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26/06/2012 | FRANCE | N°11LY03058

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 juin 2012, 11LY03058


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Laurent A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800092 du 21 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004, ainsi qu'à la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution demandées ;

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°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais qu'il a été amené à exposer au titre de l'arti...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Laurent A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800092 du 21 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004, ainsi qu'à la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais qu'il a été amené à exposer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a jugé que la plus-value réalisée à l'occasion de la cession à la société SA Cullafroz des propres actions de cette dernière devait être imposée selon le régime des revenus distribués dans la catégorie des revenus capitaux mobiliers au regard de l'article 109 1 2° du code général des impôts alors qu'elle est imposable suivant le régime des plus-values prévu par les articles 150 et suivants compte tenu de la dissociation des opérations de rachat non suivies à court terme et concomitamment d'une réduction de capital par annulation de ces mêmes actions, et de l'absence de désinvestissement pour la société ;

- l'administration s'est fondée, pour procéder aux redressements litigieux, sur une infraction à l'interdiction de rachat par la société de ses propres titres sauf en vue d'une réduction de capital non motivée par des pertes prévue aux dispositions de l'article L. 225-207 du code de commerce alors qu'elle n'a commis aucune infraction aux règles du code de commerce dès lors que, conformément à l'article L. 225-14, les titres ont été détenus par la société durant un an, qu'ils n'ont été annulés qu'au bout de ce délai, qu'elle n'était pas contrainte de les annuler avant ce délai, et qu'en cas de cession dans le délai d'un an il n'y aurait pas eu de réduction de capital ;

- les dispositions de l'article 161 du code général des impôts ne trouvent pas à s'appliquer dès lors qu'il n'y a pas eu d'annulation immédiate et concomitante des titres, le rachat des titres n'ayant pas eu pour but une réduction de capital et cette réduction n'ayant été effectuée que pour se mettre en conformité avec le code de commerce ;

- les dispositions de l'article 161 du code général des impôts définissent l'assiette de l'impôt et ne sauraient qualifier la nature du revenu, l'administration ne pouvant asseoir l'impôt sur cet article en assimilant le gain net en capital relevant du régime des plus-values à un boni de cession ;

- il existerait une distorsion dans le traitement de l'impôt et une méconnaissance du principe de l'égalité de traitement des contribuables, en imposant suivant le régime des revenus distribués pour la cession de titres par une personne physique à une société non cotée alors que le rachat de titres par des sociétés cotées entraîne la taxation d'une plus-value dans la catégorie des plus-values mobilières, qu'elles soient ou non annulées ;

- il n'existe pas de différence de nature entre les opérations de rachat par une société en vue de l'attribution aux salariés ou lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre d'un plan de rachat d'actions cotées, le profit étant imposable sous le régime des plus-values professionnelles ou privées suivant l'article 112 6° du code général des impôts, et les autres hypothèses de rachat-cession ;

- l'absence de désinvestissement ne saurait justifier une imposition suivant le régime des revenus distribués ;

- les nouvelles dispositions de l'article 150-0 D 8 ter du code général des impôts issues de la loi de 2005 montrent l'absence de cohérence du dispositif résultant de la jurisprudence Fiteco dont se prévaut l'administration, la cession sans annulation concomitante ne modifiant pas, selon les règles comptables, l'actif net de la société car les titres rachetés figurent à l'actif du bilan, que la société ne s'est pas appauvrie et qu'il n'y a pas eu ainsi de désinvestissement ;

- l'administration n'établit pas qu'il ne pouvait ignorer, en étant actionnaire majoritaire, que la société allait procéder un an plus tard à l'annulation des titres ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, compte tenu de la teneur des réponses apportées à ses observations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- l'administration ne s'est pas fondée sur les dispositions de l'article L. 225-207 du code de commerce, mais sur celles de l'article 161 du code général des impôts prévoyant d'appliquer le régime du boni de liquidation issu de l'excédent de remboursement des droits sociaux annulés, l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2005 corroborant cette analyse ;

- le contribuable fait une interprétation erronée de la législation fiscale ;

- comme le confirme la jurisprudence, les sommes versées pour le rachat des titres relèvent du régime des revenus de capitaux mobiliers et non du régime des plus-values en vertu de l'article 161 du code général des impôts, alors qu'au surplus ce rachat a été suivi par l'annulation des titres ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2012, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient en outre que le législateur en instituant des régimes d'imposition différents pour des opérations juridiquement identiques, entre une cession de titres à un tiers et un rachat de ces mêmes titres, a instauré une discrimination, cette différence de traitement n'étant pas justifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces dont M. A a fait l'objet au titre de l'année 2004, l'administration a regardé la plus-value déclarée par ce dernier afférente à la cession de 2000 titres de la SA Etablissement B à cette société comme devant être imposée selon le régime des revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. A relève appel du jugement du 21 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004 résultant de cette rectification ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ; qu'aux termes de l'article R.* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 26 juillet 2006 désigne les impôts concernés, l'année d'imposition et les bases imposables, et expose de manière suffisamment précise les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les rectifications envisagées, notamment pour regarder comme étant des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les gains réalisés par M. A suite à la cession le 15 mai 2004 de 2 000 titres de la SA Etablissement B à cette société, de façon à permettre au contribuable d'en comprendre les motifs, d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations, ce que M. A a d'ailleurs fait le 18 août 2006 ; que, par ailleurs, la réponse du 26 janvier 2007 aux observations du contribuable reprend les critiques formulées par le requérant dans ses observations, mentionne de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles ces observations ont été écartées notamment au regard du code de commerce, précise les motifs de la persistance du désaccord et du maintien de la rectification et rappelle les conséquences fiscales de cette rectification ; que, par suite, et alors que la régularité de la motivation ne dépend pas du bien-fondé des motifs, le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de la proposition de rectification, ainsi que d'une éventuelle insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable, doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; qu'aux termes de l'article 112 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : (...) 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable (...) " ; qu'aux termes de l'article 161 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport. Lorsque les droits ont été reçus, à compter du 1er janvier 2000, dans le cadre d'une opération d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, au quatrième alinéa de l'article 150 A bis en vigueur avant la date de promulgation de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) ou au II de l'article 150 UB, le boni est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres ou droits remis à l'échange, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange./ La même règle est applicable dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires. " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le rachat par une société, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, des droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, correspond, sous réserve des dispositions de l'article 112 du code général des impôts, à une mise à disposition au sens du 2° du 1 de l'article 109 du même code ; que, contrairement à ce qu'allègue le requérant, ces dispositions relatives au rachat de droits sociaux trouvent application que les droits sociaux aient été ou non annulés concomitamment à leur rachat par la société émettrice ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a cédé le 15 mai 2004 à la SA Etablissement B 2 000 titres de cette société ; qu'alors qu'il n'est pas contesté que ce rachat ne s'est pas effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce et que ce rachat ne relevait pas des cas envisagés par les dispositions précitées de l'article 112 du code général des impôts, le gain ainsi réalisé par M. A lors de la cession de ses droits sociaux est imposable à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à concurrence, selon les dispositions précitées du premier alinéa du même article 161, de l'excédent de la valeur des titres cédés sur le prix d'acquisition de ces parts, alors même que les titres n'ont été annulés que le 2 mai 2005 ; que la cession des titres ayant donné lieu à une mise à disposition de sommes au profit de l'intéressé au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, M. A ne saurait utilement faire valoir, en se référant notamment à des règles comptables, qu'aucun " désinvestissement " n'a pu être constaté ; qu'il s'ensuit que c'est par une exacte application des dispositions précitées du code général des impôts que l'administration a estimé que le rachat de 2 000 de ses propres actions par la SA Etablissement B auprès de M. A, son actionnaire, ne s'analysait pas comme la cession de titres par celui-ci à un tiers, à l'origine, le cas échéant, d'un gain net en capital imposable selon le régime des plus-values de cession, comme l'allègue le requérant, mais comme une distribution de revenus par la société imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

Considérant que le requérant ne saurait enfin utilement soutenir, ni que le législateur, en instituant des régimes d'imposition différents pour les opérations de cession de titres à un tiers et celles de rachat de ces mêmes titres par une société, aurait instauré une discrimination entre contribuables, ni qu'il existerait une distorsion dans le traitement de l'impôt et une méconnaissance du principe de l'égalité de traitement des contribuables, en imposant suivant le régime des revenus distribués pour la cession de titres par une personne physique à une société non cotée alors que le rachat de titres par des sociétés cotées entraînerait la taxation d'une plus-value dans la catégorie des plus-values mobilières, à l'encontre d'une imposition qui, comme il vient d'être dit, a été établie conformément à la loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ladite imposition ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles, en tout état de cause, tendant à la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires, doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent A et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Besson et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 26 juin 2012.

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N° 11LY03058

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY03058
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : CABINET IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-26;11ly03058 ?
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