces conditions, l'arrêté querellé ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît donc pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les même motifs, Mme A ne saurait soutenir que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de ses enfants ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

Considérant que la requérante n'établit pas l'impossibilité pour ses enfants de la suivre en Angola et d'y bénéficier d'une scolarité ; qu'alors même que M. B a reconnu le second enfant de Mme A, dans les conditions susmentionnées, mais que le père du premier enfant de l'intéressée est resté en Angola, sans qu'il soit établi qu'il est aujourd'hui décédé, l'arrêté attaqué ne peut pas être regardé comme ayant pour effet de séparer les enfants de Mme A, soit de leur père soit de leur mère, et comme méconnaissant en conséquence les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Maria Ines A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2012 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 août 2012.

''

''

''

''

1

2

N° 11LY02973

sh


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02973
Date de la décision : 16/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-08-16;11ly02973 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award