Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2010, présentée pour l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, représentée par sa présidente en exercice, dont le siège est situé Parc du moulin de Préblin, 60 avenue Edouard Brany à Migennes (89400) ;
L'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802177 du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2008 du préfet de l'Yonne autorisant la société La Provençale à exploiter une carrière de roche calcaire et une installation de traitement sur le territoire de la commune de Courson-les-Carrières ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral susmentionné ;
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que le Tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas repris les recommandations de la DIREN demandant la réalisation d'une étude géologique complémentaire en vue de la protection du massif corallien de la réserve nationale du bois du Parc ;
- le jugement est irrégulier, en ce que le Tribunal a relevé d'office l'inopposabilité de l'interdiction d'implantation de carrière dans les "secteurs boisés d'intérêt économique" telle que prévue par le schéma départemental des carrières de l'Yonne, au motif que cette notion n'aurait pas été définie par ce schéma, sans avoir préalablement rouvert l'instruction afin de recueillir les observations des parties sur ce point ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral en litige n'est pas compatible avec le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux, alors qu'il est constant que les autorisations d'exploitation de carrière doivent être compatibles avec le schéma départemental des carrières, devant être lui-même compatible avec le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux, en vertu des dispositions de l'article 81 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 modifiant l'article L. 515-3 du code de l'environnement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les courriers en date du 1er avril 2011 par lesquels le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et la société La Provençale ont été mis en demeure de produire, dans un délai de quinze jours, leurs conclusions en réponse à la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mai 2011, présenté pour la société La Provençale, dont le siège social est sis 29 avenue Frédéric Mistral à Brignolles (83175), qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le Tribunal a régulièrement répondu au moyen, soulevé en première instance, tiré de l'irrégularité de la procédure devant la commission départementale de la nature des paysages et des sites, en ce que l'étude hydrologique complémentaire du 21 novembre 2007 n'aurait été transmise qu'avec la convocation à la séance, et sans les annexes, alors au demeurant que le rapport d'instruction de la demande d'autorisation reprend les avis des services, et notamment de la DIREN du 24 mai 2007, et que les polypiers en position de vie, sur lesquels un complément géologique avait été demandé par la directrice de la DIREN, ont été pris en compte par l'écologue dans l'étude écologique de l'étude d'impact ;
- c'est à bon droit que le Tribunal, se fondant sur des éléments régulièrement produits au débat, sans que puisse lui être reproché une violation du principe du contradictoire, a relevé l'absence de définition de la notion de secteur boisé d'intérêt économique et, en conséquence, l'impossibilité de contester la compatibilité du projet avec le schéma directeur des carrières ;
- à défaut pour l'association demanderesse d'établir l'incompatibilité invoquée entre l'arrêté en litige et le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux, le Tribunal, qui a justement relevé que l'article L. 212-1 du code de l'environnement dispose que les programmes et décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles avec ce schéma, a écarté le moyen ;
Vu l'ordonnance en date du 29 mars 2012, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2012, présenté pour l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et demande, en outre, que soit mise à la charge de l'Etat et de la société La Provençale la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en outre, que :
- c'est à tort que le Tribunal a considéré que l'étude d'impact était suffisante au motif qu'elle avait donné la possibilité à la population de faire connaître utilement ses observations sur le projet à l'occasion de l'enquête publique, ou qu'elle n'avait pas conduit l'administration à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement et sur la commodité du voisinage, alors qu'il suffit, pour vicier la procédure, que les insuffisances d'une étude d'impact aient nui à l'information complète du public, ou qu'elles aient exercé une influence sur la décision à venir ;
- l'étude d'impact est gravement insuffisante en ce qu'elle ne fait pas apparaître les effets et les risques prévisibles de l'utilisation de sources radioactives sur l'environnement, et plus particulièrement sur la santé et la salubrité publiques ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le Tribunal, en confirmant le caractère suffisant de l'étude d'impact, a répondu au moyen tiré de ce que le préfet aurait ignoré les recommandations de la DIREN demandant la réalisation d'une étude géologique complémentaire en vue de la protection du massif corallien de la réserve nationale du bois du Parc ;
- le Tribunal, en écartant le moyen, soulevé par l'association requérante, tiré de l'incompatibilité du projet d'exploitation avec le schéma départemental des carrières, en ce qu'il interdit l'implantation de carrières dans les secteurs boisés d'intérêt économique, au motif que cette notion, inconnue de la réglementation nationale, n'est pas définie par le schéma départemental, n'a pas soulevé un moyen d'office, mais a justifié le rejet de ce moyen par un argument à l'appui du motif ; il n'a pas donc pas méconnu le principe du contradictoire ;
- dès lors que l'arrêté préfectoral en litige ne peut être considéré, au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, comme intervenant dans le domaine de l'eau, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que ledit arrêté serait incompatible avec le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux, ce qu'au demeurant elle n'établit pas ;
Vu l'ordonnance en date du 24 avril 2012, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 11 mai 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 25 avril 2012, présenté pour l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que, eu égard à ses statuts, et alors qu'elle est agréée au titre de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, elle justifie d'un intérêt pour contester l'arrêté préfectoral en litige ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 avril 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs et renvoie au mémoire produit dans l'instance n° 10LY02682 relative au même arrêté préfectoral ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mai 2012, présenté pour la société La Provençale, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs, tout en portant à 2 000 euros le montant de la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en outre, que l'usage de sources scellées radioactives ne justifiait pas de développements dans l'étude d'impact, faute de constituer un élément de l'installation susceptible d'effets directs ou indirects, temporaires et permanents sur l'environnement en fonctionnement normal, et que cet équipement a été régulièrement visé dans l'étude de dangers, avec l'analyse de la nature du risque accidentel présenté par ces sources ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 10 mai 2012, présenté pour l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que l'étude d'impact est insuffisante, en ce qu'elle ne comporte aucune analyse des conséquences de la distraction du régime forestier de certaines parcelles forestières du Bois des Rochottes ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 juin 2012, présentée pour l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2012 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de Me Perret, pour l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, et de Me Grandpierre Hostein, pour la société La Provençale ;
Considérant que la société La Provençale, qui a pour activité l'exploitation des calcaires à usage industriel destinés aux marchés français et européen, a déposé une demande, le 5 décembre 2005, complétée les 29 et 30 mars 2007, en vue d'exploiter une carrière de roche calcaire et une installation de traitement sur le territoire de la commune de Courson-les-Carrières, sur des parcelles situées dans le secteur du "Bois des Rochottes", propriété indivise des communes de Courson-les-Carrières et de Fontenailles ; que l'autorisation demandée a été accordée par le préfet de l'Yonne, par un arrêté du 19 mars 2008, pour une durée de 30 années et un tonnage total de matériaux à extraire de 10 500 000 tonnes ; que l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT fait appel du jugement du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté du 19 mars 2008 du préfet de l'Yonne ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que s'il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans son mémoire, enregistré au greffe du Tribunal administratif de Dijon le 27 avril 2009, l'association requérante a soutenu, au titre des "avis des différents services de l'Etat" que les demandes émises par la direction régionale de l'environnement, tendant à la réalisation d'un complément géologique, n'ont pas été reprises dans l'arrêté en litige, ce moyen a été écarté par les premiers juges au motif " qu'en se bornant à dénoncer le manque de prise en considération de l'ensemble géologique du récif corallien et des spécificités qui relèvent de l'inventaire du patrimoine géologique et connus de la réserve naturelle du Bois du Parc à proximité, la requérante n'établit pas que l'arrêté préfectoral aurait dû prescrire, qu'en fin d'exploitation et avant remise en état du site, une expertise géologique du site soit réalisée pour identifier d'éventuels objets géologiques remarquables qui mériteraient une mise en valeur particulière, conformément à la recommandation de la direction régionale de l'environnement" ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, le jugement est suffisamment motivé sur ce point ;
Considérant, en second lieu, que le Tribunal, en écartant le moyen, soulevé par l'association requérante, tiré de l'incompatibilité du projet d'exploitation avec le schéma départemental des carrières, en ce qu'il interdit l'implantation de carrières dans les secteurs boisés d'intérêt économique, au motif que cette notion de "secteur boisé d'intérêt économique", inconnue de la réglementation nationale, n'est pas définie par le schéma départemental, n'a pas soulevé un moyen d'office mais s'est borné à constater que le moyen soulevé par ladite association n'était pas fondé ; qu'il n'était, dès lors, pas tenu de rouvrir l'instruction afin de recueillir les observations des parties sur ce point ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 19 mars 2008 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 515-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 : "Le schéma départemental des carrières doit être compatible ou rendu compatible dans un délai de trois ans avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, s'il existe." ;
Considérant que si l'association requérante soutient que l'arrêté préfectoral en litige est incompatible avec les dispositions du schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux, en ce que le schéma départemental des carrières est lui-même incompatible avec ledit schéma, ce moyen, alors que la requérante ne vise aucune disposition particulière de ce dernier schéma, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, et ne peut, dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'étude des dangers que peut présenter une installation classée en cas d'accident ne fait pas partie des informations qui doivent obligatoirement figurer dans l'étude d'impact, laquelle doit seulement faire ressortir les effets prévisibles du projet sur l'environnement ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l'association requérante, la circonstance que l'étude d'impact jointe au dossier de la demande d'autorisation ne comportait pas l'analyse des conséquences sur l'environnement de circonstances exceptionnelles résultant d'accidents lors de la rupture de confinement de sources scellées n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté en litige ; que l'analyse de ce risque et de ses effets a été présentée dans l'étude de danger, par une évaluation, selon un système de cotation des risques, de sa probabilité d'occurrence et de sa gravité ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le projet d'implantation de la carrière n'imposait pas, au préalable, la distraction de parcelles du régime forestier, nonobstant la circonstance qu'un arrêté de distraction dudit régime de certaines parcelles ait été pris, le 25 mars 2010, par le préfet de l'Yonne, à la suite de la cession desdites parcelles à la société La Provençale par les communes de Courson-les-Carrières et de Fontenailles ; que, dès lors, l'étude d'impact n'est pas entachée d'insuffisance pour n'avoir pas étudié les conséquences de la distraction du régime forestier desdites parcelles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées les conclusions de sa requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de la société La Provençale tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés, à l'occasion de la présente instance, par la société La Provençale et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT est rejetée.
Article 2 : L'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT versera la somme de 1 000 euros à la société La Provençale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION YONNE NATURE ENVIRONNEMENT, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et à la société La Provençale. Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Seillet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2012.
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